La Villa d'Este, célèbre villa Renaissance dans un merveilleux parc de 25 hectares, accueille chaque année un des plus prestigieux concours de voitures de collection du monde.
La Villa d'Este, célèbre villa Renaissance dans un merveilleux parc de 25 hectares, accueille chaque année un des plus prestigieux concours de voitures de collection du monde.
© Courtesy BMW Group Classic

Les plus belles voitures de collection du monde à la Villa d'Este

C'est à la Villa d'Este, sur les rives du Lac de Côme, en Italie, que se réunissent chaque année les plus belles voitures de collection. Nous nous y sommes rendus pour exercer notre oeil de connaisseur et suivre un cours accéléré dispensé par deux experts belges. "Stop it! You are damaging my car!"

Sur les rives du Lac de Côme, en Italie. À deux pas de l'hôtel Hilton, nous prenons le bateau-navette jusqu'à la Villa d'Este qui, au cours des 150 dernières années, a vu défiler l'aristocratie européenne et les plus grandes stars hollywoodiennes. Il n'est dès lors pas étonnant qu'il est le cadre idéal pour le 'Concorso d'Eleganza', organisé là depuis 1929.

"Aujourd'hui, c'est 'the place to be' si vous voulez savoir ce qui se passe au sommet du marché de la voiture de collection. C'est ici, ainsi qu'aux concours de Pebble Beach, Windsor Castle et Chantilly, qu'on peut admirer la crème de la crème", déclarent André Cocquyt (43 ans) et Rudy Joris (49 ans), deux experts en assurances, spécialisés dans les ancêtres. Ils sont concurrents, mais partagent la même passion. Chaque année, ils font une dizaine de concours. Et ils sont ici pour la huitième fois déjà.

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© Courtesy BMW Group Classic

Je découvre une (à mes yeux) incomparable Bugatti 57 Atalante (1937). "Un miroir!", s'exclament les deux experts d'une seule voix. "Difficiles à pistoler, ces couleurs." Au fur et à mesure qu'ils s'en approchent, ils se ravisent. "Pas si génial que ça en réalité. Les bords. Des traces de ponçage. Des fissures. Du silicone. Aïe, aïe, aïe!" Joris passe rapidement un doigt sur la carrosserie. Mal lui en a pris. "Stop it! You are damaging my car!", s'écrie le propriétaire luxembourgeois en déboulant comme un ouragan. "Vous vous rendez compte de ce que vous touchez? Cette peinture cellulosique a 80 ans!"

Nous mettons les voiles. "Il ne veut pas qu'on pointe les malfaçons de sa voiture en public!", commentent les deux experts. "Dire qu'il y a des traces de ponçage pareilles, sur de la peinture de 80 ans...!"

Sueurs froides

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Nous mettons le cap sur une Abarth 2000 Sport SE 010 bleue. Les deux Belges la trouvent sur-restaurée. "Son charme a disparu. Une voiture de course, ça ne ressemble pas à ça! De plus, les rivets ne sont pas d'origine."
"Le contraire existe aussi: on peut patiner une voiture", déclare Joris avec tout autant de réticence. "Je préfère encore la Fiat 8V de Jan De Reu de Knokke. Elle a été polie, mais jamais repeinte."

Nous sommes spéciaux et sans doute un peu fous. Sinon, qui observerait la soudure d'une voiture pendant une heure?
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"La portière a été repeinte", fait remarquer son collègue. On se renseigne et, en effet, c'est le cas. Lors des Mille Miglia, la peinture s'est détachée à cause d'un autocollant. "On voit une différence de brillance, et des particules de poussière", déclare Cocquyt. Pourtant, cette perle rare turquoise avait été traitée spécialement pour le concours par un "docteur en peinture" de Breda. La voiture n'avait jamais été restaurée. Pendant près de 60 ans, elle a appartenu au même propriétaire, l'Américain Larry Vivian. Suite à son décès, en 2012, De Reu a pu l'ajouter à sa célèbre collection, qui compte une quarantaine de voitures. Par la vitre, ouverte, j'observe l'intérieur et j'aperçois le casque de course de Vivian.

#LookAtMeToo

S'il fallait décrire l'essence de cet événement en un mot, ce serait 'lookatmetoo'. Cela s'appliquerait aux voitures, évidemment, mais aussi aux invités. Mais un peu d'histoire tout d'abord. Le concours est organisé pour la première fois en 1929, disparaît au début des années 1950 avant d'être relancé dans les années 1990. Les voitures participantes sont divisées en huit catégories. Le thème sous lequel est placé le concours cette année est 'Hollywood on the Lake - Stars of the Silver Screen'. Dans sa catégorie, la BMW 507 (1958), un cadeau d'Elvis Presley à Ursula Andress (sa partenaire dans 'Fun in Acapulco' et première -et inoubliable- James Bond girl), est en lice avec la Ferrari 500 Superfast de notre compatriote Lucas Laureys, ex-CEO et président de la firme de lingerie Van de Velde.

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Les voitures de collection sont évaluées par un jury placé sous la direction de Lorenzo Ramaciotti. Pendant 33 ans, l'Italien a dessiné des Ferrari et d'autres beautés chez Pininfarina, avant de devenir group chief of design chez Fiat Group Automobiles en 2007. Parmi les autres grands noms du jury, citons Ian Cameron, ex-directeur du design chez Rolls-Royce, Adolfo Orsi Jr, héritier de Maserati, Sir Jonathan Paul 'Jony' Ive, chief design officer d'Apple, et Yasmin Le Bon, 'Lady Collector' et ex-mannequin star des eighties.

Unique au monde

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© Courtesy BMW Group Classic

Nous croisons une Chevrolet Corvette (1959) que je trouve d'une incroyable beauté. Ce n'est pas un hasard si l'Américaine ressemble beaucoup à la Ferrari 250 GT Berlinetta SWB (1960) qui se trouve juste à côté: c'est l'une des trois seules Corvette du carrossier italien Scaglietti, commandée par le Texan Carroll Shelby, célèbre pour la mythique Cobra. Ici également, les deux Belges sont attentifs aux moindres détails et sont plutôt critiques. "Regarde ce caoutchouc: il y a des traces de peinture. Il y a des fissures dans les caoutchoucs. Et on voit des retouches dans la peinture et de la peau d'orange. Quand on parle d'état de concours, c'est juste inacceptable! Une voiture aussi exceptionnelle mérite mieux, mais le propriétaire veut faire du fric."

"Après avoir peint les pièces de carrosserie, il faut toujours les rematifier en les ponçant avec un grain très fin", explique Joris. "Ensuite, on les polit et, enfin, on les réassemble. Ce qui peut représenter une semaine de travail."

Vous vous rendez compte de ce que vous touchez? Cette peinture cellulosique a 80 ans!

"Regardez donc la différence avec cette Jaguar." Nous passons un doigt sur la peinture ultra-lisse. La ligne de démarcation entre le vert clair et le vert foncé est parfaite et imperceptible au toucher. Les caoutchoucs sont souples et sans marques. Cette voiture a aussi des chromes frais. "Voilà, ça c'est un état de concours!", claironnent-ils.
Quel frisson: nous avons caressé la seule Jaguar XK 120 SE Fixed Head Coupé by Pininfarina (1954) au monde. "Si on veut restaurer des voitures comme ça, mieux vaut lancer son entreprise de restauration", déclarait Simon Kidston, un des plus grands connaisseurs de voitures et speaker lors de cette édition de la Villa d'Este.

"Le pare-chocs arrière de la Corvette est en acier inoxydable poli et le pare-chocs avant, en chrome", soupire Cocquyt en me plaçant face au pare-chocs. "Regardez là, juste en bas." Les extrémités présentent une déviation d'environ un demi-centimètre. "Ce pare-chocs a été installé en une heure. Maintenant, regardez la Jaguar." Il est parfaitement droit. "Cela demande plusieurs jours de travail. Il a peut-être été monté et démonté vingt fois. C'est vrai, la différence est minime, mais cette Corvette n'existe qu'en trois exemplaires seulement: la restauration aurait dû être parfaite. C'est un scandale, mais c'est, hélas, fréquent."

Dix mille heures de travail

Tandis que je hume l'agréable parfum des gaz d'échappement, Joris et Cocquyt m'expliquent qu'ils ont tous deux grandi dans le métier. Les parents de Cocquyt possédaient un garage à Knokke qui a été vendu en 1999. Cocquyt devient, un peu malgré lui, un expert avisé. "Mon père collectionnait toutes sortes de catalogues automobiles et de prospectus de vente depuis les années 1950", explique-t-il.

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Joris est fou de modèles classiques depuis qu'il a douze ans. "Je suis devenu expert à vingt ans - j'étais le plus jeune expert de tous les temps en Belgique. Mais ça prend du temps: vous ne pouvez pas vous dire: maintenant, je vais me lancer dans les voitures de collection. C'est un peu comme devenir adulte, cela prend des années."
La Ferrari grise 250 GT Berlinetta SWB rend Cocquyt lyrique. "Regardez les lignes de ce coffre! Et cette porte! Et ces soudures, parfaitement égales! Tout cela peut représenter dix mille heures de travail. C'est une restauration de haut niveau. Bien sûr, pour une Porsche 911, ça coûte le même prix. Or elle ne vaut qu'une fraction de celle-ci. Mais ce sont des voitures de niche absolues. Cela n'a rien à voir avec une belle voiture."

Outrages du temps

"Nous sommes spéciaux", reconnaît Joris. "Et peut-être même un peu fous. Qui passerait des heures à regarder la soudure d'une voiture de collection? Le fait est que, pour une même voiture, une personne peut dépenser 50.000 euros et une autre, 300.000 euros. Et pour la majorité des gens, les deux seraient tout aussi rutilantes et tout aussi splendides. Nous, par contre, nous choisirions sans hésiter la restauration à 300.000 euros."

Pourtant, il vaut parfois mieux montrer les outrages du temps: c'est la remarque que je me fais alors que nous clôturons notre visite à la Villa d'Este en nous arrêtant devant une Lancia Astura Série 3 de 1936. Cette voiture n'a pas été restaurée, aucune tentative de remise en état n'a même été entreprise. Les sièges sont usés, le capot est patiné et les lignes ont vécu. "Comme ça aussi, elle peut aussi être magnifique."

5x Cool Classics

1. La plus hollywoodienne: Ferrari 500 Superfast

La Ferrari 500 Superfast de Lucas Laureys est la Ferrari la plus chère de 1965. Et la voiture de série la plus rapide de son époque. Le Belge, ex-CEO et président de la société de lingerie Van de Velde, est un grand collectionneur. Lors de sa première participation au concours, en 2013, il a remporté le trophée dans sa catégorie, avec le même modèle d'ailleurs.

Cette année, la Ferrari de Laureys était en lice dans la catégorie 'Hollywood on the Lake - Stars of the Silver Screen'. Cette voiture avait été achetée à l'origine par l'acteur anglais Peter Sellers (The Party, The Pink Panther). "Je suis devenu son quatrième propriétaire en 1997", précise le collectionneur en nous montrant le bon de commande d'origine ainsi que la correspondance dans laquelle Sellers négociait ferme une facture de 30 livres. "La voiture n'a jamais été vraiment restaurée. L'intérieur a été à peine rafraîchi, mais il a magnifiquement vieilli."

Aussi, le Belge se qualifie de collectionneur impulsif. "Je craque pour une voiture ou pas. Les personnes et les histoires qui y sont liées sont aussi importantes que la voiture proprement dite. Par contre, je n'achète pas sans savoir. Et je ne veux pas non plus perdre d'argent."

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2. La plus confortable: Bugatti 59 (1934)

Les 'Titans' sont les pionniers du sport automobile. Cette catégorie comprend notamment la Bugatti 59 (1934) du gourou du design Marc Newson. Sur les huit Type 59 construites, quatre ont été utilisées par l'équipe de course de Bugatti, dont celle-ci. Le Français René Dreyfus a remporté avec elle le Grand Prix de Belgique le 19 juillet 1934. "Un petit bijou", voilà comment Newson la décrit. "La voiture était déjà un peu démodée à l'époque, mais tout a été conçu de manière extrêmement précise et sophistiquée, le détail le plus frappant étant les roues à fins rayons. C'est un objet iconique. L'année dernière, j'ai participé avec elle aux Mille Miglia, avec mon épouse Charlotte comme copilote. Elle l'a trouvée très confortable, au point qu'elle s'y est endormie."

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3. La plus extraordinaire: Ferrari 335 Sport Spider

Le jury a décerné à cette voiture le titre très convoité de 'Best of Show'. Les experts en Ferrari pourraient y voir une carrosserie basée sur une Testa Rossa de 1958, mais ce n'est pas le cas; elle n'a pas de moteur trois litres, mais un quatre litres V12 avec quatre arbres à cames et double allumage, ce qui permet au moteur de délivrer 430 cv pour bondir à 305 km/h. La 335 Sport est le pur-sang de l'écurie Ferrari. Des quatre exemplaires construits, il n'en reste plus que trois: le quatrième a été impliqué dans un accident lors des Mille Miglia de 1957, qui a coûté la vie à son pilote, le dandy ibérique Alfonso Marquis de Portago, ainsi qu'à onze autres personnes. Son propriétaire actuel l'a achetée en 2013 pour plus de 18 millions d'euros.

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4. La plus spectaculaire: Alfa Romeo 33/2 Stradale (1968)

Si son nom suggère que l'Alfa Romeo 33/2 Stradale (1968) est destinée à la route, c'est probablement une plaisanterie: il s'agit en réalité d'une voiture de course par excellence. En son temps, ce bolide coûtait la moitié du prix d'une Ferrari 275 GTB/4, et n'a été construit qu'à quelques rares exemplaires - le nombre exact a fait l'objet d'un débat pendant des décennies. Il existe peut-être 18 châssis, dont 5 n'ont été utilisés que pour des études de conception uniques. À la Villa d'Este 2018, cette voiture a également décroché le prix 'Best of Show', mais décerné par le public. 

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5. La plus iconique: Ferrari 250 GTO (1962)

Tout le monde reconnaît de loin la voiture la plus chère de ce concours. La Ferrari 250 GTO (1962) a été construite à seulement 39 exemplaires. Ce fut l'une des GT les plus acclamées de tous les temps. Chaque fois qu'un exemplaire est vendu, de nouveaux records sont battus. Fin août, un exemplaire a été adjugé pour 41,6 millions d'euros en Californie. Cela peut sembler étrange pour une voiture sans garniture ni tapis: à l'intérieur, on ne voit que du métal, mais ceux qui ont eu l'occasion de la conduire affirment qu'elle roule incroyablement bien, au point que Simon Kidston, le speaker du concours, compare cela à du 'Sex on wheels'. L'exemplaire d'Ann et Chris Cox, États-Unis, porte les couleurs suédoises avec lesquelles a couru Ulf Norinder en 1963. Elle a remporté le prix de la voiture la plus iconique."

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