Après Miami, Ibiza, Singapour et les Maldives, The Standard Hotels déploie son aura dans le quartier Nord de Bruxelles, sous l'égide de l'architecte Bernard Dubois.
La visite d’un projet en cours de réalisation nécessite un peu d’imagination: matériaux de construction, emballages divers, ampoules suspendues... Mais un journaliste averti sait transcender les apparences, a fortiori s’il s’agit d’un projet d’envergure tel qu’un hôtel The Standard en Belgique. Pourtant, lorsque j’entre dans l’ascenseur pour explorer des chambres, je remarque que les boutons n’indiquent que les étages pairs.
"Les étages impairs abritent des bureaux du gouvernement", m’explique Bernard Dubois. Des bureaux au sein d’un hôtel, cela peut surprendre. "C’est une solution ingénieuse", répond l’architecte. "En dehors des heures de bureau, ces étages sont vides, assurant ainsi la tranquillité des clients de l’hôtel. Et comme l’éclairage nocturne des bureaux est maintenu, cela donne l’illusion que The Standard occupe toute la tour, ce qui donne une aura positive au quartier."
"J’ai senti un grand respect pour tout ce que je proposais."
Le sujet sensible est abordé d’emblée. Les anciennes tours du World Trade Center, à deux pas de la gare du Nord de Bruxelles, ne sont pas une évidence pour accueillir un hôtel branché. Le Bruxellois qu’est Bernard Dubois en est pleinement conscient.
"Le Standard ne transforme pas seul ce quartier, mais il y a déjà de beaux précédents. Quand The Standard a investi le Meatpacking District à New York, ce quartier n’avait pas la renommée dont il jouit aujourd’hui. Comme pour King’s Cross à Londres. Bruxelles-Nord n’est peut-être pas le choix le plus prestigieux, mais c’est un quartier en pleine évolution. Tour & Taxis bruisse de projets et l’ouverture prochaine du musée Kanal-Centre Pompidou lui insufflera une énergie positive. The Standard entend contribuer à ce renouveau."
Bernard Dubois
Diplômé de La cambre en 2009, Bernard Dubois travaille à la mise en place d’une stratégie de développement du quartier européen à Bruxelles pour l’OMA, l’office for metropolitan architecture. Il perce en 2014, quand il est choisi pour représenter la Belgique à la Biennale d’architecture de Venise.
Aujourd'hui, il réalise des projets résidentiels et d’hôtellerie, mais aussi des boutiques pour des labels tels qu’Aesop, Lanvin et Courrèges. Pour la galerie Maniera, il a conçu une ligne d’objets, dont des lampes et des tables, certains en collaboration avec le créateur Isaac Reina.
The Standard Hotel
30 avenue du Roi Albert II à Bruxelles
Ouverture début mai
Réservations ouvertes, à partir de 200 euros
| www.standardhotels.com |
Ancrage Bruxellois
"Avec The Standard, nous avons réussi à créer un beau mélange entre l’ADN américain du groupe hôtelier, racheté par Hyatt Hotels Corporation en octobre 2024, et le caractère du design belge", précise Dubois. "Le fait que Verena Haller, le talent créatif des hôtels The Standard, soit d’origine européenne a joué un rôle important. J’ai immédiatement ressenti un grand respect pour ce que je proposais. Et c’était beaucoup: environ 90% de ce que l’on verra dans l’hôtel a été conçu spécifiquement pour ce projet. Cinq ans d’inspiration, de dessin, de consultation, de prototypage, de visualisation et de révision. Approuver et désapprouver, jusqu’à aboutir à l’atmosphère recherchée. Du restaurant avec son bar magistral au rez-de-chaussée à celui du rooftop, plus exclusif avec un mood de Miami."
"L’esthétique architecturale peut insuffler une dynamique positive à ce quartier, j’en suis convaincu."
Tout commence il y a près de cinq ans, quand Bernard Dubois reçoit un premier email tel une bouteille à la mer de la part du groupe hôtelier américain, en quête d’un troisième établissement européen après Ibiza et Londres. "C’était en mars 2020, en pleine pandémie. Mon choix a été rapide, connaissant déjà The Standard pour son hôtel new-yorkais. Comme pour tous ses hôtels, le groupe recherchait un architecte local pour imprimer sa marque sur la conception. Mon ancrage bruxellois, mon style minimaliste, mais aussi mes affinités avec les années 1960 et 1980, ont séduit The Standard."
S’agit-il de son premier projet hôtelier? "Question délicate", sourit-il. "The Standard a initié mon parcours hôtelier, mais, depuis, j’ai mené à bien deux autres projets: le Cap d’Antibes Beach Hotel et les Edgar Suites de la Résidence Bouchardon à Paris. Les hôtels conjuguent deux émotions: l’enthousiasme d’un lieu de rencontre et le sentiment de confort d’un foyer. Pour les voyageurs réguliers, ce dernier point est crucial."
Une alchimie de références
Le cabinet Bernard Dubois Architects s’est illustré dans la conception de boutiques de luxe. Lanvin, Courrèges et Valextra portent notamment son empreinte. "Il m’est difficile de définir mon style; je suis sensible à la beauté dans les proportions, les matériaux et les formes. Je définis l’atmosphère d’un espace: les demi-courbes derrière les têtes de lit dans les chambres du Standard me permettent de créer l’illusion d’une chambre d’angle."
Les chambres jouent avec les finitions mates et brillantes: murs mats, portes et chambranles brillants, bois omniprésent. "Les différentes finitions du bois évoquent le passé. Au Standard, le bois brillant évoque le glamour des années 1930." Un pas plus loin, une autre époque s’offre au regard. "Vous faites allusion au tapis?", me demande Dubois. "Je suis un enfant des années 1980 et je me souviens des garnitures de la VW Passat de l’époque, ce qui a inspiré ce tapis style années 1980."
Comment justement marier les années 1930 et 1980? "Il y a des références implicites à l’architecture de ces décennies, à de grands architectes belges tels qu’André Jacqmain, Juliaan Lampens et Henry Van de Velde. Ou à l’Américain Philip Johnson, qui a inspiré le sol en briques du restaurant du rez-de-chaussée." Un mélange insolite, ou une "sauce", pour reprendre les termes de Dubois. "Je compare ces projets à une sauce délicieuse. On ne distingue plus les ingrédients, mais on goûte leur harmonie."
La fierté du Bruxellois d’avoir mené à bien ce projet se lit dans ses yeux et, pourtant, il ne considère pas cet hôtel comme un chef-d’œuvre. "Chaque projet est une carte de visite, du pavillon d’architecture de la Biennale de Venise à la boutique Aesop de Bruxelles, en passant par la galerie Xavier Hufkens", énonce Bernard Dubois avec diplomatie. "Je suis impatient de vivre l’expérience de l’effervescence du Standard."
Et ça risque de faire des bulles, car les hôtels The Standard sont réputés pour leur ambiance jeune et branchée. Rendez-vous au mois de mai pour l’ouverture.