L’Automobile Club de France à Paris dépasse le simple cadre d’un club automobile. C’est un sanctuaire exclusif pour l’élite masculine, où se mêlent harmonieusement voitures, culture et luxe.
L’Automobile Club de France à Paris dépasse le simple cadre d’un club automobile. C’est un sanctuaire exclusif pour l’élite masculine, où se mêlent harmonieusement voitures, culture et luxe.
© Bob Van Mol

Automobile Club de France | Immersion dans le club automobile le plus exclusif au monde

Piscine signée Gustave Eiffel, bibliothèque, salle de sport, restaurant, salon de coiffure, masseur et agence de voyage privée... L’Automobile Club de France offre de nombreux services.

Je sonne au 6, place de la Concorde à Paris, où un concierge me fait entrer dans le majestueux hôtel particulier. On m’avait prévenu: sans costume ni cravate, impossible de franchir le seuil de l’Automobile Club de France (les initiés disent juste "l’Automobile Club", NDLR). Et sans invitation non plus. Celle-ci, je la dois au Royal Automobile Club of Flanders, fondé en 1899 sous le nom de Koninklijke Automobielclub der Vlaanderen. Obtenir de surcroît l’autorisation de réaliser un reportage relève de l’exceptionnel.

Le président du club, le comte Yann de Pontbriand, salue la comtesse Anne-Caroline d’Ursel d’un élégant baisemain. La comtesse a pris la présidence du club flamand l’an dernier. Mais ici, à Paris, ce serait impossible: les femmes ne peuvent même pas devenir membres.

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 L’Automobile Club de France à Paris dépasse le simple cadre d’un club automobile. C’est un sanctuaire exclusif pour l’élite, où se mêlent harmonieusement voitures, culture et luxe.
L’Automobile Club de France à Paris dépasse le simple cadre d’un club automobile. C’est un sanctuaire exclusif pour l’élite, où se mêlent harmonieusement voitures, culture et luxe.
© Bob Van Mol

L’Automobile Club est une institution, et non des moindres. Il s’agit du plus ancien et sans doute du plus exclusif des clubs automobiles au monde. Il a d’ailleurs été cofondé par un Belge, après la première course automobile de vitesse: Paris-Bordeaux-Paris, disputée du 11 au 13 juin 1895 sur une distance de 1.190 kilomètres.

Émile Levassor fut le premier à franchir la ligne d’arrivée au volant de sa Panhard & Levassor, au bout de 48 heures et 47 minutes de course. Pourtant, c’est la Peugeot de Paul Koechlin qui fut déclarée vainqueur: Levassor pilotait un biplace, alors que le règlement imposait un véhicule à quatre places. Le baron belge Étienne van Zuylen van Nyevelt ne s’illustra pas particulièrement lors de cette course, mais il allait jouer un rôle clé dans les débuts de la culture automobile.

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"Le 2 novembre de cette même année, ils se sont retrouvés à quatre pour déjeuner", raconte Yann de Pontbriand. "Aux côtés du baron van Zuylen, il y avait le comte Albert de Dion, le journaliste sportif Paul Meyan et Edmond Récopé. Dix jours plus tard, notre club voyait le jour."

Au volant de la toute première Porsche 911 Turbo
"La sélection des membres suit une procédure rigoureuse et ne retient que les candidats les plus courtois et les plus en phase avec les valeurs du club", explique Le président, le comte Yann de Pontbriand.
"La sélection des membres suit une procédure rigoureuse et ne retient que les candidats les plus courtois et les plus en phase avec les valeurs du club", explique Le président, le comte Yann de Pontbriand.
© Bob Van Mol

Hautes sphères

L’accession d’un Belge à la présidence ne découlait pas uniquement de son ardeur pour l’innovation, à une époque où les automobiles se frayaient un chemin entre locomotives à vapeur et calèches, et où l’enthousiasme pour ce nouveau moyen de transport atteignait son apogée. Le baron charismatique, uni par les liens du mariage à Hélène de Rothschild, jouissait également d’un avantage considérable. L’appartenance de celle-ci à la branche française de l’influente famille de banquiers lui ouvrait les portes des cercles les plus éminents de l’élite mondiale. Un atout primordial pour assurer le financement du nouveau club et lui conférer, dès sa création, une envergure internationale.

"Ce qui m’a toujours fasciné, c’est la diversité des technologies explorées à l’époque", avoue le comte de Pontbriand à propos de l’esprit qui régnait alors. "Lors de cette première course, des voitures à vapeur, électriques et à moteur à essence étaient en lice. C’est le moteur à combustion qui s’est imposé, et de loin. Soudain, une technologie révolutionnaire avait vu le jour: un moteur pratique, offrant une grande autonomie, synonyme d’une liberté sans précédent. Mais qui aurait pu imaginer qu’il poserait les bases d’une industrie mondiale telle que nous la connaissons aujourd’hui? Personne n’aurait osé en rêver."

Ce n’est pas un hasard si le premier club automobile voit le jour en France. Les Allemands ont certes construit les premières voitures, et plusieurs modèles participant à cette première course de vitesse embarquaient d’ailleurs un moteur Daimler, mais Panhard & Levassor et Peugeot sont en 1891 les premiers à produire des automobiles en série. Au tournant du siècle, la France domine l’industrie automobile, jusqu’à ce que Ford introduise la production de masse aux États-Unis.

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A côté de l’hôtel Le crillon, une porte plutôt discrète abrite le club le plus select de Paris, reservé exclusivement aux hommes.
A côté de l’hôtel Le crillon, une porte plutôt discrète abrite le club le plus select de Paris, reservé exclusivement aux hommes.
© Bob Van Mol

24 Heures du Mans

L’emplacement initial, sur la place de l’Opéra, se révèle rapidement trop exigu. Après un intermède dans une villa du bois de Boulogne, le club fait l’acquisition de l’historique hôtel Plessis-Bellière, un des plus beaux hôtels particuliers de Paris. Après quelques rénovations, le club s’y installe en 1899, puis achète l’hôtel de Moreau voisin en 1903.

L’Automobile Club possède d’ailleurs toujours ces deux bâtiments, qui totalisent plus de 10.000 mètres carrés. La location de la salle numéro 8 à la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA) remonte elle aussi à ces années pionnières. "En 1904, l’Automobile Club de France a proposé à d’autres clubs européens de fonder l’Association Internationale des Automobiles Clubs Reconnus (AIACR), le prédécesseur de la FIA, à laquelle les États-Unis ont ensuite également adhéré, et dont le siège se trouve toujours ici", explique le comte.

L’Automobile Club a sans conteste joué un rôle clé dans le développement du sport automobile. En 1906, il autorise notamment la Sarthe à organiser une course, événement qui allait conduire plus tard à la création des légendaires 24 Heures du Mans. Le club réglementait les courses dans toute la France, y compris le Grand Prix national annuel.

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© Bob Van Mol

Aujourd’hui, le sport automobile français est supervisé par la FFSA (Fédération Française du Sport automobile), fondée par le club en 1952. "Nous restons très impliqués dans les questions de mobilité et de sécurité", souligne le comte de Pontbriand. "Nous sommes attachés à la liberté et la flexibilité qu’offre l’automobile, mais sommes également engagés dans la protection des cyclistes, motocyclistes et utilisateurs de trottinettes. À ses débuts, notre club était étroitement impliqué dans l’élaboration du Code de la route et délivrait les permis de conduire. Aujourd’hui, on compte chaque année 3.500 décès sur les routes françaises. La sécurité demeure un enjeu majeur."

Piscine signée Gustave Eiffel

Le club repose sur trois piliers: la promotion de la culture automobile et de son industrie, le développement du cercle social et du bien-être des membres, ainsi que la valorisation de l’excellence française. Ce dernier point ne se limite pas à l’automobile, mais s’étend aussi à la gastronomie et à la culture, par exemple. La diversité des activités du club apparaît d’emblée tandis que le comte me fait visiter l’hôtel particulier. En montant à l’étage, nous percevons déjà l’odeur de la piscine, un chef-d’œuvre signé Gustave Eiffel, réputé somptueux, mais accessible uniquement aux membres. "Je ne peux pas enfreindre les règles que j’édicte moi-même", explique le comte de Pontbriand avec un sourire.

Il nous fait tout de même découvrir le péristyle, le somptueux salon "Gordon Bennett" et le bar "Peugeot" à l’esthétique résolument moderne, après quoi nous nous retrouvons soudain dans l’une des plus grandes bibliothèques privées de France, qui dispose de son propre bibliothécaire. Ses 53.000 ouvrages ne sont cependant pas consacrés à l’automobile, mais à la littérature -essentiellement française, cela va de soi. "De la culture pour le cercle, de la nourriture pour l’esprit!" Des dîners réunissant plus de 200 convives y sont organisés, ainsi que des cocktails, des conférences et des concerts.

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Le club dispose d’une bibliothèque privée de 53.000 ouvrages, principalement axés sur la culture.
Le club dispose d’une bibliothèque privée de 53.000 ouvrages, principalement axés sur la culture.
© Bob Van Mol
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Le club abrite également un impressionnant fonds d’archives retraçant l’histoire de l’automobile jusqu’en 1924, placé sous la supervision d’un archiviste attitré. L’auditorium "André et Édouard Michelin" accueille des projections de films, des conférences et des remises de prix. En plus des nombreux salons, les membres disposent d’une salle de sport, d’un salon de coiffure, d’un service de massage et même d’une agence de voyages privée. Le club possède aussi une équipe de billard et propose diverses activités, du yoga au squash en passant par le tir au pigeon et l’escrime.

Nous dînons dans les Salons Concorde, avant d’être conduits sur le toit-terrasse, d’où la vue est tout simplement phénoménale sur la Ville Lumière. Quel lieu exceptionnel.

Ni business, ni politique

Aujourd’hui, l’Automobile Club emploie pas moins de 150 personnes, principalement dans l’administration, la cuisine et le service. Ses revenus proviennent en grande partie de la location de ses espaces: les entreprises peuvent y recevoir jusqu’à 300 invités, et des cocktails privés, ainsi que des mariages, y sont également organisés. Sans oublier, bien sûr, la cotisation des 2.200 membres. "Ce n’est pas donné, mais cela reste abordable!", s’exclame le comte de Pontbriand en riant. "La meilleure preuve? Nous avons une liste d’attente de 80 candidats, soit à peu près le nombre que nous admettons chaque année."

© Bob Van Mol

On dit qu’il s’agit du club automobile le plus exclusif au monde? Le comte esquisse un sourire. "Nous sommes sélectifs quant à la qualité de nos membres", répond-il. "Et une procédure statutaire veille à cette sélection. Après avoir déposé son dossier, chaque candidat passe un premier entretien avec un rapporteur, puis se présente devant une commission de douze personnes qui statue sur son admission. Nos exigences sont simples: la volonté de respecter la culture de cette maison. Nos valeurs sont celles d’un gentleman: ne pas voler, dire la vérité et faire preuve de courtoisie. Ce filtre protège le cercle. L’origine et la fortune n’ont pas d’importance. Ce qui compte, c’est d’être un gentleman. Et aussi: ni business, ni politique, ni religion. Ces sujets restent à la porte. Ils sont source de discorde, et c’est précisément ce que nous voulons éviter."

"Vouliez-vous parler du fait que nous n’acceptons pas de membres féminins?" Conscient du côté sensible de la question, le comte aborde lui-même le sujet, mais livre une explication pragmatique. "Notre infrastructure ne se prête pas à accueillir un club mixte, notamment parce que nous ne pouvons pas aménager de vestiaires séparés dans la salle de sport et la piscine. Mais ce n’est pas tout noir ou tout blanc: les épouses de nos membres bénéficient d’un statut particulier et peuvent profiter de nombreux avantages. Elles peuvent tout à fait venir déjeuner ici, y compris avec des amies. D’autres invitées sont également les bienvenues à nombre de nos activités. En réalité, cela résout déjà en grande partie le problème."

Quant à savoir si l’adhésion des femmes sera un jour possible, un autre élément entre en jeu. "Je ne l’exclus pas, mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Nous observons ce qui se passe dans d’autres clubs: partout où des femmes ou des couples ont été admis, l’ambiance a changé. Cela rejoint aussi notre volonté d’éviter les conflits, c’est vrai."

La Belgique abrite plus de 500 clubs automobiles, allant de groupes d’amis passionnés à des cercles exclusifs. Dès le mois d’avril, Sabato vous invite à découvrir, deux fois par mois, les plus remarquables d’entre eux.
| À retrouver sur ici |

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