Sven De Boeck et Bart Vanhees sont à la tête de Nostalbus, une association qui rachète des bus ancêtres, les restaure et les utilise pour des événements patrimoniaux.
“Adolescent, j’étais fan des bus urbains de Bruges”, déclare Sven De Boeck (44 ans). “Je ne décollais pas du siège, je regardais autour de moi et je discutais avec le chauffeur. En 1992, ces bus ont été supprimés et envoyés dans les pays de l’Est, où ils ont encore circulé pendant dix ans. Il y en a même un qui roule encore à Kaunas, en Lituanie.”
Le Brugeois déclare être fétichiste du son des bus. “Faites-moi monter les yeux bandés dans un bus, et je vous dirai de quel modèle il s’agit. En 2006, j’ai entendu un bus à Louvain: c’était clairement un vieux moteur Cummins. C’était un Van Hool de 1976, qui a été mis hors service un mois plus tard. Est-ce que je le voulais?"
"J’ai très vite trouvé un endroit où l’entreposer. Comme j’ai deux mains gauches, il a été restauré sous la supervision de Bart, un vrai MacGyver des bus! Et puis il y en a eu un deuxième, et un troisième. C’est ainsi qu’est née, en 2010, l’association Nostalbus qui conserve de vieux bus et les utilise dans le cadre de manifestations patrimoniales. Tous les deux mois, nous organisons quelque chose.”
Bus historiques
En octobre, Nostalbus a embarqué le Van Hool A120P (1987) sur un ferry direction l’île de Wight, pour participer au Classic Buses, Beer and Walks Weekend. “Les bus historiques font escale dans une série de pubs. Ici, c’est impensable... En Angleterre, il y a des centaines de bus historiques. Chaque ville en a quelques-uns. Chez nous, on préfère s’en séparer."
"Bref, nous avons fait sensation: les Britanniques étaient sidérés. Du coup, leurs associations viendront peut-être ici cet été: du 21 au 23 août, nous célébrerons notre 10e anniversaire. Nous avons pour objectif de rassembler trente bus et de passer par Audenarde, Ypres et Bruges soit la fosse aux lions car la ville veut que les bus restent à l’extérieur.”
L’association compte cent membres, dont vingt actifs. “Nous n’avons que des bus de ligne belges qui roulaient pour la Compagnie Nationale des Chemins de Fer Vicinaux (SNCV) ou un de ses exploitants privés. Même s’ils paraissent ordinaires, c’est notre patrimoine! Le plus ancien est un Van Hool avec un moteur Fiat de 1964. Sept sont à nous et quatre, que nous avons sous gestion, appartiennent à De Lijn.
Restauration
“J’ai accroché en première année de secondaire, quand j’allais à l’école en bus!”, se souvient Bart Vanhees (31 ans). “Tout jeune, je voulais déjà en acheter un. Mes parents me prenaient pour un fou. En 2007, j’ai fait la connaissance de Sven grâce au forum en ligne Zone 01. Plus tard, je me suis installé à Gand, en grande partie pour Nostalbus. C’est vrai, c’est un genre de folie, mais grâce à cette association, j’ai l’occasion de travailler sur des bus, de les entretenir.”
Avec deux autres personnes, il a aussi acheté un bus pour la collection de l’asbl. “Nous les achetons au prix de la ferraille, pour 3.000 à 5.000 euros. Ensuite, nous faisons tout nous-mêmes, parfois avec le soutien de De Lijn ou de la STIB. Si nous déléguions la restauration, cela nous reviendreait à facilement 75.000 euros."
"L’année dernière, nous avons entièrement restauré un Jonckheere Trans City, jusqu’à la dernière vis. Nous nous étions dit: ça va aller. Mais quand on les démonte, c’est toujours pire que prévu. Et il y a énormément de choses à faire. Déposer les vitres est loin d’être évident. Pour les pièces, nous avons des contacts jusqu’en Chine. Nous en avons déjà démontés environ 25.”
Le Jonckheere en question affiche 888.225 kilomètres au compteur. Il date de 1991, mais le modèle, de 1977. Le bus a passé toute sa carrière chez l’exploitant privé Deceuninck à Roulers, jusqu’à ce que Nostalbus le rachète en 2012.
“Les coussins ont été rembourrés gratuitement par un professionnel. Nous avons aussi un super carrossier dans l’association. Le bus a été peint à la main, dans ses couleurs d’origine. En 1977, le rouge et vert a disparu et tout est devenu orange. La livrée blanc-orange-bleu est arrivée en 1988, puis a été remplacée par les couleurs De Lijn actuelles, en 1991.”
Nostalgie
Nostalbus tire ses revenus des cotisations de ses membres, de circuits et de dons déductibles fiscalement, mais aussi d’autres associations patrimoniales qui louent ses bus pour des événements. Les mariages et autres cérémonies permettent également de recueillir des fonds.
Mais plus encore que les amateurs de voitures anciennes, le problème le plus épineux auquel sont confrontés les busboys est le garage. "Les bus sont dispatchés chez les membres, parfois juste garés dans l’allée, chez un exploitant de De Lijn et des entreprises amies”, explique Vanhees. “Jusqu’à l’année dernière, il y en avait quatre sous le viaduc de la E17 à Gentbrugge, mais comme il y avait des blocs de béton qui tombaient, il a fallu les déplacer."
Il est conducteur de train à la SNCB, où travaille également De Boeck. “J’ai toujours pensé que j’étais le seul passionné de bus au monde, c’est pour cela que je suis passé aux trains quand j’étais ado et du coup, je me suis retrouvé à la SNCB, au département du patrimoine historique du musée Train World à Schaerbeek."
"J’ai redécouvert les bus plus tard, via les réseaux sociaux. Maintenant, j’aime les deux. Je suis une personne nostalgique. Les rues avec les cabines téléphoniques, le contexte politique de la Guerre froide... J’y suis un peu resté. Je ne regarde jamais en avant.”