Patrick Raats ne sort presque jamais avec les ancêtres qu'il a reçues de son père. "À dix-huit ans, je ne m’intéressais pas à ce vieux machin", lance-t-il au sujet d'une Cadillac Series 62 Convertible (1952). "Bon, ça ne mange pas de pain, alors, je la garde."
La première: Opel GT (1970).
Voiture de tous les jours: Porsche 911 Carrera 4 (2016).
La meilleure: "Les Mercedes-Benz Vito sont pour l’entreprise."
La pire: Citroën C8 (2004). Le rêve: Ford Model R de 1907/1908.
“La Rolls-Royce qui trône devant le portail appartient à un client!”, tient à préciser Patrick Raats. “Une nouvelle jante comme celle-ci coûte 5.000 euros: manifestement, il estimait que ça valait la peine de la réparer.” La porte de son entreprise cache une collection spéciale.
“Je n’ai jamais eu de raison de vendre l’Opel GT (1970). Mon père me l’a offerte quand j’avais une dizaine d’années. Il trouvait la 1.1 plus sûre que la 1.9. Au début, cette version me paraissait un peu faible, mais elle est plus rare: selon mes informations, elle a été construite à seulement 73 exemplaires cette année-là. "
"À partir de mes 18 ans, je l’ai utilisée tous les jours pendant 5 ans environ. Elle n’a pas été restaurée: elle a juste été repeinte, il y a plus de 15 ans: j’ai rempilé sur le gris, mais j’ai ajouté des bandes bleues. Après être restée longtemps sans rouler, je la conduis à nouveau, même si elle ne fait pas plus de trois sorties par an.”
“Elle est de mon année de naissance. Mon père a fait la même chose pour mes sœurs: il a acheté la Kadett verte de 1964 et la bleue de 1978.” Il me présente la facture originale de la première, issue du garage Van Kerckhove à Lokeren: 65.816 francs plus 16% de ‘taxe de luxe’, soit exactement 77.000 francs. “En soi, elle a peu de valeur, mais cette voiture est également non restaurée et dans son état d’origine. On peut l’astiquer et la conduire.”
Les voitures sont une passion familiale. “Mon père m’a inculqué l’amour des voitures dès mon plus jeune âge. À l’époque, nous nous tenions debout entre les sièges ou assis sur l’accoudoir arrière. Aujourd’hui, ce serait inimaginable!”
Cadillac dreams
La Mercedes-Benz 280 CE (1973) est à l’arrêt depuis des années.“C’était sa dernière voiture de tous les jours. La Cadillac Series 62 Convertible (1952), assemblée à Anvers, était son rêve d’enfant: son oncle en avait une, et il s’était juré de s’en offrir une quand il serait grand."
"En 1964, à l’époque où il travaillait sur les quais, il l’a vue près d’une entreprise portuaire, sous une bâche. Son propriétaire était un capitaine norvégien ou suédois. Quand mon père lui en a proposé 6.000 francs, il s’est fait remballer: “Pour la valeur de cette voiture, on peut s’acheter une maison!”
"Bon, c’était un peu exagéré: ces voitures ne valaient presque rien à l’époque, elles servaient pour le rodéo. Mon père a insisté. L’épouse du capitaine lui a proposé un marché: “Offrez-nous 10.000 de plus et nous vous la vendrons. Peut-être...”. Mon père n’avait pas cette somme, alors il a fait un emprunt. Et il a pu acheter la voiture. Au début, il l’utilisait souvent -alors que son patron roulait en Skoda. Et quand le montant de la taxe est monté en flèche, il l’a remisée, jusqu’à ce qu’elle devienne une ancêtre."
"Des années plus tard, une fois que le premier propriétaire était dans une maison de repos, mon père est allé lui rendre visite pour lui montrer la voiture. Le vieil homme lui a dit 'J’ai encore quelque chose pour vous', avant de lui remettre le double des clés.”
Voitures d'avant-guerre
Aujourd’hui, c’est au tour de son père d’être en maison de repos. Cette beauté poussiéreuse n’a pas été restaurée. Patrick Raats me montre le certificat de garantie original, que le capitaine Ivar Olsen avait obtenu en 1952. En tant que premier propriétaire, il pouvait présenter la voiture gratuitement à l’inspection, à vie. “À dix-huit ans, je ne m’intéressais pas à ce vieux machin, mais maintenant, oui, même si je n’en fais rien. Bon, ça ne mange pas de pain, alors, je le garde.”
D’après une petite photo d’époque, son père aurait acheté la Ford Model A (1931) en 1979. “Elle avait été importée des États-Unis par un habitant de Lokeren, mais il ne la trouvait pas assez bien. Nous n’y avons plus touché depuis, et elle est toujours en parfait état. Elle possède une carrosserie rare, conçue par Murray, une entreprise qui intervenait quand la capacité de production normale de Ford n’était pas suffisante.
"J’ai acheté la Model A Cabriolet (1930): je la trouvais très belle et sa mécanique ne m’était pas inconnue. Avec ces deux-là, mon beau-frère et moi participons à des événements d’avant-guerre, comme la Parel der Voorkempen -en costume d’époque, bien sûr!"
"En général, nous les transportons sur la remorque. L’année dernière par contre, j’ai roulé jusqu’à Leopoldsburg avec la bleue. Quand je suis arrivé, j’étais crevé! Au volant, il faut vraiment travailler: pour se détendre, un trajet de 15 à 30 kilomètres est suffisant.”
“Il y a cinq ans environ, j’ai eu des problèmes financiers et j’ai dû vendre ma kit-car Caterham”, explique-t-il. “Deux amis ont estimé que cette voiture était un gage d’amitié et ils l’ont achetée, ensemble. Il y a deux ans, ils ont eu des petits soucis aussi et je l’ai rachetée, pour la moitié du prix. Mais ils l’utilisent toujours: nous alternons.”