Pendant 70 ans, Louis Vuitton s'est tenue à l'écart de l'univers olfactif, "parce que les parfums ne font pas partie du coeur de métier du malletier". Pourtant, aujourd'hui, la maison de luxe française s'y aventure et propose non pas une, mais une collection de sept fragrances. "J'ai carte blanche."
Quatre noms et quelques flacons. C'est tout ce qu'il reste des anciennes fragrances de Louis Vuitton. Peu se souviennent du sillage parfumé de "Heures d'Absence" (1927), "Je, Tu, Il" (1928), "Eau de Voyage" ou "Réminiscences" (1946). Les parfums, qui avaient été lancés en édition très limitée, se sont depuis envolés. Pourtant, point de revival de fragrances Art Déco aujourd'hui, mais plutôt des jus contemporains. Et certainement considérés dans le monde entier comme "le lancement de l'année". Et cela n'effraie en rien Jacques Cavallier Belletrud, nez de la maison: "Louis Vuitton m'a donné carte blanche", commente-t-il, confiant.
Héritage oublié
La maison de luxe s'est cependant longtemps tenue à l'écart de l'univers olfactif. Elle est l'une des dernières grandes maisons à éditer une collection de parfums. "Cela ne faisait pas partie du coeur de métier du malletier", avait-on affirmé pendant longtemps. Mais nous avons finalement changé d'avis: cet héritage oublié d'il y a 70 ans était un prétexte idéal pour créer à nouveau des parfums. Et, contrairement à beaucoup d'autres jus de grandes maisons de mode, ces fragrances ne seront pas disponibles dans les parfumeries, mais uniquement dans les boutiques Louis Vuitton.
Les parfums ne sont pas le seul héritage dépoussiéré par LVMH, le groupe de luxe auquel appartient Louis Vuitton. En 2013, un an après avoir engagé Jacques Cavallier Belletrud, le groupe acquiert Les Fontaines Parfumées à Grasse, l'épicentre de la parfumerie, dans le sud de France. Le domaine, qui se compose de champs de fleurs, d'un verger et d'un complexe de bâtiments, a été entièrement rénové et les parfumeurs de Vuitton et de Dior (qui fait également partie du portefeuille de LVMH) y ont pris leurs quartiers pour travailler en toute tranquillité à l'élaboration de nouvelles fragrances. Non seulement le jardin et les bâtiments ont été restaurés, mais la fontaine qui a donné son nom au domaine a été remise en ordre de marche.
Dans les années vingt, quand le domaine des Fontaines Parfumées jouait encore un rôle actif dans la parfumerie, les clients pouvaient remplir leurs flacons à la fontaine à parfum, une tradition que Louis Vuitton entend faire revivre. En effet, les clients pourront faire remplir leurs flacons de nouveau parfum dans les boutiques. Créés par le designer australien Marc Newson (qui a travaillé pour Apple, Alessi et Hermès), les précieux flacons de verre sont un joli clin d'oeil à ceux des anciens parfums Louis Vuitton.
Enfant de Grasse
Fils d'un nez (son père) et d'une spécialiste des ingrédients de parfumerie (sa mère), Jacques Cavallier Belletrud aide ses parents dès l'âge de six ans et, à seize ans, il travaille comme apprenti à Grasse. Troisième génération de parfumeurs de Grasse, il ne peut pourtant pas se rappeler des anciennes fragrances, mais il se souvient bien du domaine dans lequel il officie aujourd'hui. Enfant, sur le chemin de l'école, il passait tous les jours devant le grand portail en fer forgé de la bastide sans savoir qu'elle serait un jour son lieu de travail.
Ce qui lui est resté, ce n'est pas seulement la senteur des champs de fleurs et des parfums de Grasse, mais aussi celle du cuir. "Le cuir et le parfum sont liés", explique-t-il. L'industrie du parfum est née ici parce qu'on y fabriquait des gants en cuir parfumés pour l'aristocratie européenne. Avec sa collection pour le malletier Vuitton, la boucle olfactive est bouclée. "Traitez-moi de superstitieux (je viens du sud!) si vous le voulez, mais je pense qu'il est important d'honorer la tradition."
Essences féminines
Aujourd'hui, on lui doit, entre autres, L'Eau d'Issey pour Issey Miyake et Acqua Di Giò pour Giorgio Armani. Deux best-sellers absolus. Il a donc le nez fin en matières d'envies du public. "Les parfums doivent être portés", déclare-t-il. "C'est comme avec la mode: un vêtement, ce n'est pas seulement un dessin d'un créateur, c'est quelque chose que l'on porte sur soi." Selon Jacques Cavallier Belletrud, ses créations olfactives pour Louis Vuitton sont clairement féminines. Les fleurs qui sont le fil conducteur de la collection sont, pour lui, le symbole féminin par excellence: rose, jasmin, magnolia et fleur d'oranger. Il y a ajouté une note de cuir, pour que le parfum reste captivant.
Bien que les parfums ne portent pas de noms expressément féminins et que les flacons soient neutres, le parfumeur refuse que ses fragrances soient qualifiées d'unisexe. "Je rejette la notion d'unisexe en parfumerie", déclare-t-il fermement. "C'est une chimère. Mes parfums sont destinés aux femmes, ce sont clairement des parfums féminins -du reste, mon épouse est le juge ultime pour chaque nouveau parfum même si, au final, c'est à la cliente de décider quel parfum elle va avoir envie de porter. Cela dit, cela ne me dérange vraiment pas qu'une femme porte un parfum masculin ou même l'inverse."
Disponible depuis le 1er septembre en exclusivité dans les boutiques Louis Vuitton. Comptez 200 euros pour 100 ml d'eau de parfum et 125 euros pour faire remplir à nouveau son flacon.
www.louisvuitton.com