Pourquoi Debbie Harry, légende de Blondie, brille dans la nouvelle campagne Gucci

Debbie Harry jette un regard sur son parcours à l’aube de ses 80 ans: sa vie avec Blondie, ses tenues de scène, les fabuleuses soirées d’Andy Warhol, la nouvelle campagne Gucci.

Au fil des années, ses traits finement ciselés ont été immortalisés dans des portraits dignes de musées, par de nombreux artistes tels que Robert Mapplethorpe ou Andy Warhol, un ami. C’est d’ailleurs lui qui, en 1979, a organisé une soirée au Studio 74 pour célébrer la sortie du titre "Heart of Glass". Chris Stein, le guitariste avec qui elle a formé le groupe Blondie en 1974 et son compagnon pendant plus de dix ans, a également pris de nombreux clichés d’elle. À 79 ans, Debbie Harry, une des femmes les plus photographiées de la scène rock, est toujours autant sollicitée: elle est à la fois tête d’affiche de festivals, autrice à succès et égérie.

Pour le moment, Debbie Harry n’a vu les images de la nouvelle campagne Gucci que sur son smartphone. L’Américaine n’a pas cette obsession du contrôle, fréquente chez certaines célébrités dès qu’il s’agit de leur image: elle fait confiance à la photographe Nan Goldin, dont le travail sur les ravages du sida et des opiacés aux États-Unis a été fort remarqué. Et la chanteuse de Blondie admire depuis longtemps cette artiste inclassable. "Pour avoir une image marquante, il faut qu’il y ait une alchimie", confie-t-elle avec un accent new-yorkais distinctif. C’est ce que j’ai constaté: une fois que l’on a ça et une bonne lumière, alors on peut vraiment se détendre."

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Et se détendre, elle l’a fait pour d’innombrables prises de vues. Sur des images des années 1970, on la voit en train de se battre avec une poêle en feu dans son appartement, tout cela en portant une robe qui aurait appartenu à Marilyn Monroe. Ou cette image, finalement écartée, pour la pochette du deuxième album de Blondie, "Plastic Letters", où elle ne portait rien de plus qu’une taie d’oreiller fixée par du ruban adhésif.

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Le groupe Blondie est photographié dans une loge avant de se produire à Atlanta, dans les années 70.
Le groupe Blondie est photographié dans une loge avant de se produire à Atlanta, dans les années 70.
©Getty Images

Black cab

Pour la campagne Gucci, Nan Goldin l’a photographiée dans un taxi, à Londres. "Les taxis londoniens sont des espaces intimes", explique-t-elle. "Nan est tellement adorable, en plus d’être une personne exceptionnelle." Debbie Harry trouve que beaucoup de gens sont aimables, mais elle n’hésite pas à pointer du doigt les "pervers" et les "prédateurs", comme elle l’a fait dans sa biographie remarquablement sincère, "Face It", publiée en 2019 et devenue un succès en librairie.

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Londres est l’une de ses villes préférées. Blondie était déjà au sommet de sa gloire en Grande-Bretagne quand le groupe perce enfin aux États-Unis. Son premier concert a eu lieu en 1977 à Bournemouth, bastion de la scène punk. Elle avait 31 ans et se souvient d’avoir traîné chez Sex, la boutique de Vivienne Westwood et Malcolm McLaren sur King’s Road. "À l’époque, je ne pouvais pas m’offrir leurs articles".

"Ma devise? Continuer d’avancer. Cela ne fonctionne peut-être pas pour tout le monde, mais pour moi, oui."

C’était le lot des jeunes rock stars des années 1970: elles recevaient très rarement des vêtements et les contrats de sponsoring étaient quasi inexistants. "Peut-être que certains trouvaient mon style choquant, mais c’était dans l’air du temps. Chiner des vieilles fringues dans les solderies et les stocks américains et les déchirer, tout le monde faisait ça à New York et à Londres."

Elle adore toujours autant les boutiques de seconde main et le frisson de dénicher quelque chose qui la touche. "C’est une aventure à chaque fois. Et surtout, on tombe sur des trésors à des prix raisonnables." Elle marque une pause; ajoute: "Si j’étais née à une autre époque, je serais sans doute devenue une sorte d’exploratrice."

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Debbie Harry en compagnie de Jerry Hall, Andy Warhol et Truman Capote au Studio 54, à New York, en 1978.
Debbie Harry en compagnie de Jerry Hall, Andy Warhol et Truman Capote au Studio 54, à New York, en 1978.
©Getty Images
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Un sac à son nom

Qu’elle soit enchantée de collaborer avec Gucci n’est pas étonnant. Mieux: un sac porte désormais son nom. "Je suis honorée, flattée, mais je ne sais pas si Sabato (De Sarno, directeur artistique de Gucci, NDLR) pensait vraiment à moi en créant le sac ‘Blondie’ ou s’il a été nommé ainsi après coup." Qu’en est-il exactement? Le "Blondie" est en réalité un modèle des années 1970 que Gucci a relancé en mai dernier lors du défilé Gucci Cruise 2025 à la Tate Modern de Londres.

Debbie Harry me raconte tout cela depuis son appartement new-yorkais, où elle vit seule avec ses chiens. Elle ne s’est jamais mariée, n’a pas eu d’enfants et revient de Milan, où elle a assisté au défilé de Gucci, assise au premier rang bien évidemment. Aujourd’hui, on ne saura pas ce qu’elle porte, car la caméra de son laptop est éteinte. Par contre, il y a trois jours, lors du défilé Gucci, elle portait une blouse blanche, une jupe noire longueur genoux, des mocassins rouge vif à talon -elle privilégie désormais les chaussures confortables- et une veste Gucci en cuir rouge. Et, bien sûr, un sac "Blondie" noir. Ses cheveux blond platine, aujourd’hui argentés, étaient relevés et elle portait une de ces petites paires de lunettes de soleil noires triangulaires qui semblent toujours sur le point de glisser des pommettes -seules les personnes aux traits bien définis peuvent se permettre un tel modèle.

Andy Warhol était fasciné par la beauté des blondes et le blond péroxydé de Debbie Harry lui a certainement permis de faire partie de sa petite de ses muses.
Andy Warhol était fasciné par la beauté des blondes et le blond péroxydé de Debbie Harry lui a certainement permis de faire partie de sa petite de ses muses.
©Alamy
"Je suis quasi végétarienne et je fais de l’exercice pour les vieilles dames, ce qui me surprend parfois un peu."

La star du punk semble parfaitement consciente de l’image qu’elle renvoie, ce qui a toujours été le cas. Avec Chris Stein, elle a sans doute révélé un talent exceptionnel pour écrire des chansons pop accrocheuses, mais sans jamais se départir de ses préférences d’ancienne étudiante en art. Ce n’est donc pas un hasard si Blondie a fait la première partie d’Iggy Pop, ou si Jean-Michel Basquiat est apparu dans le clip de leur morceau "Rapture" (1980). Son look pour Blondie est né de sa fascination pour Marilyn Monroe et son aura blond platine. Alors que les snobs la jugeaient insignifiante, elle trouve que "Marilyn était extrêmement intelligente". Et, comme Debbie Harry, Marilyn Monroe était une enfant adoptée.

Banlieue et style hippie

Debbie Harry, née Angela Trimble en Floride, est adoptée à l’âge de trois mois par Catherine et Richard Harry. Le couple, qui a une boutique de souvenirs dans le New Jersey, la rebaptise Deborah Ann Harry. Bien qu’elle grandit dans une famille de la classe moyenne dans une banlieue paisible, Deborah Ann Harry est une vraie New-Yorkaise. Elle flirte un temps avec le style hippie ("Je suis même allée à Woodstock"), mais cela fait long feu. Sa mère adoptive lui apprend à coudre, un savoir-faire qui saute aux yeux quand on lui demande son avis sur le défilé Gucci: elle nous livre un compte-rendu détaillé, des perles scintillantes aux élégantes silhouettes trapèze, à mille lieues des "fantastic!" et autres "soooo beautyful!" des autres célébrités.

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Peu scrupuleux

À 20 ans, Debbie Harry s’immerge dans la scène musicale new-yorkaise, où elle puise son inspiration auprès de groupes comme The Velvet Underground. Très vite, elle sait qu’elle veut monter sur scène. En 1974, après neuf ans d’expérimentations, elle forme Blondie avec son chéri, le guitariste Chris Stein. En 1979, "Heart of Glass" truste la première place des charts aux États-Unis. Quand Miley Cyrus reprend ce titre, en 2019, elle salue l’influence durable de Harry sur sa génération.

Alors que les pop stars d’aujourd’hui sont aux manettes et amassent des fortunes, le couple formé par Harry et Stein a été la proie de managers qui l’a escroqué sans scrupules dès le début des années 1980. Ces contrats désastreux ont conduit l’administration fiscale américaine à saisir la totalité de leurs biens. Ainsi, même avec 50 millions d’albums vendus, Blondie n’a pas échappé à l’insécurité financière. En 1982, après la séparation de Blondie, Debbie Harry entame une carrière solo en tant que chanteuse et actrice. Une carrière qui ne lui a laissé que peu de répit.

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Figure phare du groupe culte Blondie et muse d’Andy Warhol, Debbie Harry affiche un style vestimentaire aussi affirmé que ses idées.
Figure phare du groupe culte Blondie et muse d’Andy Warhol, Debbie Harry affiche un style vestimentaire aussi affirmé que ses idées.
©Getty Images

Allure et vintage

Si Blondie avait vu le jour aujourd’hui, Debbie Harry aurait sans doute lancé une lucrative collection comme beaucoup de célébrités: la robe blanche qu’elle porte sur la photo de la pochette de l’album "Parallel Lines" (1978), la robe asymétrique du clip "Heart of Glass" (1979), les cuissardes en cuir verni et les T-shirts portés en robe, nombre de ses looks sont considérées comme iconiques. À raison: elle avait une allure fantastique et toutes les filles voulaient s’habiller comme elle.

"Quand je suis sur scène, tous mes bobos disparaissent."

Aujourd’hui, Harry relativise: "Iconique est un terme que j’associe à l’art russe plutôt qu’aux célébrités." Elle ajoute que le sac "Blondie" lui rappelle un sac à bandoulière qu’elle avait acheté il y a plus de 50 ans sur Canal Street, à Manhattan. "Ce sac était tellement solide que, quand des voleurs ont essayé de me l’arracher, ils ne sont même pas parvenus à déchirer la sangle."

Ce n’est là qu’une de ses nombreuses anecdotes, car il n’y a presque rien que Debbie Harry n’ait vécu -des histoires aussi spectaculaires que ses tenues sont extravagantes. "J’ai toujours ce sac, ainsi que beaucoup de mes anciens vêtements. Ce sont des pièces vintage, bien sûr, mais elles sont soigneusement conservées dans un endroit dédié. Je suis toujours impressionnée de voir à quel point tout est bien organisé."

De temps à autre, elle ressort une pièce. "Je prends soin de mes vêtements et de mes accessoires vintage", confie-t-elle. "J’ai déjà intégré certaines couleurs et certains designs à des looks plus contemporains. C’est vrai, ma relation avec la mode a toujours été très forte."

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La chanteuse de "Heart of Glass" est le visage de la nouvelle campagne de la maison Gucci pour son nouveau sac au doux nom de... "Blondie".
La chanteuse de "Heart of Glass" est le visage de la nouvelle campagne de la maison Gucci pour son nouveau sac au doux nom de... "Blondie".
©Courtesy of Gucci

Conseils d’amis

Debbie Harry a vite compris que le sexe fait vendre, mais, là encore, elle suit ses propres règles. Elle déniche ses tenues les plus provocantes dans des boutiques de seconde main, à une époque où elles sont très bon marché. Une de ses dernières trouvailles est un costume acheté dans le grand magasin de luxe Harvey Nichols à Manchester, lors d’une tournée en Grande-Bretagne, l’année dernière. Le créateur? Son nom lui échappe pour le moment...

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Aujourd’hui, beaucoup de célébrités suivent les dernières tendances de la mode, mais elle a toujours préféré faire confiance au goût de ses amis. C’est ainsi que Stephen Sprouse, alors jeune talent recruté par le célèbre couturier américain Halston, crée pour elle l’élégante robe en mousseline de soie qu’elle porte pour "Heart of Glass", inhabituellement raffinée pour son style plus street. D’ailleurs, un journaliste l’a un jour décrite comme "la robe la plus funky de tous les temps". Sprouse, décédé en 2004 à 50 ans, partageait avec Harry une esthétique punk, mais avec un sens aigu de l’esthétique et du glamour. Ses créations, inspirées des graffs, ont fait sa célébrité, mais le succès financier n’a jamais vraiment suivi. "Je pense qu’il ne supportait pas de me voir aussi négligée", plaisante-t-elle. "Alors il m’aidait. Mes amis me disaient souvent: 'Non, pas ça' ou 'Pourquoi ne mets-tu pas ce bracelet avec ça?'. Je n’ai jamais eu besoin d’un styliste professionnel."

Au sommet de sa carrière, Debbie Harry n’a jamais pu profiter de l’industrie musicale telle que nous la connaissons aujourd’hui, régie par les lois du marché. Aurait-elle préféré naître plus tard? Ou bien aurait-elle trouvé la superficialité de la culture pop actuelle trop ennuyeuse? "C’est une question que je me pose parfois", admet-elle. "La réponse m’échappe. Et où est passée la contre-culture, d’ailleurs? La technologie est fantastique, mais nous avons accès à tellement d’informations tous les jours que plus rien n’a vraiment le temps de se développer et de mûrir."

Elle ajoute: "Je dois avouer que j’aimerais bien travailler un peu plus." Cette année, elle a effectué une longue tournée, participant à des festivals aussi importants que Glastonbury et Coachella. Elle trouve les tournées "sympas", même si ses fans veulent surtout l’entendre chanter ces mêmes vieux titres. "Je comprends. Il y a un lien émotionnel et, moi aussi, j’aime ces chansons." Des projets de retraite? Non, pas encore.

Continuer à avancer

Elle termine actuellement un tout nouvel album, son neuvième depuis "Once More into the Bleach", sorti en 1988. Bien qu’ils aient mis fin à leur relation en 1983, elle et Chris Stein sont restés proches et continuent de travailler ensemble, en toute amitié. Elle est restée à ses côtés sans faillir quand, dans les années 1980, il a été sérieusement malade, au point de devoir se retirer de la scène musicale. Musicalement, Harry reste curieuse et ouverte, toujours avide de nouvelles expériences. "Quand je suis sur scène, tous mes bobos disparaissent d’un coup, même un rhume!", s’exclame-t-elle en riant.

Pendant des années, la New-Yorkaise a essayé de rester en forme grâce à un coach personnel, sans succès. "J’ai tout essayé au moins une fois", avoue-t-elle. "Aujourd’hui, je fais de la marche rapide avec mes chiens." Elle a deux petits chiens qu’elle qualifie d’adorables. "J’en ai eu d’autres, mais ils sont morts de vieillesse, hélas. Je suis quasi végétarienne et je fais de l’exercice pour les vieilles dames, ce qui me surprend parfois un peu. Je veux dire, comment ai-je fait pour vivre aussi longtemps? J’ai simplement eu de la chance, je crois." Elle semble un instant perdue dans ses souvenirs, comme en 2010, lorsqu’elle confie à un journaliste australien qu’environ la moitié des personnes qu’elle fréquentait dans les années 1970 et 1980 étaient aujourd’hui décédées.

Debbie Harry s’exprime avec la même franchise anticonformiste qu’autrefois. Avec une sérénité rafraîchissante, elle aborde les sujets délicats de l’époque Blondie: les millions disparus, les appartements ravagés par le feu ou cambriolés ou sa dépendance aux drogues, dont elle parle en détail dans son autobiographie. Ce qui frappe d’emblée, c’est sa force intérieure. "Cela dit, il m’arrive de m’inquiéter sérieusement", reconnaît-elle. "Mais, vous avez raison, je suis plutôt forte. J’ai pris des coups, mais je suis restée debout. Ma devise? Continuer d’avancer. Cela ne fonctionne peut-être pas pour tout le monde, mais pour moi, oui."

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