Nicolas de Brabandère est tombé sous le charme des forêts. Il suit la méthode du japonais Miyawaki pour replanter des "urban forests" composées d’essences de nos régions.
Nicolas de Brabandère
Il a travaillé dans des safari lodges africains en Zambie, à Madagascar et au Gabon.
Il vit dans les Ardennes.
Il a fondé Urban Forests en 2016, une entreprise qui plante des forêts selon la méthode Miyawaki.
Il a déjà planté 38.000 arbres depuis 2016, soit 12.565 m².
Son arbre préféré est le Sequoia sempervirens, un géant de la forêt californienne.
"En Belgique, si vous laissez la nature suivre son cours, elle deviendrait le plus souvent une forêt. Ce processus prend environ 200 ans, mais on laisse rarement la nature tranquille assez longtemps pour y arriver", explique Nicolas de Brabandère. Avec son entreprise, Urban Forests, le biologiste plante depuis 2016 des forêts qui, dans 20 ans, seront des écosystèmes forestiers très denses et plein de vie. Pour cela, il procède selon la méthode du Japonais Miyawaki.
"Le botaniste Akira Miyawaki a étudié comment la nature se transforme en forêt. En fait, il imite le développement spontané d’une forêt, en accélérant le processus du retour de la forêt, en préparant bien le sol et en plantant les bonnes essences à proximité les unes des autres. Planter une forêt, c’est comme parler une langue: avec le temps, on sait quels mots utiliser."
Au cœur d'une nature intacte
Nous le rencontrons dans son chalet ardennais. "Nombreux sont ceux qui pensent qu’ici, ils sont au cœur d’une nature intacte. Nous sommes tellement habitués aux forêts aménagées que nous pensons que les arbres ont besoin de beaucoup d’espace; ce n’est pas le cas, ils poussent naturellement très près les uns des autres." Les forêts Miyawaki sont même 30 fois plus denses que les forêts traditionnelles. Les arbres sont si proches les uns des autres que la forêt est quasi impénétrable.
"Nous ne sommes pas des activistes subventionnés."Nicolas de Brabandère
"Nous plantons uniquement des essences indigènes, car elles sont mieux adaptées à l’environnement et attirent plus de biodiversité. Les arbustes et les arbres sont plantés en trois strates et forment un écosystème regorgeant de connexions. Et ils se protègent mutuellement contre les maladies ou la sécheresse", poursuit-il.
"Les gens croient souvent que si nous plantons avec une telle densité, c’est parce que nous craignons que de nombreux buissons ou arbres ne meurent alors que 20 ans plus tard, jusqu’à 90% des plantations ont survécu. Bien sûr, les arbres ne sont pas encore des géants, mais une forêt Miyawaki comme celle-ci présente déjà la complexité et la biodiversité d’une forêt de 200 ans."
Greenwashing
Le nom Urban Forests est trompeur, car "urbain" ne signifie pas que "dans la ville", mais aussi "près de chez vous". "Dans les zones densément peuplées, nous avons perdu le lien avec la forêt. Les grands espaces verts sont devenus rares, mais il est possible de créer une Urban Forest sur des parcelles de la taille d’un terrain de tennis. Les avantages sont légion: le bruit est amorti, l’air est purifié, le CO₂ est absorbé, la température est réduite et le sol est stabilisé. Et l’entretien est minime."
Nicolas de Brabandère a planté des Urban Forests pour des particuliers, des pouvoirs publics, des écoles et des entreprises (Carrefour, Goodman, GSE, Equilis, le chocolatier NAO et Campfire). "Ce sont les entreprises qui viennent me trouver et qui mettent à ma disposition une zone à reboiser. Le prix du projet varie de 3.000 à 100.000 euros, selon la surface et l’état du terrain. En moyenne, on compte 25 à 50 euros le mètre carré."
"Compenser les émissions de CO₂ en plantant des arbres est un raisonnement biaisé. Urban Forests n’a rien à voir avec ce genre de greenwashing."Nicolas de Brabandère
"Nous ne travaillons pas par arbre ni sur base de la réduction des émissions de CO₂. Si on veut réduire les émissions de CO₂, il faut cesser d’en produire: compenser le CO₂ en plantant des arbres est un mauvais raisonnement. Urban Forests ne participe pas à ce genre de greenwashing. Notre objectif est de reconnecter les gens avec la nature locale. Nous sommes fiers de notre patrimoine culturel, alors que nous ignorons notre patrimoine naturel."
Fôret Miyawaki en Belgique
Le biologiste a vécu et travaillé en Afrique pendant 26 ans, employé par des safari lodges en Zambie, à Madagascar et au Gabon. "Je suis rentré en Belgique pour un job chez Médecins sans frontières, mais le contact avec la nature me manquait: j’ai quitté mon appartement bruxellois sans jardin pour un chalet dans les forêts ardennaises", raconte-t-il.
"Ma vie a changé en 2015, après avoir assisté à un TED talk de Shubhendu Sharma, un Indien qui, avec sa société Afforestt, aménage des forêts selon la méthode Miyawaki. J’étais si enthousiaste que j’ai passé un mois en Inde avec lui pour apprendre cette technique. En 2016, j’ai fondé Urban Forests pour planter des forêts selon cette méthode."
Sa toute première forêt Miyawaki se trouve à Ath. "Je pensais que ce serait mon premier et dernier projet, mais, à ma grande surprise, une municipalité en France m’a appelé en vue d’une collaboration. Ensuite, un architecte paysagiste de Bruxelles qui voulait ce type de forêt pour un client privé m’a contacté. La presse a relayé cette histoire positive, ce qui a inspiré d’autres."
"Il m’a fallu deux ans pour gagner ma vie grâce à Urban Forests et trois ans pour mettre en place dix forêts Miyawaki. Ensuite, ça a été très vite: je réalisais 10 nouvelles micro-forêts en trois mois. Aujourd’hui, il m’arrive de confirmer 10 nouveaux projets par mois."
Économie écologique
Nuance importante: Urban Forests n’est pas une organisation, c’est une entreprise. "Nous ne sommes ni des activistes subventionnés, ni de doux rêveurs. Nous voulons juste créer de l’emploi", déclare de Brabandère. "Pour l’instant, nous sommes une petite entreprise avec une personne à plein temps et trois indépendants à mi-temps, plus des volontaires pour participer à la plantation des arbres. Le fait que nous soyons une entreprise rassure également les autres entreprises qui souhaitent travailler avec nous: nous faisons partie de l’économie réelle."
"De nos jours, les personnes qui postulent pour un emploi s’enquièrent souvent des efforts écologiques de leur futur employeur."Nicolas de Brabandère
Il voit de plus en plus d’entreprises faire des efforts écologiques au sein de cette économie réelle. "Elles souhaitent donner un sens positif à leur activité. Une entreprise qui ne s’intéresse qu’à la maximisation de ses bénéfices crée de la prospérité, mais néglige la société. Cette prise de conscience est de plus en plus patente."
"De nos jours, les personnes qui postulent pour un emploi s’enquièrent souvent des efforts écologiques de leur futur employeur. Et la clientèle ne veut pas de marketing écologique, mais des actions concrètes; pas de mots vides de sens, mais quelque chose ayant un réel impact. C’est pourquoi je préfère travailler localement. Je m’interroge parfois sur les entreprises qui claironnent qu’elles vont planter un million d’arbres, car je sais combien il a déjà été difficile d’en planter 38.000. Dans quelle mesure ces projets sont-ils réalisés? Où se trouvent tous ces arbres?" Vaste question.