Après des verres réalisés à partir de sable, un plat en terrazzo à base de coquillages et un tabouret en terre à piser, voici des jardinières réalisées à partir de déchets en plastique ramassés sur la plage. Un travail que l'on doit à la plateforme d’impression 3D Aectual.
On est le mardi 8 juin, Journée Mondiale des Océans, et l’équipe de Sabato a rendez-vous sur la plage de Knokke. Nous sommes ici pour ramasser des déchets de plastique avec lesquels l’entreprise d’impression 3D Aectual fabriquera des jardinières originales, que nous proposerons à la vente.
Armés de sacs et de bonne volonté, nous arpentons la ligne de marée, convaincus que nous allons récolter des kilos de PMC en un rien de temps. Mais, hormis quelques bouteilles de soda, des bouchons, des morceaux de filet de pêche et une petite cuillère cassée, nous ne trouvons rien: la plage de Knokke est remarquablement propre. La nettoyeuse serait-elle passée ce matin? Au cours d’une action de nettoyage pendant les vacances de Pâques, une centaine de bénévoles avaient pourtant collecté 120 kilos de déchets de plastique.
Quoi qu’il en soit, notre démarche est claire: à l’approche de la saison balnéaire, Sabato veut attirer l’attention sur le problème du plastique dans les océans. C’est nécessaire, car la pandémie de plastique ne sera pas résolue par une campagne de vaccination. Nous devons changer nos comportements. En 2020, chaque Belge a jeté plus de 30 kilos de plastique, dont la moitié seulement a été recyclée. Il y a donc de fortes probabilités qu’une partie de ces déchets se soit retrouvée dans la mer et, via les microplastiques ingérés par les poissons, dans notre assiette.
120 bouteilles en plastique
L’équipe d’Aectual est également sur place pour nous aider à ratisser la plage. "Ce projet me tient à cœur. J’ai grandi dans les dunes de Texel, dans la maison de mon grand-père. Enfant, je ramassais tout ce que je trouvais sur la plage. C’est ce que j’apprends maintenant à mes enfants, dans l’idée de laisser la plage plus propre qu’on ne l’a trouvée", explique Martine de Wit, cofondatrice d’Aectual. "La plupart du temps, on ramasse du plastique. Ce qui est logique, car il n’est pas biodégradable: c’est une partie du problème, mais aussi de la solution, car le plastique est suffisamment durable pour être recyclé."
"La coquille est aussi imprimée en 3D."Hedwig Heinsman
C’est précisément ce que fait Aectual, qui crée des objets design et des éléments d’architecture à partir de déchets de plastiques et de bioplastiques. "Il faut se débarrasser de l’idée négative selon laquelle le plastique est un produit jetable. C’est aussi une matière première avec laquelle on peut faire de belles choses, grâce à l’impression 3D", lance Hans Vermeulen d’Aectual.
Le studio amstellodamois a justement conçu des jardinières spécialement pour Sabato. "La forme fait référence à la coquille de la moule. D’une part, parce que la recherche scientifique a montré que les moules contiennent une énorme quantité de microplastiques et, d’autre part, parce que la coquille est aussi imprimée en 3D, mais par la nature: en la regardant attentivement, on constate qu’elle est construite couche par couche."
Aectual a ainsi pensé et réalisé deux jardinières: une basse et ovale et une haute et ronde, toutes deux imprimées à partir de déchets plastiques locaux, un mélange de plastique trouvé sur la plage de Knokke et de déchets PMC belges. "C’est pour cela que la jardinière est noire: c’est la couleur qui reste une fois tous les déchets mélangés", explique Hedwig Heinsman, troisième fondatrice d’Aectual.
"Nous y incorporons à la main du pigment blanc, ce qui crée de subtiles lignes rappelant la coquille de la moule. Comme chaque jardinière est imprimée individuellement, chacune a un aspect légèrement différent. Une jardinière recycle l’équivalent de 120 bouteilles de shampoing en plastique."
"Pas des print nerds"
L’impression 3D est tendance, ce qui pousse de nombreuses entreprises à se lancer, mais ce n’est pas le cas le trio d’Aectual: cela fait des années qu'ils ont adopté la technique. En 2013, Aectual a attiré l’attention de la presse internationale avec la Canal House à Amsterdam qu’il voulait imprimer en 3D avec une imprimante de sa fabrication, de la taille d’un conteneur maritime. Même Barack Obama est venu voir le projet, qui était censé être achevé en 2016. "Ça a été moins vite que prévu, notamment à cause d’un problème de terrain", explique Hans Vermeulen. "Entre-temps, ce concept a évolué vers un bâtiment structuré en strates habitat/travail. Il sera terminé d’ici quelques années."
"Il faut oublier l’idée selon laquelle le plastique est un produit jetable: c’est une matière première qui peut être utilisée pour fabriquer de belles choses."Hans Vermeulen
Aectual se distingue des autres entreprises d’impression par sa position de pionnière, sa très grande expérience et son envergure. Les quatre imprimantes XXL développées par l’entreprise sont équipées de bras robotisés capables d’imprimer une surface de 170 m² de grande qualité. "Notre approche du design est essentielle: nous ne sommes pas des print nerds!", s’exclame Heinsman. "Nous sommes tous les trois architectes et savons comment se déroule la conception: nous pouvons donc accompagner d’autres architectes et designers qui veulent imprimer en 3D."
L’entreprise propose une bibliothèque d’éléments architecturaux de base qui répondent à toutes les normes de construction. Avec ces formes de base d’escaliers, colonnes, murs, plafonds, sols et façades, les concepteurs peuvent ensuite faire ce qu’ils veulent et même y intégrer des fonctionnalités supplémentaires. Aectual a récemment imprimé une façade avant dans laquelle étaient intégrés une gouttière et un pare-soleil. Des choses très nouvelles deviennent possibles. "Dans l’univers de la construction et de l’aménagement intérieur, 50% du travail est fait sur mesure. L’impression 3D rend l’exécution plus rapide, moins chère et plus efficace. De plus, en tant que designer, vous avez plus de liberté. Comme je le dis parfois, nous donnons des superpouvoirs aux designers", explique Heinsman.
D’après leurs cartes de visite, Hans Vermeulen est CEO, Hedwig Heinsman, Creative Director et Martine de Wit, Architectural Product Developer, mais leur collaboration évoque davantage une fusée à trois étages. "L’un a une idée, l’autre la développe et le troisième veille à ce qu’elle soit effectivement réalisée", précise Heinsman.
"Cette dernière étape est très importante, car nous sommes focalisés sur la réalisation." C’était déjà le cas lorsqu’ils se sont rencontrés à l’université de technologie de Delft. Pour un projet de groupe, ils avaient fabriqué en six semaines une grande structure à partir de vieux pneus de vélo tissés.
En 2003, ils fondent le cabinet d’architecture DUS qui, des objets aux bâtiments publics en passant par l’aménagement urbain, réalise des projets à toutes les échelles. Ils ont attiré l’attention sur leur travail avec des projets expérimentaux, comme un pavillon en bulles, un bar pop-up en forme de dôme à la Buckminster Fuller et, bien sûr, la fameuse maison imprimée en 3D.
Disney et Zaha Hadid
La Canal House a indirectement marqué le coup d’envoi d’Aectual. "Nous avons reçu beaucoup de demandes d’autres architectes qui voulaient imprimer en 3D, mais préféraient ne pas travailler avec un autre cabinet d’architectes", se souvient Heinsman."En 2017, nous avons donc fondé Aectual, une plateforme indépendante destinée aux designers. Depuis lors, les demandes affluent."
Et pas des moindres. Pour Patricia Urquiola, ils ont réalisé un sol moulé spécial intégrant un motif original, que l’on peut voir au musée BMW. Zaha Hadid leur a aussi commandé un sol à motif et Nike, un mur pour le flagship de Londres. Également sur leur liste de clients: Burberry, Disney et les architectes belges Maker. "Si ces grands noms nous ont trouvés, c’est grâce à DUS", conclut Vermeulen.
Le cabinet d’architecture est actuellement sur pause, mais Aectual, de son côté, tourne à plein régime. La start-up est devenue une scale-up qui compte des clients jusqu’en Amérique et au Moyen-Orient. L’équipe de treize personnes sera bientôt considérablement élargie et les cofondateurs ont fait appel à des investisseurs externes, aux Pays-Bas et en Amérique, pour faire face aux maux typiques de la croissance. Ils mettent tout en œuvre pour devenir un acteur mondial.
Au départ, Aectual ne travaillait qu’en B2B, mais en janvier, la plateforme a lancé un e-shop B2C, où le grand public peut acheter ses créations. Aectual propose sept produits, presque tous conçus par DUS Architects, et cette collection sera complétée par du mobilier conçu par ses clients.
"Nous sommes comme Tesla: ils ont d’abord mis sur le marché une voiture très coûteuse, mais les suivantes étaient un peu moins chères. Ce sera pareil pour les impressions en 3D."Hans Vermeulen
"Nous proposons les meubles dans des tailles standard, mais, comme ils sont imprimés à la demande, on peut demander du sur mesure. C’est l’un des grands avantages de l’impression 3D", se réjouit Heinsman. "Sans oublier l’aspect durable, bien sûr. Il s’agit d’un processus de production sans déchets: on n’utilise que ce dont on a besoin. De plus, le plastique peut être réutilisé plusieurs fois. Quand on a assez vu un meuble, on le déchiquette et on imprime quelque chose de neuf. Ça peut sembler futuriste, mais ça marche! Dans le cadre de nos recherches, nous avons déchiqueté et réimprimé un meuble sept fois, quasi sans perte de qualité."
Le plastique passe alors du statut de polluant à celui de matériau circulaire durable. Pour inciter les gens à réutiliser les meubles, les murs ou les sols, Aectual recourt à un système de caution. "Cela nous permet d’établir une relation à long terme avec nos clients et d’optimiser notre utilisation des matériaux. Ça fonctionne surtout pour les magasins, les hôtels et les restaurants, qui sont réaménagés tous les trois ans en moyenne", précise Martine de Wit. "Et nous voulons aller encore plus loin en évoluant vers un modèle de location qui pourrait être très intéressant pour les bâtiments temporaires."
Spotify de l’architecture
Un autre rêve d’Aectual relève de la production locale. Actuellement, tout est imprimé dans leur propre usine à Amsterdam, car ils n’ont pas encore trouvé la même qualité ailleurs. "D’ici cinq ans, nous espérons être en mesure d’envoyer un fichier 3D via le cloud pour que la pièce soit imprimée sur place, à Dubaï ou à Londres", ajoute Vermeulen. "Nous proposons également une sorte de bibliothèque numérique de créations existantes que les designers peuvent développer. En tant qu’espace ouvert et partagé, Aectual sera le Spotify de l’architecture et du design."
Toutes ces ambitions s’inscrivent dans le grand projet d’Aectual: rendre le travail sur mesure accessible au plus grand nombre. Autrement dit, un nouveau chapitre pour l’idéal moderniste, qui consiste à rendre le mobilier design accessible à tous grâce à la production industrielle en série. Cette ambition est-elle raisonnable? Une jardinière à 495 euros peut difficilement être qualifiée d’accessible.
"En effet, les objets imprimés en 3D demeurent encore relativement chers, mais plus pour longtemps. Nous sommes comme Tesla. Ils ont d’abord commercialisé une voiture extrêmement coûteuse, mais les voitures suivantes étaient de moins en moins chères. Et, aujourd’hui, toutes les marques automobiles proposent des voitures électriques, à tous les prix. Il en ira de même avec l’impression 3D", déclare Heinsman. Hans Vermeulen acquiesce: "Nous voulons ainsi contribuer à rendre le secteur de la construction moins polluant. Et cette jardinière est un bon début!"
Un peu de Knokke chez vous
JARDINIÈRE ÉDITION LIMITÉE
EN EXCLUSIVITÉ POUR LES LECTEURS DE SABATO
C’est désormais une tradition, un designer crée un objet unique pour le spécial Knokke de Sabato. Après des verres réalisés àpartir de sable prélevé à Knokke ou un plat en terrazzo composé de morceaux de coquillages, Sabato présente cet été une jardinière imprimée en 3D à partir de plastique échoué sur la plage de Knokke. L’objet architectural a été conçu à Amsterdam par House of DUS en collaboration avec le studio Aectual, qui a déjà collaboré avec de grands noms tels que Patricia Urquiola et Zaha Hadid Architects. Chaque jardinière, unique et en édition limitée, comporte un numéro de série. Mais surtout, chaque objet est durable, zéro-déchets et contribue à la sauvegarde des océans.
Les jardinières sont disponibles uniquement sur sabatoshop.beet sont vendues au prix de 495 euros. Il existe deux formats: ovale(98 cm de long sur 29 cm de hauteur et 40 cm en largeur) etarrondi (55 cm de diamètre sur 49 cm de hauteur et 45 cm delargeur).
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(Les commandes sont acceptés jusqu'au 30/09/2021)