Pascale Marthine Tayou, artiste | “Le samedi, je n’existe pas”
Le samedi de l’artiste Pascale Marthine Tayou: comparer des emballages, faire ce que demande son épouse Jo et aller au match de basket.
Le samedi de l’artiste Pascale Marthine Tayou: comparer des emballages, faire ce que demande son épouse Jo et aller au match de basket.
À l’occasion de la foire d’art “Asia Now”, qui se tiendra à Paris le week-end prochain, le label italien de café Illy présente une nouvelle “art collection”, des tasses à café créées par le sculpteur, artiste, installateur et vidéaste gantois Pascale Marthine Tayou (55 ans). Cette “art collection”, qui regorge de paysages africains, de branches et d’œufs, fait référence à la naissance et à la création et incite à réfléchir aux grandes questions de notre époque: conflits, durabilité, mondialisation, immigration.
Né au Cameroun, Tayou est un artiste autodidacte de renommée internationale. Dès 1987, après ses études de droit, il commence à exposer ses œuvres dans le monde entier. “Je suis venu à Gand pour la première fois au milieu des années 90, sur invitation du regretté Jan Hoet. Il y a une quinzaine d’années, j’ai acheté cet atelier, une ancienne usine sidérurgique que j’ai vidée et restaurée. Je vis à quelques rues de là, avec mon épouse Jo et notre plus jeune fils. Je retourne au Cameroun tous les deux ans, mais, dans ma tête, je n’ai jamais quitté ma patrie.”
Et ses samedis, il en fait quoi? “Le samedi, je n’existe pas. Je passe toujours cette journée à la maison, en fonction des autres.”
10h00 – “Je me lève, je bois un litre d’eau et je mange deux fruits, comme tous les jours.”
11h00 – “Mes samedis sont ceux d’une personne normale. Je vais chez Colruyt et chez l’asiatique du coin pour préparer le menu du soir. Mon épouse me laisse toujours une liste de courses. Elle est dans sa boutique: grâce à sa marque de vêtements, Jo De Visscher, elle est plus célèbre que moi. Une vedette! Parfois, je vais aussi chez Aldi, Lidl, Carrefour et Delhaize. Ils vendent tous la même chose, seul l’emballage diffère. C’est le jeu: le riz bon marché ne peut pas être bon. En ce qui me concerne, je ne suis pas difficile. De toute façon, je mange comme un cochon.”
13h30 – “De mes 10 à 18 ans, j’allais travailler au champ le samedi, comme tous les enfants de Bayangan. Maintenant, je ne viens dans mon atelier ce jour-là qu’en cas d’urgence. Je ne veux pas que ma famille dise plus tard: ‘Il n’était jamais là’. Le samedi, je suis à la maison. Contrairement à beaucoup d’autres artistes, je fais ce que mon épouse me demande et ça me fait plaisir. Même lorsque je suis en voyage, j’ai le sentiment que le samedi, ça se passe à la maison. J’ai un fils de 30 ans, né en Afrique. Il est plus noir que moi et travaille chez Volvo. J’ai également deux enfants avec Jo. Ma fille de 19 ans est mannequin, elle est souvent à Paris. Mon plus jeune fils a 17 ans et vit toujours à la maison.”
15h00 – “Nous écoutons de la musique, une passion commune. Mon fils et ma fille ont enregistré un duo. J’aime le jazz, le blues, la musique classique et la musique expérimentale que personne ne connaît. J’ai une collection de CD et une série d’instruments traditionnels sur lesquels j’ai déjà joué, mais qui me servent surtout pour des installations. Quand j’étais jeune, pour mettre du beurre dans mes épinards, je vendais des cassettes au Cameroun: de la musique de partout, sauf de Flandre et des Pays-Bas.”
“Mon plat préféré est le bibimbap, un plat oriental avec du riz, des légumes, du bœuf et de la sauce, découvert il y a trente ans en Corée du Sud.”Pascale Marthine Tayou
16h00 – “J’aime aller voir jouer La Gantoise, mais comme mon fils joue au basket au club Jeugd Gentson, j’en ai rarement l’occasion. Il insiste pour que j’assiste à tous ses matchs.”
18h15 – “Ce soir, c’est moi qui cuisine: un plat oriental, le bibimbap, avec du riz, des légumes, du bœuf et de la sauce, découvert il y a trente ans en Corée du Sud. ‘Bap’ signifie ‘viande’ et ‘bibim’ signifie ‘cafard’ dans ma langue maternelle.”
20h00 – “Au sein du cocon familial, dans et autour du canapé, je suis en contact avec le monde et mes racines via la télévision et mon téléphone. Nous regardons ensemble des séries et des soaps africains, comme ‘Madame... Monsieur’, ‘Victimes’ et ‘Samba’. Là-bas, la vie quotidienne évolue et même la langue change.”
23h45 – “Avant d’aller dormir, j’appelle la jeune écrivaine et slameuse camerounaise Ernis, Clémence Lontsi dans la vraie vie. Elle sortira bientôt un livre. Je ne l’ai jamais rencontrée, mais je l’aide en ce qui concerne l’utilisation des images et les droits d’auteur.”