Adeline Halot crée des tapisseries monumentales pour l’expo ‘The Lady and the Unicorn’ à New York.
Adeline Halot crée des tapisseries monumentales pour l’expo ‘The Lady and the Unicorn’ à New York.
© Alexander D'Hiet

Adeline Halot, l'artiste belge qui réinvente la tapisserie et expose à New York

Dans cette rubrique, nous donnons la parole à ceux qui pratiquent la beauté du geste au quotidien. Cette semaine, entretien avec l’artiste textile Adeline Halot à propos de botanique en Italie, de plan B et de champignons intéressants.

Comment vous sentez-vous?

"Très bien, la dynamique est bonne en ce moment. De nombreux nouveaux projets et défis m’attendent, notamment une exposition collective début novembre, à la galerie Salon 94 à New York, consacrée aux artistes de tapisseries contemporaines. Je travaille beaucoup, mais je m’amuse. Bien que j’adore passer du temps dans mon atelier, j’apprécie la recherche qui découle de découvertes faites lors de promenades, comme un champignon intéressant, une écorce d’arbre ou une pierre."

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"Quand je fais ce genre de trouvailles, je perçois des lignes, des structures, des textures ou des surfaces. J’essaie ensuite de traduire l’émotion ressentie dans mes sculptures textiles, sans pour autant chercher à imiter la nature. Je considère mes tissages comme des êtres vivants: ensemble, les fils prennent vie pour former un nouveau type de corps."

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Comment faites-vous la différence?

"Pour mes sculptures, je crée ma propre matière, en combinant des fils plus fins et plus épais, en associant du lin et des fils métalliques. Ce tissage me permet de travailler à la manière d’un sculpteur. Le lin donne à mes sculptures une fluidité naturelle; le métal, structure et dynamisme. Ce type de tissage évolue constamment en fonction de la luminosité ou de l’espace dans lequel il est exposé."

Daniel Heer, matelassier de père en fils depuis 1907
Adeline Halot crée des tapisseries monumentales pour l’expo ‘The Lady and the Unicorn’ à New York.
Adeline Halot crée des tapisseries monumentales pour l’expo ‘The Lady and the Unicorn’ à New York.
© Alexander D'Hiet

De Zaventem à New York

"J’ai été invitée à exposer mon travail à partir du 8 novembre à la galerie Salon 94 à New York, une institution. Pour ‘The Lady and the Unicorn’, je travaille sur plusieurs pièces, dont deux créations monumentales. L’une d’elles sera une sculpture de 3 sur 3,5 mètres" explique Adeline Halot. "J’ai hâte de découvrir l’espace où mes œuvres seront exposées: une élégante bâtisse à l’architecture haussmannienne avec de hauts plafonds, nichée entre les gratte-ciel de l’Upper East Side."

"Ce qui me touche le plus dans cette exposition, c’est de pouvoir exposer aux côtés d’artistes venus du monde entier, tous réunis autour du thème de la tapisserie. Je me sens prête. J’ai un lien profond avec l’histoire de la tapisserie, une tradition dans nos régions depuis le Moyen-Âge. Mon lin est produit à Courtrai et le fil métallique provient d’anciens stocks industriels dans la région bruxelloise."

‘The Lady and the Unicorn: New Tapestry’
Salon 94
Du 8 novembre au 21 décembre à New York
www.salon94.com

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© Alexander D'Hiet

Avez-vous déjà fait une boulette?

"J’ai étudié l’architecture d’intérieur avant de suivre des études en design textile. Comme j’ai pu intégrer directement la deuxième année, je n’ai pas acquis toutes les bases techniques, mais ce n’est pas un drame, car la meilleure école d’apprentissage reste la pratique. En effectuant des recherches approfondies, je trouve toujours une solution à chaque problème. Il n’y a ni bon ni mauvais choix dans ma pratique: il y a toujours un plan B. Parfois, si je pense qu’un tissage est raté, je le laisse de côté quelque temps dans l’atelier. Je prends un peu de distance, puis je reprends le travail. Ce qui semblait raté ou défectueux peut devenir le point de départ d’une création totalement nouvelle."

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Que devez-vous faire de toute urgence?

"Je dois apprendre à laisser de la place au vide. C’est essentiel, tant dans ma vie que dans mon travail. Quand je crée des sculptures, je façonne des reliefs, mais il est tout aussi important d’alterner ces mouvements avec des zones plus calmes, où le relief est moins marqué. Il faut prendre du recul pour comprendre quel aspect mérite d’être davantage mis en valeur. Cela s’applique également à ma vie: j’aime beaucoup travailler, mais je devrais prendre plus de distance. On pense souvent qu’une pause est une perte de temps alors qu’en réalité, elle  fait partie intégrante du processus créatif, car elle est nécessaire pour trouver une énergie nouvelle. Mon entourage me rappelle souvent que je devrais prendre plus de temps pour moi."

Une nuit remplie d’art au couvent de Le Corbusier
© Alexander D'Hiet

Qui aimeriez-vous rencontrer?

"J’apprécie particulièrement les rencontres spontanées. Récemment, lors d’une visite au sublime Noguchi Museum à New York, une expérience très émouvante, quelqu’un m’a abordée et, de but en blanc, m’a demandé si j’étais sculptrice. Cela a donné lieu à une conversation surprenante et inattendue. Il s’est avéré que cet homme était architecte et auteur de quelques ouvrages. Les plus belles rencontres sont celles auxquelles on ne s’attend pas. Elles peuvent se produire avec une personne, mais aussi avec la force de la nature ou ses récits silencieux."

Qu’est-ce qui fait votre journée?

"Récemment, nous avons lancé un nouveau projet familial dans les Marches, une région moins connue d’Italie: elle se trouve à hauteur de la Toscane, côté Adriatique. Nous y rénovons une ancienne ferme et ses granges pour en faire un lieu de vie et de travail. La propriété compte déjà une quarantaine d’oliviers, mais nous aimerions également y cultiver des agrumes et toutes sortes d’aromates. L’idée est d’y passer quelques mois par an."

"Quand je suis à Bruxelles, je profite peu de la dynamique de la ville, car je passe énormément de temps dans mon atelier de Zaventem. Comme je ne suis jamais chez moi, je pourrais tout aussi bien vivre ailleurs, là où se trouve mon atelier. En Italie, nous voulons que cet endroit devienne un espace de création et de ressourcement. Il y aura du travail dans le verger et l’oliveraie, et nous souhaitons y mener une vie plus en phase avec la nature. J’ai grandi à la campagne et je ressens le besoin de renouer avec la terre."

Avez-vous fait votre chemin?

"À mesure que j’évolue en tant qu’artiste, je jouis d’une liberté créative croissante. La plupart du temps, je réalise des sculptures dans mon atelier, mais il m’arrive aussi de concevoir des installations, en dialogue avec un client ou en interaction directe avec l’espace. Quand je vais installer l’œuvre, je l’ajuste toujours sur place: les clients ne savent donc jamais exactement à quoi ressemblera mon travail une fois terminé. Je montre une idée de base, mais je ne réalise jamais de croquis détaillé. Mes clients me disent de plus en plus souvent: ‘Nous respectons votre vision, laissez libre cours à votre créativité’, et c’est un vrai bonheur."

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