Une recherche longue d'un demi-siècle: Alfons Vervloet a enfin trouvé la pièce manquante de sa Tracta Grégoire Sport (1958) sur un buffet, en Seine-et-Marne.
Alfons Vervloet a une magnifique collection de voitures, dans laquelle l'illustre marque française Delage joue les vedettes. Mais, il y a deux ans, lors d'une vente aux enchères chez Artcurial, à Paris, il acheté une Tracta Grégoire Sport (1958). Cette voiture est une création de l'ingénieur français Jean-Albert Grégoire, inventeur de la traction et du cadre en fonte d'aluminium. "Parmi ces Tracta Grégoire Sport, cinq décapotables et un coupé sont sortis du célèbre atelier d'Henri Chapron.
Qui? Alfons Vervloet (72 ans).
Quoi? Il a trouvé le compresseur introuvable qui avait été déposé de sa Tracta Grégoire Sport (1958) cinquante ans plus tôt.
L'anecdote? La Tracta Grégoire a été la voiture de l'écrivaine folle de vitesse, Françoise Sagan.
Le coupé a appartenu à Françoise Sagan. En 1958, cette voiture coûtait la bagatelle de 3,6 millions de francs français, presque le double du prix d'une Mercedes-Benz 300 SL. Grégoire l'avait emmenée chez Henry Ford, à Detroit, pour mettre une collaboration Ford-Grégoire en production, mais ça ne s'est pas fait et la voiture est restée sur place. Il y en a aussi une à la Cité de l'Automobile, à Mulhouse. Et la mienne."
Vervloet voue une admiration tant à Louis Delage qu'à Jean-Albert Grégoire. Ce dernier a, en 1927, mis au point avec Pierre Fenaille, la traction avant, ce qui lui a demandé des années de travail. Il a vendu son brevet à Citroën, qui l'a utilisé pour la Traction Avant, un modèle typique de l'automobile à la française de l'entre-deux guerres. Cet ingénieur a également développé une voiture électrique dans les années 1930, avec Pierre Quoirez.
Mais, ce qui a fait sa célébrité, c'est la structure monobloc en fonte d'aluminium, un châssis qui va du pare-brise aux roues arrière, et qui ne nécessite pas de longerons.
Ce concept a été mis en oeuvre dans la Hotchkiss-Grégoire. Quand Hotchkiss a été mise en liquidation, Grégoire s'est lancé seul et a construit la Tracta Grégoire Sport avec le même principe. Celle-ci disposait également d'un ingénieux compartiment moteur, avec un moteur horizontal de 2,2 litres quatre cylindres en aluminium et des ressorts horizontaux, ce qui permettait une construction très basse. Et, pour plus de puissance, il avait monté un compresseur Constantin."
Pièce unique
"Je lisais des articles à son sujet depuis soixante ans, mais je n'en avais jamais vues en vente", explique Vervloet. "Ma voiture avait été achetée neuve par un certain M. Lorton et s'est retrouvée en 1964 chez Jacques Legrand, où elle est restée dans la famille pendant environ cinquante ans. Elle était en bon état quand je l'ai achetée, mais, selon l'expression du commissaire-priseur, elle était "dépourvue de son compresseur".
Celui-ci avait été retiré en 1968, parce que la voiture était difficile à contrôler dans Paris. Ce type de 'blower' diffère d'un turbo par le fait qu'il fonctionne déjà au point mort et alimente le moteur au régime le plus bas. C'était une voiture conçue pour la route, pas pour la ville."
Bouteille à la mer
"J'étais heureux et malheureux. Ce compresseur manquant, c'était grave, car c'est ça qui faisait l'originalité de ce moteur: à l'époque, c'était le seul 'flat four' avec compresseur. Malgré son importance dans l'histoire de l'automobile, la marque Grégoire est peu connue. Il faut être un peu fou pour l'acheter."
Une fois rentré, j'ai pu raccorder l'ancien système au starter et à la pédale d'accélérateur. J'étais aux anges...!
Ce qu'est sans doute notre passionné: il s'est donc mis à la recherche de ce compresseur introuvable. Ses chances étaient minces, car il n'avait été produit qu'à six exemplaires en 1958. Pourtant, il ne s'est pas découragé et à lancé une bouteille à la mer, ou plutôt un appel sur Internet. "Un miracle, ça peut se produire une fois dans la vie!" C'est Thijs Verhage, co-fondateur du garage Rock'n Roll Classics, à Bruges, qui a réagi: il savait où se trouvait "son miracle".
"En Seine-et-Marne, chez un certain monsieur Morel, ex-mécanicien chez le constructeur Hotchkiss-Grégoire. Nous l'avons contacté. Il ma dit que ce compresseur se trouvait chez lui. Il s'est avéré que c'était lui qui, cinquante ans plus tôt, avait réglé le moteur de celle qui était devenue ma voiture. Quand je suis arrivé chez lui, il m'a emmené dans son hangar: à l'intérieur, sur un buffet, il y avait ce compresseur.
Alléluia! Une fois rentré, j'ai pu raccorder l'ancien système au starter et à la pédale d'accélérateur. J'étais aux anges...!"
Cet article est paru le 28 janvier 2019.