Nous devons faire un usage plus efficace des sources d'énergie telles que le soleil et le vent. Et l'architecture moderne ne peut être en reste: nous faisons des tests grandeur nature en bâtissant des maisons mobiles qui "suivent" leur environnement.
"Le jardin est-il orienté plein sud?" est une des questions les plus fréquemment posées lors de l'acquisition d'une maison. Pourtant, le sud n'est pas le seul point cardinal où passe le soleil, mais c'est l'orientation où l'on peut en profiter le plus longtemps, en supposant que la maison ne se déplace pas.
Une hypothèse qui semble aller de soi, mais, aux quatre coins du monde, de plus en plus d'architectes reconnaissent les avantages et les possibilités des maisons... mobiles.
Chez nous, on n'en trouve pas encore alors qu'à l'échelle internationale on s'y consacre activement en vue de rentabiliser au mieux les sources d'énergie durable comme le soleil et le vent. Cette tendance ne devrait cependant pas tarder à se répercuter ici au cours des prochaines années.
La forme suit l'énergie
Le Pavillon Endesa, à Barcelone, est un projet déterminant pour l'architecture mobile. Il a été construit il y a deux ans, à l'occasion de Smart City, un Congrès qui réunit des spécialistes du monde entier pour brainstormer sur les villes du futur. L'architecte Rodrigo Rubio, de l'Institut d'Architecture Avancée de Catalogne, a commencé à tester une nouvelle version de la philosophie qui veut que la forme suive la fonction: sa théorie, c'est que la forme suit l'énergie. Autrement dit, on ne choisit plus l'emplacement des panneaux solaires une fois le bâtiment dessiné, on adapte son architecture à ceux-ci. Sans exagérer, le soleil pourrait indiquer à l'architecte la voie à suivre.
Comme l'énergie solaire dépend de la direction du vent et de la position du soleil, il est très vite devenu évident que le récepteur idéal ne serait pas un bloc uniforme, mais un assemblage de modules établi en fonction de leur emplacement, de leur forme et de leur angle. Ces paramètres ne devraient pas être trop difficiles à définir en utilisant un logiciel moderne.
Du côté sud, où il y a le plus d'ensoleillement, les modules sont grands et présentent une forte inclinaison vers le soleil pour qu'on puisse y installer les plus grands panneaux solaires. Du côté nord, le bâtiment est pratiquement fermé pour empêcher la déperdition de chaleur. Résultat: un bâtiment asymétrique, avec des reliefs spectaculaires côté sud et une façade plus discrète côté nord. En fonction de la position du soleil, les modules sont orientés différemment pour puiser un maximum d'énergie.
Ce pavillon est un prototype expérimental. L'architecte en chef, Rodrigo Rubio, se consacre déjà à l'étape suivante: "Je rêve d'une architecture vivante, où les façades font office de peau intelligente. Une façade qui s'ouvre quand le soleil apparaît et qui se ferme quand il disparaît. Grâce à toutes sortes de capteurs et de logiciels, le mur doit calculer si cela vaut la peine de changer de forme à un moment donné", explique ce précurseur.
L'architecte britannique David Ben Grünberg a lancé un concept intéressant pour son projet de fin d'études, la D*Haus, une maison construite à partir de plusieurs triangles que l'on peut assembler pour former un cube compact. "À l'origine, c'était un concept que j'avais développé pour une maison en Laponie, une région où les habitants doivent affronter des températures extrêmes. Peu de gens le savent, mais cette région connaît aussi des étés très chauds", souligne l'architecte.
Huit maisons en une
La maison qu'il a conçue peut prendre huit formes différentes: cela va de la maison très ouverte avec beaucoup de vitres et de portes sur la façade jusqu'à la maison compacte et fermée, sans trop d'ouvertures vers l'extérieur. En outre, toute la maison peut tourner au cours de la journée pour suivre le soleil et avoir en permanence le jardin ensoleillé. Sans oublier qu'elle doit engranger un maximum d'énergie qui peut ensuite être transformée pour faire pivoter la maison sur des rails fixés dans le sol. Pour l'instant, cela reste un concept et les architectes de D*Studio, où travaille Grünberg, n'ont toujours pas construit cette maison mobile.
"Mais elle suscite beaucoup d'intérêt", déclare l'architecte. "La construction de la première D*Haus n'est plus qu'une question de temps. Nous sommes en train de finaliser tous les éléments pratiques. Par exemple, comment faire des roues et des rails capables de supporter le poids d'une maison."
Les grandes variations de température sont également la motivation qui sous-tend la maison Sharifi-Ha à Téhéran, en Iran.
Ce n'est pas la maison entière qui se déplace, mais les pièces qui pivotent. Sur chacun des trois étages se trouve une pièce mobile, ce qui permet d'orienter sa fenêtre vers l'intérieur ou vers l'extérieur, en fonction de la lumière du soleil.
Maison d'été et d'hiver
Le bureau d'architectes iranien Next Office utilise un système de rails qui permet de faire pivoter les pièces à 90 degrés. Objectif: garder la maison chaleureuse et fermée en hiver, ouverte et aérée en été. "L'ouverture et la fermeture de la maison sont inspirées par les maisons traditionnelles iraniennes, qui possèdent à la fois un salon d'hiver et un salon d'été", explique l'architecte Alireza Taghaboni. "Comme nous disposions d'une parcelle de terrain étroite mais profonde pour bâtir cette maison, nous avons compris que nous avions tout intérêt à passer d'une façade bidimensionnelle à une façade tridimensionnelle." Cependant, le plan de cette maison a dû être adapté seize fois (!) pour arriver à ce résultat de trois pièces mobiles -la salle de petit-déjeuner au premier étage, une chambre au deuxième et le bureau au troisième. "La maison s'adapte aux besoins des résidents", explique Taghaboni. "Cette flexibilité est une respiration dans cette discipline rigide qu'est l'architecture."
Pour le système pivotant, Next Office a consulté le producteur allemand Bumat, spécialisé dans les systèmes pour décors de théâtre et les plaques tournantes pour salons automobiles. Autre chose à laquelle on ne pense pas directement: toutes les balustrades des terrasses devaient être repliables, afin de ne rien heurter sur leur passage lors du changement d'orientation de la pièce.
Les résidents décident provisoirement eux-mêmes du moment auquel ces différentes pièces tournent, à l'aide d'une télécommande intégrée qui leur indique aussi la température extérieure. Bien entendu, ils pourraient choisir d'automatiser ce système et de placer un capteur pour perfectionner le mouvement de leur maison. Mais alors, il pourrait arriver que, tôt le matin, la chambre à coucher se mette soudain à pivoter et que la vue passe d'un mur en béton à une grande fenêtre ouverte sur le voisinage. Une éventualité qui, même en période de déclin de la vie privée, nous paraît tout de même un peu trop publique.