La collection Lancia de Jan Van Hoorick, un héritage familial

L’univers des collectionneurs est fait de rêves, de possessions et (oui, parfois aussi) d’obsessions. Cette semaine: Jan Van Hoorick, héritier de la famille Lancia Club Belgio.

Dans son allée trône fièrement un petit panneau ‘Via Vincenzo Lancia’, comme si nous étions à Turin. Et dans ses garages, nous découvrons des centaines de plaques de rallye, dont certaines datent du début des années 80. "Elles appartenaient à mon père", précise-t-il. "Il possédait des Lancia Aurelia et Aprilia, que je conduisais plus souvent que lui. Il est décédé en 1990."

Jan Van Hoorick possède une dizaine de Lancia. "Nous venons de rentrer de France avec l’Aurelia B20 rouge foncé (1953)", raconte-t-il. "C’est un modèle de la troisième série. J’en ai aussi un de la première (1951) et un autre de la deuxième (1952), mais ils sont chez des réparateurs. Avec celui de la deuxième série, j’ai foncé dans un poteau. J’étais furieux, mais c’était de ma faute. Quand je l’ai acheté, il était resté pendant quarante ans dans un garage en Grande-Bretagne. C’est une voiture dans laquelle on est royalement assis: je n’ai plus envie de me contorsionner pour entrer et sortir d’une voiture!"

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Jan Van Hoorick possède une dizaine de Lancia.
Jan Van Hoorick possède une dizaine de Lancia.
©Wouter Maeckelberghe
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Jan Van Hoorick (66 ans)

Ex-cogérant de la maison d’édition Bouwkroniek et président du Lancia Club Belgio.

◆ Voiture de tous les jours: Alfa Romeo Stelvio (2020).

◆ La première: Flaminia Sport Zagato (1962).

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◆ La meilleure: Aurelia B50 Cabriolet Pininfarina (1951).

◆ La pire: «J’ai eu des pannes, mais jamais de mauvaises voitures.»

◆ Vendue à regret: Lancia Delta Integrale Evo II (1992), bleu foncé et sellerie en cuir noir.

◆ Le rêve: Lancia B10 première série.

Accident de la route

Il sourit et retire la bâche qui recouvre la petite Lancia Belna (1934). "C’était ma première véritable voiture de collection, achetée en 1993. 'C’est parfait pour toi', m’avait lancé un ami du Lancia Club Belgio. Peu de temps auparavant, j’avais perdu une jambe dans un accident de la route et cette voiture, avec sa boîte semi-automatique, était l’idéal. J’avais trois jeunes enfants et un budget limité, mais j’ai pu l’acquérir à prix d’ami. Je l’ai conduite pendant des années, principalement lors de rallyes, avec ma mère et ma fille. Elle est à l’arrêt depuis plus de cinq ans."

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Son cousin Leo, conservateur d’Autoworld à Bruxelles, a déjà été cité dans cette rubrique. "Notre grand-père était un ancien combattant et un libéral flamand de Bruxelles. Après la Première Guerre mondiale, il a fondé la maison d’édition Bouwkroniek, que Leo et moi avons perpétuée jusqu’à sa vente, en 2008. Au départ, notre grand-père roulait en Minerva. Mais lorsqu’il les a trouvées trop lourdes, il a acheté une petite Fiat et, en 1934, sa première Lancia, une Augusta. Depuis lors, presque toute la famille a acheté des Lancia – je tiens des statistiques à ce sujet et j’en ai compté 123. Personnellement, j’en ai eu une quarantaine."

"Quand je suis sorti du coma, j’ai demandé à Leo: ‘Tu ne vas pas me dire que tu m’as acheté une Volvo, hein?’ Quelle idée!"
Jan Van Hoorick
Président du Lancia Club Belgio
La lancia Aurelia B24 décapotable (1958) avec une sellerie bordeaux a été chinée dans un salon en Italie pour 180.000 euros - elle vaut le double aujourd’hui.
La lancia Aurelia B24 décapotable (1958) avec une sellerie bordeaux a été chinée dans un salon en Italie pour 180.000 euros - elle vaut le double aujourd’hui.
©Wouter Maeckelberghe

"La première, je l’ai achetée à dix-sept ans: une Lancia Flaminia Sport Zagato (1962). J’avais des économies, car à la maison, on m’interdisait de les dépenser. Je crois que je l’ai payée 100.000 francs belges (2.500 euros de l’époque, NDLR). Ma tante trouvait que c’était de la folie. La voiture ne roulait pas, mais un ami ingénieur devait m’aider à la remettre en état, ce qui ne s’est finalement jamais fait. La première voiture avec laquelle j’ai vraiment roulé, c’était une Lancia Fulvia Berlina (1972), achetée à mon père. À l’époque, on pouvait dénicher un modèle en mauvais état pour 50 euros. Elles étaient plus complexes que les autres voitures, comme si chez Lancia, on se demandait comment rendre compliqué ce qui pouvait être simple. Beaucoup s’y sont cassé les dents, mais une fois bien restaurées, elles roulaient parfaitement bien. Plus tard, j’ai eu une Lancia Flavia Pininfarina (1967), que je garais parmi les voitures des profs à l’université. Je me souviens que Els Witte conduisait une petite Ford Escort jaune et que Els De Bens roulait en Jaguar."

La Lancia Aurelia B20 (1953) a passé 40 ans dans une grange.
La Lancia Aurelia B20 (1953) a passé 40 ans dans une grange.
©Wouter Maeckelberghe

Héritage

"L’Aurelia B24 cabriolet (1958) avec sa sellerie bordeaux, c’était mon rêve. En fait, elle appartient à mon épouse. Lorsqu’Isabelle était chez le notaire à l’époque, elle avait expliqué qu’elle ne savait pas trop quoi faire de son héritage. ‘Votre mari est passionné par les Lancia, non? Achetez une belle voiture!’, lui avait-il suggéré. Nous avons trouvé cette voiture lors d’un salon en Italie, où elle avait été restaurée. Si je me souviens bien, elle l’a payée 180.000 euros. Aujourd’hui, elle vaut le double."

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"Quand nous nous sommes mariés, elle savait bien que j’avais cette passion!", confie-t-il en riant. "Historiquement, Alfa Romeo est la marque sport des Italiens, alors que Lancia incarnait le luxe. Il y a une quinzaine d’années encore, les Lancia n’étaient pas particulièrement prisées, même en tant que voitures de collection. Pourtant, dans les années 50, elles étaient très en avance sur leur temps, avec leur moteur V6 placé derrière l’essieu avant, et les freins, la boîte de vitesses et l’embrayage juste devant l’essieu arrière: tout était conçu de manière très centralisée et très compacte. L’Aurelia coûtait à peu près le même prix qu’une Jaguar XK, mais elle était beaucoup plus sophistiquée sur le plan technique."

Road trip en Italie dans une Alfa Romeo Spider de 1981 | Partie 1 : Ward et sa voiture
©Wouter Maeckelberghe

"Pour une voiture de plus de septante ans, l’Aurelia B50 Cabriolet Pininfarina (1951) roule étonnamment bien. Elle n’a été produite qu’à 197 exemplaires, dont très peu ont survécu. Celle-ci n’a jamais été restaurée. J’ai d’ailleurs eu un jour un différend avec le jury du concours d’élégance du Zoute Grand Prix, qui ne voulait pas l’accepter. Je suis partisan de la conservation plutôt que de la restauration, mais j’avais tout de même remis la voiture en état, remplacé la capote et les seuils, et traité la portière rouillée avec un revêtement protecteur. Si je remplace cette portière, la voiture perdra son authenticité. Et une seule porte brillante, ce ne serait pas très esthétique non plus."

Épave

"J’ai encore quelque chose à vous montrer", déclare-t-il en ouvrant une autre porte, révélant une épave. "C’est la Lancia Aurelia B10 Berlina (1950), la première voiture au monde dotée d’un moteur V6. Je l’ai achetée il y a une dizaine d’années, sans intention de la restaurer moi-même. Peut-être qu’un jeune passionné s’y attellera un jour, quand elle vaudra une fortune. J’ai aussi une B22 Berlina (1952), actuellement chez un réparateur."

La lancia Aurelia B24 décapotable (1958) avec une sellerie bordeaux a été chinée dans un salon en Italie pour 180.000 euros - elle vaut le double aujourd’hui.
La lancia Aurelia B24 décapotable (1958) avec une sellerie bordeaux a été chinée dans un salon en Italie pour 180.000 euros - elle vaut le double aujourd’hui.
©Wouter Maeckelberghe

Il nous montre ensuite sa collection de près de 400 miniatures et modèles réduits qu’il a construits dans son enfance, ainsi qu’une bibliothèque contenant pratiquement tous les ouvrages publiés sur Lancia. "Ces livres, je les dévore depuis tout petit. Certains ont même été recouverts par ma mère. ‘La Favolosa Lancia’ a été le tout premier." Il feuillette des pages remplies de numéros de châssis et de résultats de courses. "J’ai toujours été fasciné par la manière dont certains commerçants inventent des histoires!", s’exclame-t-il en riant. "Si une voiture a participé aux Mille Miglia, elle vaut facilement cent mille euros de plus. Mais dès qu’il y a de l’argent à gagner, les mensonges se multiplient."

Son admiration pour l’élégance et la sophistication technique des Lancia est ancrée en lui. "À l’époque, lorsque je suis sorti du coma après mon accident, j’ai demandé à Leo: ‘Tu ne vas pas me dire que tu m’as acheté une Volvo, hein?’ Quelle idée! Mais il m’a vite rassuré."

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