Rares sont les artistes qui ont peint autant de scènes d’intérieur qu’Henri Matisse. Dès lors, quelle meilleure façon de célébrer le 150e anniversaire de sa naissance que d’éditer des objets décoratifs?
"Je ne m’ennuie jamais. En fait, je profite de tout", a déclaré Henri Matisse, en 1941, à un groupe de visiteurs qu’il recevait dans son atelier du Midi de la France. Ses lieux étaient pleins comme un œuf -cages à oiseaux exotiques, plantes tropicales, fleurs, figurines chinoises… Il faut dire qu’Henri Matisse (1869-1954) était connu pour être un grand collectionneur, qui écumait les marchés aux puces pour acheter des souvenirs de voyage. Cette passion se reflètait également dans son travail: dans ses innombrables scènes d’intérieur surchargées, on repère, notamment, des céramiques islamiques, des paravents japonais, des plantes vertes, des coussins décoratifs, des coquillages, du tissu, des cages à oiseaux, etc.
Bonne nouvelle pour les amateurs du fauvisme de Matisse: grâce à Jean-Matthieu Matisse (46 ans), fondateur du nouveau label de design Maison Matisse et arrière-petit-fils de, le voilà traduit en trois dimensions. Bien qu’il n’ait jamais connu son arrière-grand-père, décédé depuis vingt ans déjà à sa naissance, il est étroitement lié à son œuvre.
"Au nom de la famille, j’ai soutenu plusieurs expositions et projets de livres consacrés à son œuvre, mais je rêvais de réaliser un projet basé sur son œuvre. Pour moi, il n’était pas question de reproductions: je déteste les tableaux imprimés sur un tote bag ou un mug. Je voulais garder son esprit vivant d’une manière différente."
C’est ainsi qu’est né Maison Matisse: ce label propose à des designers contemporains de traduire de manière personnelle les couleurs, formes et motifs emblématiques de Matisse en quelque chose de neuf. "Je leur demande de créer des objets du quotidien, pas de l’art", précise Jean-Matthieu Matisse, qui codirige Maison Matisse avec sa sœur aînée, Anne-Maxence, et une directrice.
Matisse est servi
La designer parisienne Marta Bakowski a conçu un service de table de 14 pièces, inspiré du célèbre tableau ‘La Musique’ (1939). Cette collection, présentée au salon Maison & Objet à Paris, se compose d’un plat de service, d’une cruche, de six assiettes à dessert. C’est coloré et joyeux: on reconnaît la feuille de philodendron et la silhouette féminine, deux éléments dont Picasso était jaloux.
En octobre dernier, profitant de la Fiac à Paris, Maison Matisse avait lancé une ‘pré-collection’, la ‘Collection 1869’. Elle se compose de neuf vases signés Jaime Hayon, Alessandro Mendini et des frères Ronan et Erwan Bouroullec. Contrairement au service de Bakowski, ce sont des éditions limitées à 12 exemplaires.
‘Le designer espagnol Jaime Hayon s’est inspiré des collages que Matisse a réalisés à la fin de sa vie pour créer des amphores aux anses rayées, qui dégagent le même optimisme et la même spontanéité. Les frères Bouroullec se sont inspirés de la fenêtre ouverte, un motif omniprésent dans l’œuvre de Matisse.
L’icône du design Alessandro Mendini (qui a achevé ce projet juste avant sa mort) s’est inspiré de la palette et des lignes fluides typiques du peintre. "En ce qui concerne les designers, j’ai cherché des noms déjà relativement proches du style de Matisse en termes d’esthétique", explique Jean-Matthieu Matisse.
Le lancement de Maison Matisse a lieu à l’occasion du 150ème anniversaire de la naissance d’Henri Matisse. Ce qui n’est, bien sûr, pas une coïncidence: Jean-Matthieu travaille sur ce projet depuis plus de six ans. La première question (que vais-je faire de son héritage?) a été suivie d’une seconde: le reste de la famille sera-t-il d’accord? En effet, les 14 arrière-petits-enfants ont tous leur mot à dire. "
Il a fallu du temps pour mettre chacun sur la même longueur d’onde. Personne n’était contre mon plan, mais les questions et les doutes étaient nombreux. Par exemple, ils voulaient avoir la garantie que les produits seraient de qualité premium. J’ai décidé de faire produire toute la collection dans l’une des plus anciennes fabriques artisanales d’Italie. Ainsi, tout le monde a donné son accord."
Prochaine collection
DLes projets sont ambitieux. "La céramique (comme les vases et la vaisselle) était une première étape logique, parce qu’elle est très proche de l’œuvre de Matisse. Il y a des vases dans presque toutes ses scènes d’intérieur. Mais Maison Matisse sera une collection home complète, avec des meubles, des tissus, du papier peint et bien plus encore", précise l’entrepreneur.
Ce nouveau venu dans le monde de la déco présentera sa prochaine collection en avril, lors du Salone del Mobile à Milan. D’ici-là, outre une boutique en ligne déjà active, les articles seront disponibles dans divers concepts stores et grands magasins de luxe. Un magasin est également prévu, une fois que la collection se sera étoffée.
"Dans un premier temps, nous nous visons sur le marché européen. Ensuite, les États-Unis devraient suivre, et, à terme, nous souhaitons nous déployer dans le monde entier", annonce Jean-Matthieu Matisse. Comme son arrière-grand-père, il ne risque pas de s’ennuyer, lui non plus.
Les vases en édition limitée de Collection 1869, de 5.400 à 13.200 euros. La vaisselle La Musique: l’assiette à dessert (130 euros, Ø 18 cm) et le plat de service (1.450 euros, Ø 47 cm), à partir du 1er avril.