Bienvenue dans l’atelier secret de Suber père et fils à Bruxelles

Bono et Ralph Lauren, mais aussi des légendes de l’automobile comme Jean Todt et Sebastian Vettel collectionnent les voitures miniatures de Suber Factory.

"Pour Seb et Fred, avec toute mon admiration pour leur talent à miniaturiser les voitures, entre rêve et passion." La carte manuscrite que Fred Suber nous montre peut paraître banale, mais, pour lui, elle revêt une importance capitale. "Elle porte la signature de Monsieur Jean Todt, ancien pilote de rallye, directeur de l’écurie Ferrari F1, puis CEO du groupe Ferrari", confie-t-il. "Jean Todt est une légende absolue dans le sport automobile. Il est également un fervent admirateur de nos voitures miniatures fabriquées à la main."

Todt n’est pas le seul fan: il y a trois ans, séduit par les voitures miniatures de Fred Suber et de son fils Sébastien, le groupe de luxe LVMH a proposé d’entrer dans le capital de l’entreprise bruxelloise. Fidèles à leur indépendance, les Suber ont décliné l’offre. "Nous voulons pouvoir choisir nous-mêmes, parmi l’immense gamme de modèles de voitures, ceux que nous réaliserons en miniature. Pour nous, cela doit être un coup de cœur. Notre sélection est dictée par l’esthétique d’une voiture, mais aussi par son histoire, son palmarès ou même le pilote qui a pris le volant."

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Suber Factory ne réalise pratiquement jamais de voitures miniatures sur commande. Cependant, ils ont fait une exception en 2011, pour l’icône de la mode américaine, Ralph Lauren, grand collectionneur de voitures: "J’ai accepté de réaliser un modèle réduit de sa phénoménale Bugatti 57SC Atlantic de 1938, à condition que je puisse la lui remettre en personne, chez lui, à San Francisco. Lors de cette rencontre, il m’a signé cinq plaques en métal ‘RL’, que j’ai pu fixer sur cinq éditions miniatures de sa légendaire voiture de collection."

Sébastien Suber se concentre sur la reproduction d’une Ferrari 156, la fameuse "Sharknose" qui a permis à Phil Hill d’obtenir le titre de champion du monde en 1961.
Sébastien Suber se concentre sur la reproduction d’une Ferrari 156, la fameuse "Sharknose" qui a permis à Phil Hill d’obtenir le titre de champion du monde en 1961.
©Alexander D'Hiet
"Je me sens plus artiste qu’artisan. Un artisan se contente de faire une réplique exacte de la voiture. Moi, j’y ajoute une touche artistique."
Fred Suber

De Mr Walmart à Sebastian Vettel

Ralph Lauren n’est pas le seul client célèbre du discret atelier belge de modélisme. Bono, leader du groupe U2, et Jon Shirley, ancien dirigeant de Microsoft, lui achètent également des voitures miniatures. Un échantillon impressionnant de la clientèle est accroché sur le Wall of Fame de l’atelier. Parmi les photos, nous reconnaissons d’éminents hommes d’affaires belges, le collectionneur de Ferrari Carlos Monteverde, Robson Walton (Walmart) et Sébastien Bottinelli, héritier de la famille qui dirige la prestigieuse marque de montres de luxe Audemars Piguet.

Plus impressionnantes encore sont les photos des légendes de l’automobile tombées sous le charme des modèles de Suber. Jean Todt, bien sûr, mais aussi des pilotes automobiles comme Jacky Ickx et Sebastian Vettel. Et Lawrence Stroll, le propriétaire de l’écurie Aston Martin F1. "Sans oublier le regretté Roland D’Ieteren», ajoute Fred Suber. "Il comptait beaucoup pour nous. Non seulement il collectionnait nos modèles, mais il était aussi un ami de l’atelier. Peu avant sa mort, en 2020, il nous avait recommandé de privilégier le marché belge: ‘Vous êtes made in Belgium: restez ici’."

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LVMH a proposé d’entrer dans le capital de l’entreprise bruxelloise. Fidèles à leur indépendance, les Suber ont décliné l’offre.
LVMH a proposé d’entrer dans le capital de l’entreprise bruxelloise. Fidèles à leur indépendance, les Suber ont décliné l’offre.
©Alexander D'Hiet
"Nous construisons et peignons à la main chacun des modèles."
Fred Suber

Heureux hasard

Fred Suber nourrit une passion pour le modélisme depuis son plus jeune âge. "Enfant, je ne rêvais que de voitures miniatures. Quand j’ai reçu mon premier kit de modélisme, c’est comme si c’est Dieu en personne qui me l’avait donné." Malgré des études d’ingénieur commercial à l’ICHEC à Bruxelles et huit ans consacrées à un travail "traditionnel", il n’a jamais délaissé son hobby. En 1994, quand a lieu l’accident du pilote de F1 Ayrton Senna, il a déjà une impressionnante collection de voitures miniatures. C’est alors qu’il décide de les exposer dans une brasserie de Woluwe.

"Par un heureux hasard, le célèbre collectionneur de Porsche Johan-Frank Dirickx est passé: il est le premier à m’avoir acheté une voiture miniature. Depuis lors, les commandes affluent. Trente ans plus tard, Johan-Frank est toujours un client fidèle. À l’époque, je n’aurais jamais osé rêver que mes voitures miniatures soient vendues dans le monde entier."

Jacques Swaters, ancien pilote automobile, concessionnaire Ferrari et fondateur bruxellois de l’Écurie Francorchamps, a aussi joué un rôle déterminant dans le développement de Suber Factory. Fred Suber n’évoque pas Swaters comme son "père spirituel" sans raison: "Grâce à Jacques, de nombreuses portes se sont ouvertes. Par son intermédiaire, j’ai rencontré des collectionneurs de voitures et je suis entré en contact avec le beau monde. Ils n’hésitaient pas à se rendre au musée privé de Jacques dans l’espoir d’acquérir des pièces rares issues de son immense collection de souvenirs, comme les lettres d’Enzo Ferrari adressées à ses maîtresses, ses agendas, son permis de conduire ou même son acte de naissance. Ces collectionneurs possèdent les voitures les plus belles et les plus chères du monde. Et ils sont constamment en quête de pièces exclusives", témoigne Suber.

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L’atelier produit une vingtaine de modèles par an.
L’atelier produit une vingtaine de modèles par an.
©Alexander D'Hiet

Miniatures exactes

Exclusives, les voitures miniatures des Suber père et fils le sont. Suber Factory réalise à la main des répliques miniatures exactes de modèles vintage emblématiques. Et ce, à partir de rien, d’où la présence d’innombrables machines à souder, papiers de verre et pinceaux dans l’atelier. "Nous réalisons et peignons nous-mêmes chaque pièce, à la main", précise Fred Suber en montrant une Napier-Railton de 1933, la mythique voiture de course qui a établi le record absolu du tour (230,84 km/h) sur le circuit de Brooklands (Angleterre) en 1935, méticuleusement recréée à l’échelle. "Je me sens plus artiste qu’artisan. Un artisan se contente de réaliser une réplique exacte de la voiture alors que moi, j’y ajoute une touche artistique. Chaque fois que je fais un prototype, j’essaie de lui donner vie en utilisant la méthode Rembrandt. J’ai suivi des cours à l’académie spécialement pour maîtriser les jeux d’ombre et de lumière typiques des grands maîtres anciens. La première voiture que j’ai mise en couleur avec cette technique était une Maserati 250F."

En ce moment, ce n’est pas à une Maserati, mais à la McLaren F1 du triple champion du monde Ayrton Senna que Suber père redonne vie. "Le moteur et le châssis de ce modèle de 1988 sont quasiment terminés. Il faudra entre trois et six mois pour que le prototype à l’échelle 1/12 soit prêt. Sur l’édition de 12 exemplaires que nous allons réaliser, plus aucun n’est disponible: tous sont déjà réservés."

À côté de lui, Sébastien, le fils de Fred Suber, se concentre sur une Ferrari 156, la "Sharknose" au volant de laquelle Phil Hill a remporté le Championnat du monde en 1961. "Je travaille sur la quatrième voiture de cette édition de 12", explique-t-il. "Dès qu’elle sera terminée, elle partira en Suisse. Pour chaque modèle, nous remettons au client un livret documentant l’ensemble du processus de construction, qui fait également office de certificat d’authenticité."

Un modèle de Suber factory vaut entre 15.000 à 25.000 euros, un prix qui n’entrave pas la demande.
Un modèle de Suber factory vaut entre 15.000 à 25.000 euros, un prix qui n’entrave pas la demande.
©Alexander D'Hiet

Vingt pièces par an

Un modèle de Suber Factory coûte entre 15.000 et 25.000 euros. Cependant, l’atelier n’en produit que très peu, environ 20 pièces par an. "Le travail manuel prend du temps. Les collectionneurs doivent parfois attendre des mois, voire des années, avant de recevoir leur voiture miniature", explique Fred Suber. "Chaque pièce quittant l’atelier doit être la plus belle possible, indépendamment de la fortune de nos clients. Ils ont appris à être patients, car ils comprennent le travail que cela représente."

Depuis cinq ans, Fred est secondé par son fils Sébastien. Ce spécialiste en marketing a quitté son emploi pour rejoindre l’atelier de son père. Depuis lors, tant la production que les efforts en marketing et communication se sont intensifiés. Le père et le fils réalisent désormais une à deux voitures par mois et développent deux prototypes par an. "Ici, Seb n’a ni voiture de société, ni chèques-repas, ni congés payés. Mais sa présence à mes côtés est un rêve devenu réalité", déclare Fred Suber. "Il est la seule personne au monde à qui je désire transmettre mes connaissances et mon expérience."

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