Surfboard shaper, ou façonneur de planche de surf, est une profession à part entière. Elle est même de plus en plus en plus représentée en Belgique. Quatre shapers locaux nous parlent de leur métier.
Surfer's Hell, Oscar Gonzalez Torres (37)
Qui est Oscar? «Je suis d’origine asturienne et je vis en Belgique depuis 30 ans déjà. J’ai récemment ouvert un atelier à l’Oude Vismijn, à Ostende, flanqué d’une petite boutique de matos de surf. Tout le monde peut entrer et jeter un œil à la 'shaper’s bay' ou à la 'glassing room'. Je vends des palmes, de la wax (une cire anti-dérapante que l'on met sur la planche, NDLR), des leashes (les cordes qui attachent la cheville à la planche, NDLR) et des boardbags (les housses de planches, NDLR).»
Pourquoi ce nom de Surfer’s Hell? «Parce que la mer du Nord, c’est l’enfer! Les vagues ne sont pas toujours constantes et il faut savoir où aller, et quand. Surfer ici demande pas mal d’efforts.»
Comment décririez-vous votre style? «Californian old school. Je fabrique des planches faciles à surfer et adaptées à la mer du Nord. Ce sont les planches parfaites pour les vagues de notre côte.»
Pour qui shapez-vous? «Je suis un shaper 'del pueblo', pour le peuple - c’est la bonne traduction? Je m’adresse aux pragmatiques. Je n’aime pas les chichis.»
Qu’est-ce que le surf vous a apporté dans la vie? «Le surf, pour moi, c’est une ligne de conduite, comme une voie à suivre. En chemin, j’ai rencontré des personnes extraordinaires, j’ai commencé à shaper et je me suis retrouvé à Ostende. Depuis que je suis dans le surf, je n’ai vécu que des choses positives.»
Qu’y a-t-il au programme du Surfer’s Hell cet été? «Un atelier sur les prévisions météo, car nombreux sont ceux qui veulent apprendre à surfer en mer du Nord, mais qui ne savent pas vraiment quand il y a des vagues. On pourra également suivre une formation de ‘do-it-yourself’, où l’on apprendra à fabriquer sa propre planche, sous ma supervision.»
Brainfloss, Lewie Landuyt (26)
Qui est Lewie? «Je suis graphiste et shaper et j’ai un atelier à Blankenberge. J’ai étudié à Sint-Lucas, mais, pour les planches de surf, je suis autodidacte.»
Pourquoi Brainfloss? «C’est une référence à l’impact du surf sur le cerveau, comme si la mer évacuait la charge mentale.»
Avez-vous un style propre? «Je pense qu’il est trop tôt pour le dire.»
Quel type de planches shapez-vous? «Des planches plutôt alternatives. La culture du surf ne cesse d’évoluer et de plus en plus de surfeurs sont ouverts aux variations de shapes existantes. Je fais des 'fishes', des 'eggs' et des 'longboards' (termes de surf qui font principalement référence à la longueur de la planche NDLR). Je ne conçois pas de shortboards performants parce que c’est un style de surf spécifique.»
Blankenberge est-elle une station sous-estimée? «Absolument. J’ai trouvé un atelier en passant devant un entrepôt où se trouvait une affiche ‘à louer’. Je ne l’ai pas regretté une seconde depuis.»
Qu’est-ce que le surf vous a apporté dans la vie? «Un changement total. Depuis que je surfe, je sors moins, je suis concentré et plus ouvert aux influences extérieures. J’ai traversé l’Europe pour chasser les vagues, ce qui a changé ma vie.»
Que pouvons-nous attendre de vous cet été? «À la mi-août, j’exposerai à Knokke une collab avec Studio.Koevoet. Nicola Van Acker a conçu le merchandising et j’ai réalisé une planche inspirée de son travail graphique.»
Jabali Surfboards, Job Verpoorte (47)
Qui est Job? «Je suis originaire de Flandre zélandaise et je vis à Bruges. Je suis ingénieur, mais, il y a cinq ans, j’ai décidé de fabriquer des planches de surf en bois.»
D’où vient le nom Jabali? «Chaque année, je vais surfer dans les Asturies et des amis espagnols m’ont appris l’expression ‘surfer comme un jabali. Jabali signifie sanglier et surfer comme un sanglier, c’est faire appel à l’homme primitif qui est en soi.»
Une planche en bois, comment ça se surfe? «Chaque matériau se surfe différemment, mais cette différence est négligeable, je trouve. Mes planches en bois sont un peu plus rigides, mais la sensation de surf dépend de la forme de la planche.»
Quel type de bois utilisez-vous? «Du contreplaqué pour le squelette et du balsa, de l’ayous et du cèdre pour la peau extérieure. Tout mon bois vient de plantations durables: il est plus respectueux de l’environnement que le polystyrène de la plupart des planches.»
Les surfeurs doivent-ils penser à l’environnement? «Je pense que oui. Nous voyageons beaucoup et achetons pas mal de produits polluants, moi comme les autres. Comme beaucoup de shapers, j’utilise de l’époxy pour glacer mes planches, les renforcer et les rendre étanches. Il existe un bio-époxy fabriqué, en partie, à partir de résidus végétaux (au lieu de pétrole, NDLR), mais il ne se dégrade pas si facilement. La recherche pour rendre notre secteur plus respectueux de l’environnement est permanente.»
Vous avez notamment produit une planche fabriquée avec de matériaux recyclés. lesquels? «Une vieille planche à voile, des rideaux, des bouchons de bouteille de lait, des emballages de camembert et du néoprène recyclé; bref, des déchets. Mon projet a participé à l’Upcycle Contest organisé par Vissla et la Surfrider Foundation. La planche est exposée au Surfers Paradise à Knokke.»
Flow & Soul, Angelo ‘Angke’ De Meulenaere (35)
Qui est Angelo? «Je pense que la plupart des surfeurs de Belgique me connaissent. Angelo, c’est Angelo: si je devais me décrire en deux mots, ce serait ‘créateur d’art fonctionnel rock ‘n’ roll’.»
Qu’est-ce qui fait votre notoriété? «Mes glassings (qui servent à sceller, renforcer et imperméabiliser les planches, NDLR). Je me rends aussi à l’étranger pour réaliser des glassings pour des grands noms: Ryan Lovelace, Malcolm Campbell, Dead Kooks et Joel Tudor.»
Qu’est-ce qui rend vos glassings si spéciaux? «Le sens du détail et de l’élégance. Tout se tient: chacun est une pièce unique.»
Les shapers sont-ils des artistes? «Qu’est-ce que l’art? Disons les choses autrement: je tiens à évoluer librement dans mon travail. Je fais encore (à mon goût) trop de planches en fonction des souhaits des clients. C’est cool, mais pas autant que d’avoir carte blanche.»
Vous aviez un atelier à Zeebruges et maintenant, à Blankenberge. Pourquoi? «La raison réelle est un incendie, mais cela faisait un moment que je trouvais que je faisais du sur-place. Il était temps de changer de crèmerie.»
Quelle est votre relation avec les réseaux sociaux? «F**k les réseaux sociaux! Aujourd’hui, tout est axé sur le lifestyle, mais, pour moi, c’est plus ‘back to the roots’.»
Où trouver vos planches? «Je ne fais que des planches personnalisées, à la main. Bientôt, il y en aura une à la boutique Under The Lighthouse à Ostende. Le propriétaire, le champion belge de longboard Sascha Borrey, est un de mes équipiers.»