L'appartement de l'architecte d'intérieur est la ruine parfaite. Avec du faux marbre écaillé, chambranles friables, moulures cassées: les lieux affichent les marques du temps.
Vincenzo De Cotiis adore les ruines. Elles le font rêver, car elles sont à la fois empreintes de nostalgie et demandeuses d'une réponse contemporaine rapide, sans quoi elles seraient perdues pour toujours.
Son appartement milanais, près du corso Magenta, où il vit avec sa partenaire (commerciale) Claudia Rose, est la ruine parfaite. L'enveloppe est un palazzo du XVIIIème siècle sur lequel le temps a fait son oeuvre. Heureusement, les habitants précédents avaient caché les plafonds et les parquets d'origine sous un faux-plafond et un revêtement de sol, ce qui les a protégés.
Cette découverte n'a pas poussé l'architecte d'intérieur à entamer une restauration complète dans une ambiance néo-baroque. Au contraire, il a souligné la dégradation des espaces et leurs imperfections.
Il a interprété ce palazzo mis à nu comme s'il était un atelier où faire des expérimentations et considéré les fresques et les plafonds vieux rose comme une toile préparée depuis deux siècles pour accueillir une intervention artistique. Faux marbre écaillé, chambranles friables, moulures cassées: les lieux affichent les marques du temps, mais le Milanais en a fait le "perfect match" de l'ancien et du nouveau.
Contrastes poétiques
De Cotiis raisonne moins comme un architecte d'intérieur que comme un alchimiste. À la manière d'un forgeron, il façonne des espaces en sculptures expérimentales à vivre. Dans cet appartement, le métal joue l'incontournable "basse continue" de la musique baroque. Tantôt subtil dans les meubles, tantôt opulent dans les plinthes en laiton doré reflétées par le parquet.
Fraîches, chaleureuses, brutes ou brillantes: l'architecte joue avec les riches nuances d'or, d'argent et de bronze présentes dans de nombreux détails. Il oppose avec poésie ces tons métalliques aux murs rose poudre ou au marbre brésilien de la cuisine et de la salle de bain.
C'est ce genre de contrastes poétiques qui rend son style d'architecture d'intérieur aussi incontournable depuis des années. Pourtant, c'est au design qu'il se consacre le plus. Presque tous les jours, il parcourt les 400 kilomètres qui séparent Milan de son atelier, où il crée des meubles avec son équipe d'artisans. En collaboration avec Carpenters Workshop, il présente régulièrement des collections de tables, lampes, armoires et chaises en édition limitée.
Pour lui, le mobilier est un terrain de jeu d'où émergent de sculpturales expérimentations faites de matériaux nobles et industriels. Il combine verre de Murano fondu et miroirs oxydés, acier patiné, cuir recyclé et fibre de verre de récupération. Ces expérimentations se retrouvent aussi dans ses intérieurs.
"Bien sûr, j'imagine très bien que quelqu'un va prendre un repas ou déposer un livre sur ma table, mais je n'aime pas réfléchir à la fonction: je préfère m'inspirer de la peinture impressionniste. Ces artistes ont capté la lumière naturelle, les matières et les couleurs. Une approche que l'on retrouve également dans mes sculptures et mes intérieurs."
Vincenzo de Cotiis, Milan
L'architecte d'intérieur est un maître en matière de décoration et de mobilier, combinant avec sophistication les matériaux pauvres et riches: verre de Murano, laiton, fibre de verre et acier de récupération.
Il a étudié l'architecture au Politecnico di Milano et a fondé son studio, toujours à Milan, en 1997.
Signe particulier: Ses créations combinent patine historique et éléments contemporains.
En termes de style et de matière, il se situe entre Paul Evans, Ado Chale, Giò Ponti et Carlo Scarpa.
Il crée du mobilier en édition limitée, en collaboration avec la galerie de design internationale Carpenters Workshop.
Il vit dans un appartement du XVIIIème siècle à Milan, où imperfection rime avec luxe et originalité.