Elle a pris un virage à 180 degrés en passant de la pop à la mode. Aujourd’hui, elle ajoute une corde à son arc: la beauté. Quels sont les atouts de Victoria Beckham Beauty pour devenir un hit? Sa façon de faire taire les critiques?
Dans leurs jours de gloire, vers 1997, les Spice Girls avaient quelque chose d’attachant. À commencer par leur façon de se tenir devant le miroir pour se couvrir de maquillage dans leur loge, spontanées et joyeuses. "Se préparer pour une soirée avec ses copines, ça crée un lien, vous ne trouvez pas?"
Deux décennies plus tard, Victoria Beckham se confie, blottie dans un coin du canapé en velours bleu canard de son bureau, au-dessus de son empire de la mode installé à Hammersmith, un quartier animé de Londres. Un empire qui s’étendra à la beauté. "Bah!", s’exclame-t-elle en riant. "Quand j’y pense, nous nous tartinions le visage de maquillage. Et plus nous étions fatiguées, plus nous mettions du blush." Une autre époque.
Aujourd’hui, elle a la main légère. Juste un peu de mascara, peut-être un trait d’un millimètre d’ombre à paupières fumée, un soupçon de fard à joues et la bouche naturelle. Son regard est souligné par une fine ride, ce qui est rassurant à son âge. Sur le rebord de la fenêtre de son élégant bureau, dans lequel un architecte d’intérieur est manifestement intervenu, trône une impressionnante collection de prix musicaux, comme l’Ivor Novello Award qu’elle a reçu avec les autres Spice Girls pour le tube ‘Wannabe’.
Elle n’a pas du tout eu l’impression de rater quelque chose quand les autres Spice Girls sont reparties en tournée l’été dernier. Des retrouvailles qui, selon ceux qui y ont assisté, étaient plutôt triomphales. "Been there, done that", résume-t-elle. Pour Victoria Beckham, le passé reste dans le passé. "Je savais qu’elles s’en sortiraient à merveille. Chacune d’elles est une top performer aujourd’hui encore, ce que je ne suis plus. Pas une seule fois, je n’ai fermé les yeux pour m’imaginer sur la scène, avec les autres filles. Je n’avais plus du tout envie de ça."
Collaboration au sommet
Il faut dire que Victoria Beckham a de nombreux autres moyens d’exprimer sa créativité et des activités qu’elle estime beaucoup plus susceptibles de la mener au succès. Comme sa ligne de beauté, qui vient d’être lancée au niveau mondial après des mois de brefs teasers sur les réseaux sociaux. Et que le monde de la mode attendait avec impatience.
Non, ce n’est pas une collaboration avec Estée Lauder, comme les collections sur lesquelles elle avait travaillé il y a quelques années. Cette fois-ci, elle a tout financé avec son entreprise et la société d’investissement NEO Investment Partners, qui possède également des marques comme le parfumeur Miller Harris, le producteur d’éclairage Tom Dixon ou le maroquinier Valextra.
Pour Victoria Beckham, il s’agit d’une entreprise d’envergure. En effet, lancer de bons produits de beauté sur le marché a un prix, comme recourir aux services d’une équipe réputée: elle a collaboré pour les éditions limitées avec Sarah Creal, ex product developer chez Estée Lauder aujourd’hui co-CEO de Victoria Beckham Beauty. Bien entendu, Beckham est heureuse de l’avoir convaincue de la rejoindre. Une femme au top de son expertise en la matière, à qui elle renvoie ses interlocuteurs à la moindre question technique sur ses produits.
Avoir Sarah Creal en ligne (elle est à New York), c’est constater que l’admiration est réciproque. "Lorsque Victoria m’a appelée pour ce projet, en janvier 2018, je n’ai pas pu fermer l’œil de la nuit", se souvient-elle. "J’avais déjà expliqué à maintes reprises tel ou tel nouveau concept à un petit groupe d’hommes et constaté qu’ils n’avaient pas compris. Avec Victoria, c’est complètement différent. Même en vacances, elle m’envoie des photos de produits qu’elle aime et me demande si nous pourrions en faire une version plus épurée. Elle a de très bons contacts avec des médecins et des make-up artists."
Beckham et Creal voulaient toutes deux placer la barre le plus haut possible. "Nous nous demandions quel était le produit le plus moderne que nous pourrions faire", détaille Creal. "Il fallait qu’il soit le plus naturel possible, sans parabènes, ni sulfates, ni nanoparticules négatives, ni sels d’aluminium." Et au lieu de lourds silicones, elles utilisent de légers composés esters, car les silicones polluent l’eau et les récifs coralliens.
"Bien sûr, l’emballage aussi sera durable", poursuit Creal. En plus, il n’y aura pas de pinceaux dans les boîtiers pour éviter le gaspillage. En conséquence, il aura fallu plus de temps pour commercialiser la nouvelle ligne. "Mais c’était un coup dans le mille", sourit Creal.
Pour se lancer, les deux associées voulaient proposer une version épurée d’Eye Foil, l’ombre à paupières qu’elles avaient créée pour la collab avec Estée Lauder. Le plus grand défi consistait à faire un produit qui soit luxueux et efficace à la fois. "Chaque ombre à paupière est composée à 60% de nacre, pour un le reflet, et d’un peu de cristaux, pour l’aspect mouillé", détaille Sarah Creal.
Prendre des risques
Victoria Beckham explique qu’elle a beaucoup appris entre l’époque où elle se démaquillait avec des lingettes jetables et aujourd’hui qu’elle a pris conscience de l’importance de préserver l’environnement.Pour elle, la beauté est le moyen pour devenir une meilleure personne, ce à quoi elle aspire réellement. Pourtant, quand on regarde son visage, on n’ose affirmer avec certitude s’il a été retouché ou pas.
"Je trouve qu’on a l’air un peu stupide quand on a le visage figé", déclare-t-elle. "Nous vieillissons tous. J’ai 45 ans, et j’aime mon âge. Ma mère me dit toujours que vieillir, on en reparlera quand j’aurai 75 ans! Parce que vieillir peut être cruel. En attendant, ces petites rides ne m’inquiètent absolument pas!"
'C'est rassurant de savoir que ça se passera bien entre David et moi quand les enfants auront quitté la maison.'Victoria Beckham
Une déclaration courageuse. L’analyse de ses profils sur les réseaux sociaux révèle qu’une grande proportion de ses 26,6 millions d’abonnés sur Instagram ont environ 10 à 15 ans de moins qu’elle. Mais Victoria n’a jamais hésité à prendre des risques.
Pour les outsiders, il a toujours été très difficile ne serait-ce que d’entrouvrir la porte de l’univers des produits de beauté. Mais Beckham est avisée: elle s’adresse directement à sa clientèle potentielle en vendant ses produits dans sa boutique sur Dover Street ainsi qu’en ligne. Ce qui lui permet aussi de limiter les coûts.
Victoria Beckham a passé plus de la moitié de sa vie sous le feu des projecteurs, apparemment parce que telle était sa volonté. Et puis, il y a ce gimmick à propos de son compte Instagram: "Je tiens le smartphone le plus loin possible de mon visage et je me mets à filmer. Honnêtement. La réalité et rien d’autre."
Nous ne saurons jamais si sa vie parfaite est réelle ou orchestrée. Quand nous lui demandons si nous pouvons pour faire un selfie avec elle, pour mon compte Instagram, ses collaborateurs interviennent: Victoria n’est pas vraiment prête pour une photo aujourd’hui, nous rétorque-t-on. Elle porte un top de sa collection, des stilettos VB et de nouvelles boucles d’oreilles scintillantes.
Récemment, elle a emmené sa fille Harper au salon de tatouage de Portobello Road, près de la maison des Beckham à Holland Park, pour lui faire percer les oreilles. Ses cheveux son coiffées en arrière et, franchement, elle n’a peut-être jamais été aussi belle qu’aujourd’hui. Encore un peu maigre bien qu’elle déclare avoir lu quelque part que le secret d’une peau lumineuse résidait dans l’apport de matières grasses via son alimentation. Tant qu’elle peut avoir la plus belle apparence possible, elle est satisfaite. "Cela n’a rien à voir avec le désir de paraître plus jeune", explique-t-elle. Selon Beckham, tout est lié à l’imperfection. Le hashtag #notperfect apparaît d’ailleurs régulièrement sur ses comptes.
La famille d’abord
Qui aurait imaginé que Posh était la Spice Girl la plus philosophe? Pourtant, elle semble très bien savoir ce qui la rend heureuse: la famille et le travail, dans cet ordre. Elle vient de célébrer son vingtième anniversaire de mariage avec David. Sur Instagram, mais aussi à Paris, où ils ont passé un week-end en amoureux. "J’ai dit à David, mais qu’est-ce que nous aurons encore à nous dire le jour où nous serons seuls à la maison? Et puis, nous avons ri et bavardé sans arrêt, sans parler ni des enfants, ni du travail. C’est rassurant de savoir que ça se passera bien entre nous quand ils auront quitté la maison."
Mais cet épisode de la vie conjugale n’est pas encore à l’ordre du jour. Brooklyn (20 ans), vient de rentrer de New York où il a étudié la photographie, vit dans un petit appartement situé derrière la maison familiale. Les quatre enfants Beckham invitent d’ailleurs régulièrement des amis à la maison. "Ils mettent la maison sens dessus dessous", rit-elle.
Les Beckham n’ont pas cette peur panique qu’éprouvent d’autres célébrités dès que leurs enfants sont exposés aux médias. Ils ne l’ont jamais eue. Victoria adore poser avec Brooklyn, Romeo, Cruz et Harper en couverture de Vogue, comme lorsqu’elle a célébré le dixième anniversaire de sa ligne de mode, l’an dernier. "Nous ne le faisons pas avec autant d’exubérance que d’autres célébrités", lance Beckham, sur la défensive. Brooklyn semble même avoir du mal avec ça. "Surtout s’ils reprennent quelque chose qu’il a posté sur les réseaux sociaux", explique-t-elle. "Je trouve aussi que si des enfants publient des bêtises sur les réseaux sociaux, les médias ne devraient pas s’en mêler."
Smokey eye
De même, la “marque Beckham” a été inventée par la presse plus que par les Beckham eux-mêmes, avec leur ancien associé Simon Fuller. Du moins, c’est ce qu’affirme Victoria. Cependant, ce qu’elle fait paraît très authentique. "À chaque fois que je lance quelque chose, c’est parce que je ne trouve pas ce que je cherche." Quand elle est entrée dans l’univers de la mode, il y a onze ans, elle aurait pu utiliser son statut de célébrité pour gagner rapidement beaucoup d’argent.
Au lieu de cela, elle a présenté dix robes parfaitement conçues, qui ont surpris tout le monde par leur grande qualité. Beckham espère faire de même avec sa ligne de beauté qui, durant la phase de démarrage, proposera tous les mois une nouvelle catégorie de produits. Le premier de la série est le fard à paupières, parce que les gens l’associent au smokey eye.
Suivront le rouge à lèvres et, surtout, les soins de la peau: ce sont ces derniers qui semblent être une obsession pour la quadra, ce qu’elle ne cache pas . En effet, depuis toujours, elle a soigné et surveillé son visage car sa peau était loin d’être parfaite. "C’est horrible quand les gens vous fixent parce vous avez une vilaine peau. Alors, je la cachais sous des couches de maquillage."
Une fois les soins pour la peau lancés, suivra encore un produit polyvalent, inspiré par ‘The Cream’ de la marque Augustinus Bader, un soin hydratant qu’elle adore. "Je pense que nous allons surprendre!", s’amuse-t-elle. Sarah Creal est moins modeste: "Ce sera tout simplement extraordinaire. Tout au long du développement, nous n’avons cessé de nous demander comment fabriquer un produit à la fois pur, luxueux et efficace."
Pur: le mot est lâché. Bien sûr, Beckham et Creal ne sont pas - et de loin! - les seules à vouloir moins de produits chimiques dans les soins que nous utilisons quotidiennement. Cependant, comme dans le domaine de l’alimentation, “pur” est un terme chargé dans l’univers de la beauté, notamment parce que l’industrie cosmétique est étroitement contrôlée.
Par exemple, les parabènes sont vus comme toxiques par les uns et inoffensifs par les autres, ce qui a pour conséquence de faire de l’écosystème des produits de beauté un labyrinthe confus, dont la sortie semble aujourd’hui être le segment bio de ce marché, qui devrait représenter un chiffre d’affaires de 45 millions d’euros à l’horizon 2027.
Cependant, ce n’est pas la principale raison pour laquelle Victoria Beckham a choisi de suivre cette voie. Sa conscience à l’écologie s’est peu à peu affirmée. Elle se souvient d’avoir un jour embrassé Harper après lui avoir lavé les cheveux avec un shampooing pour bébé: "C’est alors que j’ai senti une étrange odeur chimique, je n’ai pas du tout aimé ça!"
Depuis lors, l’eau a coulé sous les ponts et ses enfants ont grandi. Aujourd’hui, Harper (8 ans) et la fille de Geri Horner Halliwel, Bluebell, sont concernées par la planète comme beaucoup de très jeunes et elles discutent des tonnes de plastique qui étouffent les océans. Son fils, Roméo (17 ans), lui montre une paire de chaussures de sport en plastique recyclé. "Oui, ces dernières années, je me suis de plus en plus impliquée dans ce courant durable", déclare-t-elle. "Il n’y a pas de plastique dans ma boîte de fard à paupières, ce qui ne l’empêche pas d’être élégante et compacte. On la sortirait fièrement de son sac à main, vous ne trouvez pas?", demande-t-elle fièrement.
Jouer avec le maquillage
Pour Beckham, tout a sans doute commencé quand elle avait neuf ou dix ans. "J’ai commencé à avoir de l’acné. Vous savez ce que le dermatologue a proposé? De m’asseoir devant une lampe et de laisser agir la chaleur." Dans les années 1980, sa mère, Jackie, était la reine des plats préparés: elle avait inventé une pizza Spice Girls qui, selon Victoria, devrait toujours se trouver dans son congélateur vingt ans plus tard. "C’est ce que j’aime dans les années 80 et 90", avoue-t-elle. "On ne savait pas. Tout ce qui comptait, c’était de consommer le moins de graisse et de sucre possible. Quand j’avais soif, je prenais un coca light. Boire de l’eau? Je crois que je n’en ai pas bu une goutte pendant des années!"
'C'est rassurant de savoir que ça se passera bien entre David et moi quand les enfants auront quitté la maison.'Victoria Beckham
À douze ans, elle découvre les cosmétiques. À cette époque, elle aurait sans doute recommandé le rouge à lèvres violet Twilight Teaser de No 17. "Je ne juge pas ma mère sur ce point (elle est d’ailleurs extraordinaire), mais elle a commencé à me maquiller alors que j’avais seulement huit ans", se souvient-elle. "Elle me disait: “Tu es pâlotte” et me mettait vite un peu de blush avant d’aller à l’école." Harper ne se maquille pas pour aller à l’école. "À la maison, elle peut, parce que même si elle est un peu garçonne, elle adore jouer avec le maquillage."
Ses premières expériences négatives avec les produits de soin de la peau, son obsession pour la texture et les pigments, tout cela a, bien entendu, joué un rôle dans sa nouvelle aventure. "Je tiens à le faire convenablement, et à m’adresser à tous les types de peau. Lorsque nous lancerons notre fond de teint, il se déclinera en trente teintes. Pour une marque de mode, il est difficile de lancer des produits de beauté et être prise au sérieux, mais je pense que nous, nous allons surprendre."
Quartz et améthyste
Aujourd’hui, Victoria Beckham pense qu’elle doit passer à la vitesse supérieure. Et développer ses activités comme une entreprise de technologie. "Même si nous existons depuis dix ans, je nous considère comme une start-up", explique-t-elle. Elle s’est rendue en Californie pour rencontrer Sheryl Sandberg, chief operating officer de Facebook, et Jony Ive, qui était jusqu’à récemment le directeur principal du design chez Apple. "Cet homme a un goût incroyable. Et dire qu’il vient de Chingford, près de là où David a grandi!"
Un gap culturel sépare Chingford des Cotswolds, où les Beckham ont une résidence secondaire, juste à côté du club privé Soho Farmhouse, le spot préféré de Meghan Markle. Victoria explique qu’elle adore travailler dans leur jardin. Et bien que les tabloïds affirment le contraire, ils n’ont pas l’intention de s’installer à Miami, où David manage l’équipe de football locale, l’Inter Miami. "J’adore Londres", soupire-t-elle. "Je ne veux plus partir d’ici."
Alors, c’est Gwyneth Paltrow qui se rend chez les Beckham. App de méditation, rouleaux en jade et tout le tralala: Victoria est fan depuis que Naomi Campbell l’a initiée, à l’époque où ils vivaient à Los Angeles. Et elle installé une tourmaline noire dans son jardin pour éloigner les énergies négatives. Ce ne sont pas les nombreuses récompenses qui trônent dans son bureau qui lui indiquent la voie à suivre, mais l’améthyste et les cristaux de quartz rose éparpillés un peu partout. "Vous donnez au monde ce que vous aimeriez recevoir, n’est-ce pas?"
S’il y a quelqu’un qui peut donner le change à l’empire Paltrow, c’est Victoria Beckham. De préférence, avec un peu plus de science. Et plus d’humour.