La passion d’une vie pour Lieven Goeman: les voitures d'après-guerre de Stanley Arnolt, cet Américain visionnaire qui avait créé une Bristol avec un moteur BMW. Michael, le fils de Wacky Arnolt, est même devenu un ami...
Lieven Goeman, urologue.
Le garage de Lieven Goeman s’étend jusqu’au salon, où trône toujours une voiture. Aujourd’hui, c’est son roadster Porsche 356 B 1600 S (1961) non restauré, dans une superbe combinaison "Bleu Etna" et cuir rouge. “Je l’ai trouvée aux États-Unis, chez un ingénieur allemand de 87 ans”, explique-t-il.
“Il a déménagé alors que la voiture avait déjà été commandée et il l’a donc fait livrer en Amérique. Quand il me l’a montrée, j’ai tout de suite remarqué le logo D’Ieteren: c’est l’un des 473 exemplaires de la série BT5 qui ont été construits en Belgique. Le compteur affiche 50.000 miles. Je la conduis régulièrement, en bon chauffeur bien tranquille.”
Nous n’avions jamais entendu parler de la Stanguellini Monoposto (1960). “Pendant deux ans, l’écrivain italien Maurizio Tabucchi, un adepte d’Alfa Romeo, l’a conduite, avec beaucoup de prudence, pour participer à des courses - il était le plus lent de la série des Monoposto!”, s’exclame Goeman en riant.
“Personnellement, je l’ai déjà conduite deux fois. C’est une véritable sculpture et j’en suis totalement amoureux! Et la petite AC Bristol Works (1957) avait été commandée par un major américain en poste en Allemagne: il a fait un tonneau sur le Nürburgring. Quand je l’ai achetée, elle était en mauvais état malgré la restauration. Les lignes n’étaient plus correctes. J’ai fait tout refaire.”
Arnolt Bristol
“Quand j’ai vu une Arnolt Bristol (1954) pour la première fois, je n’en croyais pas mes yeux. Ces lignes… quelle merveille! Elle se trouvait dans un garage, près de mon lieu de travail. Tous les matins, je partais un peu en avance pour la regarder. Et, un beau jour, elle a disparu. Plus tard, je l’ai retrouvée en France. Une restauration ‘next level’ (ironie): il s’est avéré qu’il y avait 300 kilos de mastic et, un jour où il faisait chaud, il s’est mis à onduler. Il a fallu des années pour la restaurer.”
Stanley "Wacky" Arnolt, un Américain haut en couleur, avait fait fortune pendant la Seconde Guerre mondiale grâce à des moteurs de bateaux pour l’armée. Il a également été importateur de MG, Bristol et Riley. “En 1952, il a vu une MG avec une carrosserie de Bertone au salon de Turin”, raconte Goeman. “Il en a directement commandé 200 exemplaires et Nuccio Bertone, à l’époque presque en faillite, ne savait pas où les trouver. Arnolt les a vendues aux États-Unis sous le nom Arnolt MG."
"Plus tard, lorsqu’il a voulu quelque chose d’encore plus beau et de plus rapide, il est parti du châssis de la Bristol 404 et du moteur de la BMW 328, que les Britanniques avaient emportés comme butin de guerre. Pour le look, il a engagé Franco Scaglione, qui avait conçu les ‘Batmobiles’ chez Bertone, trois concepts cars pour Alfa Romeo."
"Ces BAT (Berlinetta Aerodinamica Tecnica) se trouvent maintenant au musée de l’automobile de Blackhawk, et sont officieusement à vendre pour environ 25 millions d’euros. Elles sont sublimes. La Porsche 356B Carrera GTL Abarth est aussi de Scaglione, comme la Lamborghini 350GTV, l’Alfa Romeo 33 Stradale et la Giulietta Sprint... quel talent!”
L’Arnolt Bristol a été construite à 142 exemplaires. “Douze ont fini dans un incendie de l’usine”, poursuit Goeman, qui s’était plongé dans l’historique de la marque. “Il en reste une septantaine, dont 34 probablement d’origine. Michael, le fils de Wacky Arnolt, est devenu un ami. Alors que je correspondais avec un Américain au sujet d’une autre Arnolt Bristol, j’ai vu ce coupé hardtop sur une photo, à l’arrière-plan. J’ai pu l’acheter à un (relativement) bon prix."
"La restauration a duré plus de six ans. Il a retrouvé sa couleur d’origine, "Candy Apple Red". Je voudrais l’emmener au Concorso d’Eleganza Villa D’Este, où il réapparaîtra pour la première fois. Pour le moment, il est souvent dans mon salon. C'est le seul exemplaire de ce modèle. Quel que soit l’angle sous lequel on la regarde, ce coupé est toujours différent. C’est du grand art, et je pèse mes mots.”
Jaguar originale
“C’est peut-être déformation professionnelle, mais j’aime les voitures nettes”, déclare-t-il en riant. “J’ai acheté la Jaguar XK 120 (1950) au fils de son premier propriétaire.” Il montre des photos où l’on voit cet homme prêt à prendre le volant.
“Selon lui, elle n’a jamais roulé sous la pluie. Le moteur était démonté et vérifié chaque année.” Le côté droit présente toutefois une légère décoloration. “Une fois, le fils avait fait tomber son vélo contre la voiture. Jamais il n’avait vu son père aussi en colère! Il a fait la réparation lui-même, et ce n’était pas très discret. Quand je l’ai fait restaurer, le restaurateur voulait retoucher cette tache. Je lui ai dit qu’il n’en était pas question!”