Voici plusieurs décennies, le célèbre artiste René Magritte séjournait régulièrement à La Réserve, l'un des hôtels les plus iconiques de Belgique. Aujourd'hui, Peter Goossens y promeut notre cuisine nationale en tant que conservateur culinaire du restaurant La Rigue.
Le bâtiment original de style anglo-normand a été construit en 1949. Quelques années plus tard, René Magritte peindra sa magnifique fresque panoramique Le Domaine enchanté dans le Casino situé juste en face. Le directeur de l'époque, Gustave Nellens, grand amateur d'art, lui avait commandé cette œuvre de 70 mètres de long et 7 mètres de haut, qui deviendra l'une des plus importantes créations de Magritte et contribuera à sa percée internationale.
L'artiste se rendait à Knokke-Heist trois fois par semaine en train. Sur les murs des toilettes actuelles de La Réserve, son nom est ciselé à côté de ceux d'autres hôtes illustres: Édith Piaf, Marlène Dietrich, Brigitte Bardot, Frank Sinatra, etc.
Au tournant du millénaire, l'hôtel perdit visiblement de son attrait. Une première restauration eut lieu en 2012. Mais à la demande des entrepreneurs Marc Coucke et Bart Versluys – les nouveaux propriétaires depuis 2021 –, l'architecte gantois Glenn Sestig redonnera sa grandeur à l'hôtel. Pendant six mois, 200 personnes travailleront d’arrache-pied à la rénovation et à la décoration des lieux, avec des matériaux nobles.
La métamorphose s’est achevée l’été dernier. Une palette expressive de produits naturels chauds a été choisie, tels que le bois d'eucalyptus, la Pietra dei Medici, le travertin, le velours rouge, l'onyx et le bronze. La cave à vin a les allures d'une boutique de luxe. Dans l'imposant restaurant La Rigue, les hôtes sont choyés par le grand chef Peter Goossens et son équipe, avec une vue fabuleuse sur le Zegemeer et les “crabes ondulants” de Panamarenko.
En juillet de cette année, le centre de bien-être en rooftop a été inauguré et la cinquième étoile a pu briller, pour la plus grande fierté du General Manager, Yannick Bouts. À Jette, près de Bruxelles, on célèbre le 25e anniversaire du musée René-Magritte, dans la maison où l'artiste a vécu et travaillé durant 24 ans.
L'amour de la cuisine belge et de l'art
“Nous pouvons être incroyablement fiers de notre art belge”, estime Peter Goossens. “Il est fantastique que La Valse hésitation de Magritte soit accrochée ici, à l'endroit idéal, dans le hall d'entrée. Il y a tant de talents locaux, connus ou nouveaux, qui méritent notre admiration et notre soutien! Je pourrais passer des heures à admirer le travail de Thierry De Cordier et de Michaël Borremans. Je suis un grand fan de Kris Martin, j'ai son Pauzeteken à la maison. Et Roger Raveel, génial! Mais j'aime aussi beaucoup l'art du XVIIe siècle, comme les natures mortes de Frans Snyders. La Fondation Veranneman se trouvait à 500 mètres du Hof van Cleve. En Belgique comme à l'étranger, j'aime visiter des expositions, comme la Biennale de Venise. Et comme le bleu est ma couleur préférée, je suis allé à Bilbao spécialement pour Yves Klein.”
“Magritte était très en avance sur son temps”, ajoute Stefan Wouters, codirecteur du musée d'Art abstrait / musée René-Magritte. “Beaucoup pensent que c'était un rêveur, mais c'était un homme rationnel, pas un bohémien qui errait dans la nuit… Il était assez conservateur et, en même temps, l'artiste belge le plus progressiste qui soit. Son étiquette de symboliste est injuste, même s'il est vrai qu'il avait de nombreuses idées novatrices.”
"L'art n'est pas fait pour être conservé dans un coffre-fort. Il est là pour être apprécié, tout comme la bonne nourriture"
“Son œuvre est très reconnaissable et il aimait passer du temps au bord de la mer”, prolonge Peter Goossens. “C'est pourquoi j'ai voulu interpréter sobrement l'un de ses tableaux, avec du poisson. Mon plat baptisé Ceci n'est pas une sole est une ode à ses nuages si typiques.”
Vision et précision
René Magritte pouvait varier à l'infini sur certains thèmes et peignait méticuleusement, ce que Peter Goossens ne peut qu'apprécier. “La Rigue”, abréviation du mot “rigueur”, lui sied comme un gant: chez lui, l'expertise et la connaissance des produits, le style et la vision vont de pair.
"La nature produit de si bonnes choses. Le chef a le bonheur de les rendre encore meilleures, avec beaucoup de respect"
“Le petit-déjeuner que nous servons ici est unique en Belgique. Nous employons quatre pâtissiers. Dès 4 h 30 du matin, ils préparent et cuisent toutes les viennoiseries. Il n'y a pas cent mets au buffet, mais tout est très frais et préparé sur place, y compris les confitures et le chocolat. Le beurre provient d'une ferme voisine. Le pain de qualité sort directement du four.”
“Je déteste le bake-off et je ne supporte pas le gaspillage. Là aussi, c'est une question de respect. Par exemple, le pain excédentaire sert à préparer un dessert pour nos 30 employés, qui doivent eux aussi manger tous les jours. Cela demande plus de temps et de budget que de jeter le pain, mais ici rien n'est gaspillé.”
Qu'en est-il de René Magritte et de toute cette nourriture qu'il a représentée en peinture? Était-il un bon vivant belge typique? “Il peignait souvent des pommes, des baguettes, des œufs d'oiseau, des poissons, de l'eau, des bouteilles de vin, toutes choses qu'il connaissait dans son environnement immédiat”, note Stefan Wouters.
“Pourquoi? Nous ne le saurons jamais. Magritte demeure un personnage mystérieux que nous ne pouvons que difficilement appréhender. Il n'a pas expliqué les titres énigmatiques de ses œuvres, et a même commis une sorte de plagiat sur son propre travail. Si un acheteur potentiel était séduit par un tableau déjà vendu, il en faisait une variante pour lui. Une solution démocratique.”
“Que Magritte lui-même ait aimé se mettre aux fourneaux, ne serait-ce qu'une fois, en tant qu'homme, était déjà un fait rare à l'époque”, conclut Stefan Wouters. “Manger des produits locaux en fonction des saisons, en revanche, était la norme.”
Ingrédients (pour 2 personnes):
- 1 filet de sole
- 100 gr. de chair de langoustine
- 1 blanc d'oeuf
- 25 gr. de beurre pommade
- huile d'olive
- 200 ml de crème
- poivre et sel
- quelques gouttes de jus de citron
Pour la sauce ostendaise:
- 100 gr. d'échalotes hachées
- 1 kg d'arêtes de poisson (par exemple de bar ou de sole)
- 200 gr. de têtes de crevettes
- 100 gr. de champignons
- 50 gr. Noilly Prat
- 1,5 l d'eau
Pour l'huile verte:
- 80 gr. de persil
- 120 gr. d'épinards
- 120 gr. de basilic
- 1 litre d'huile de pépins de raisin
Préparation:
Dans un cutter, mélanger la langoustine avec le blanc d'œuf et le beurre jusqu'à obtention d'un mélange homogène. A l'aide d'une poche à douille, répartir la farce entre les deux filets de sole. Envelopper le poisson dans un film plastique, bien l'étirer et le cuire pendant 9 minutes dans un cuit-vapeur à 61 degrés.
Préparer la sauce ostendaise : faire revenir les échalotes dans un peu d'huile d'olive, ajouter les arêtes de poisson, 2 minutes plus tard ajouter également les têtes de crevettes et les champignons. Ajouter le Noilly Prat et l'eau. Laisser cuire pendant 40 minutes. Filtrer et réduire d'un tiers. Ajouter ensuite la crème, saler, poivrer et terminer par quelques gouttes de jus de citron.
Mettre tous les ingrédients de l'huile verte dans le thermomix. Faire tourner pendant 7 minutes à 70 degrés. Filtrer à travers une mousseline. Terminer par des tomates confites, quelques moules, des copeaux de ciboulette et des gouttes d'huile verte.