"Ils m'arrêtent régulièrement pour me demander si elle était vraiment vraie!"
"Malheureusement, je n'ai qu'un seul ancêtre", avait prévenu Ari Epstein. "Ce n'est pas grave", avions-nous répondu. Si les Américains du blog Petrolicious sont venus en Belgique spécialement pour réaliser un film à son sujet, c'est qu''il doit être spécial.
Cette bête rare se trouve dans le garage de ses parents, mais tellement à l'étroit que nous devons aller faire le shooting ailleurs. C'est ainsi que, par un beau dimanche matin, nous traversons le centre d'Anvers en Porsche 911 Carrera Targa (1976) en livrée de la gendarmerie. Elle suscite la sympathie, chez les policiers également. "Ils m'arrêtent régulièrement pour me demander si elle est vraiment vraie!", s'amuse Epstein.
Oui, c'est une vraie. Et pas n'importe laquelle! "Des Porsche ont été livrées à la gendarmerie belge en 1974, 1976, 1978 et 1980", explique Epstein. "Il s'agit du modèle le plus spécial, construit à seulement vingt exemplaires. Presque personne ne le sait et ça peut sembler surréaliste aujourd'hui, mais, en 1974, la gendarmerie circulait en voiture de course. Ces vingt véhicules embarquent le moteur de la Carrera RS 2.7, qui développe 210 chevaux, soit le même coeur que la 911, la Porsche plus recherchée, aujourd'hui inabordable.
Avec une vitesse de pointe de 240 km/h, c'était la voiture de police la plus rapide du monde jusqu'en 1984. Sur les plus de 4.800 RS qui ont été construites, ces vingt exemplaires sont aussi les seuls à avoir une carrosserie étroite." Et il nous montre une copie du bon d'achat avec tous les détails, signé par le ministre de la Défense de l'époque, Paul Vanden Boeynants. Coût: 672.684 francs, soit près de 17.000 euros chacune.
Ces Porsche ont une histoire particulière. "Environ mille exemplaires ont été livrés en Suède, en Russie et même au Japon", détaille Epstein. "Et une soixantaine en Belgique. Les dernières ont été retirées de la circulation en 1987. J'ai commencé mes recherches en 2015, après en avoir vu deux à AutoWorld, lors d'une exposition sur les 50 ans de la Porsche Targa."
"Après deux ans de recherches, je suis tombé sur des photos d'une Targa recouverte d'une épaisse couche de poussière, en Angleterre. Sur le côté gauche de la barre de toit, j'ai reconnu les cinq trous pour fixer le support du gyrophare. Pas de doute: c'en était une! À l'intérieur, j'ai vu les boutons pour le gyrophare et le stop rouge. Mais je ne savais pas encore d'où elle venait, et encore moins qu'elle avait le moteur RS! C'est un ami, l'expert Gert Beets, qui m'a aidé à l'identifier: il avait la liste des voitures de police livrées en Belgique."
"J'ai payé le prix convenu et je l'ai faite livrer en Belgique. Elle était en meilleur état que je ne l'avais imaginé. Elle avait été exportée en 1987 par une femme qui l'avait remisée dans une grange où elle a passé trente ans sans voir la lumière du jour.
Le compteur d'origine était cassé; de toute façon, il était à cinq chiffres: je ne sais donc pas quel est son kilométrage réel, sans doute entre 400.000 et 500.000 kilomètres. Ces voitures roulaient sans arrêt: elles rentraient, changeaient de conducteur et repartaient."
Ari Epstein
CEO de l'Antwerp World Diamond Centre
Voiture de tous les jours: BMW X5 (2014) et Ford Ka (2005).
La première: Volkswagen Polo.
La meilleure: Audi 100 CS (1988).
Vendue avec regret: toutes.
Le rêve: Porsche 991 Speedster.
Techniquement, elle a été entièrement révisée. Depuis, Epstein est devenu une encyclopédie vivante sur les véhicules d'intervention Porsche. "Je connais les numéros de châssis par coeur! Les numéros de moteur de ces vingt RS commencent par 666. Ça me rend heureux. Je la conduis souvent, même en hiver! Mais pas sous la pluie. Je suis un bon conducteur, mais ça s'arrête là.
Je n'ai pas suffisamment confiance en mes compétences de conduite. On peut circuler avec les véhicules d'intervention de plus de 25 ans, mais il est interdit d'allumer les gadgets liés à son passé, comme le gyrophare, le feu stop rouge et la sirène. Par contre, la bande orange ne pose pas de problème."
"Avant d'être autorisés à la conduire, les gendarmes devaient suivre une formation suivie d'un examen que tous ne réussissaient pas, loin s'en faut" explique-t-il. "C'est une voiture légère et très réactive, sans ABS ni ASR", ajoute-t-il tout en nous montrant des photos de véhicules accidentés.
"Jusqu'à récemment, on ne connaissait plus que trois motorisations RS ayant survécu. La première chez un collectionneur, la deuxième dans la collection de D'Ieteren et la mienne. Mais, suite au film sur le blog Petrolicious, une quatrième a refait surface, et en très bon état. Le propriétaire m'a contacté et je n'ai pas pu résister: ça fait partie de notre histoire. Non, je ne l'ai pas payé un prix RS. Loin de là!"