Pourquoi Pamela Anderson et le prince Harry lavent-ils leur linge sale en public?

L’époque où seuls les paparazzis lavaient le linge sale des célébrités en public est révolue. Aujourd'hui, ce sont les stars elles-mêmes qui déballent leur vie privée. Pourquoi?

“Mes seins ont eu une belle carrière et moi, je n’ai fait que les suivre partout où ils allaient!”, s’exclame Pamela Anderson avec une bonne dose d’autodérision dans le documentaire “Pamela, a love story”, diffusé sur Netflix depuis mardi. À 55 ans, la playmate la plus célèbre de tous les temps raconte sa vie dans ce documentaire Netflix, mais aussi dans ses mémoires, “Love, Pamela”, publiées le même jour.

“Vous pouvez me demander n’importe quoi, je serai sincère”, déclare-t-elle. Elle est chez elle, dans le village canadien où elle a grandi. Anderson est aussi blonde qu’il y a trente ans, les sourcils toujours dessinés en fines lignes. Calmement, elle se confie: elle raconte qu’enfant, sa baby-sitter a abusé d’elle, qu’adolescente, elle a été violée et qu’elle a perdu son premier enfant suite à une fausse couche. Quel contraste avec ses aventures des années 90 dans la série “Alerte à Malibu” et son image de pin-up radieuse! Pourtant, elle est tout sourire à l’évocation de cette époque qu’elle qualifie de libératrice.

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Bien sûr, elle revient sur la sextape dont elle partage la vedette avec son ex-mari, le musicien Tommy Lee. La vidéo du jeune couple avait été dérobée dans leur coffre-fort et diffusée sans autorisation, faisant les choux gras du monde entier. Sur les 75 millions de dollars générés par la sextape, le couple n’a pas touché un centime. Lee et Anderson ont intenté un procès contre les distributeurs, en vain. Comme Pamela avait posé à maintes reprises pour Playboy, on avait décidé qu’elle n’avait plus droit au respect de sa vie privée, ce qui, à l’ère post-MeToo, est impensable.

“Pour survivre, j’ai zappé mentalement cette vidéo volée”, déclare-t-elle, ce qui rend la comédie “Pam & Tommy”, diffusée l’année dernière sur Hulu, encore plus déchirante. D’autant plus que la playmate a refusé de participer à cette série en huit épisodes sur le vol de sa sextape. Pour la deuxième fois, sa vie sexuelle a été utilisée au bénéfice d’un tiers, sans son consentement.

“Pamela, a love story” et “Love, Pamela” sont d’excellents exemples de la manière dont les stars reprennent le contrôle de leur vie par le biais de documentaires, de mémoires ou d’interviews. En anglais, on appelle cela “controlling the narrative” –nous n’avons pas trouvé l’équivalent en français, sans doute parce que les scandales de célébrités sont plus rares ici qu’à Hollywood. Et tous ces exemples offrent un aperçu du monde pas si rose des célébrités.

Pamela Anderson, la playmate la plus célèbre de tous les temps, racontera sa vérité dès mardi prochain dans un documentaire Netflix, “Pamela, a love story”, mais aussi dans ses mémoires “Love, Pamela”.
Pamela Anderson, la playmate la plus célèbre de tous les temps, racontera sa vérité dès mardi prochain dans un documentaire Netflix, “Pamela, a love story”, mais aussi dans ses mémoires “Love, Pamela”.
©Photo News

Authentique et crédible

Au cours des cinq dernières années, les exemples de stars qui ont lavé leur linge sale en public ne manquent pas: Taylor Swift, Beyoncé, Paris Hilton, Katy Perry, Justin Bieber, Lady Gaga, Billie Eilish, Selena Gomez, Matthew Perry et encore d’autres "rich, beautiful and famous" qui mènent le genre de vie dont nous ne pouvons que rêver.

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“En effet, de plus en plus de stars se réapproprient leur récit. Certaines le font via un documentaire, car ce format donne à leur message authenticité et crédibilité”, explique Sofie Van Bauwel, professeure en études des médias à l’UGent. “Les célébrités d’aujourd’hui préfèrent tirer elles-mêmes les ficelles et, grâce aux réseaux sociaux, elles ne sont plus tributaires des grands médias pour raconter leur vérité.”

“Pour beaucoup de gens, il est rassurant de savoir que les stars, malgré leur richesse et leur succès, ont aussi une foule de problèmes.”
Sofie Van Bauwel
Professeur en étude des médias à l’UGent

C’est évidemment leur vérité. “Des stars comme Beyoncé sont rompues à l’exercice et savent parfaitement influencer et contrôler les médias. Elles décident ce qu’elles partagent ou non”, poursuit la spécialiste. En effet: dans “Homecoming”, le documentaire consacré à sa performance au festival de Coachella en 2018, Queen B. expose sa vulnérabilité, mais de façon super contrôlée.

“La fascination pour la vie des célébrités n’est pas nouvelle”, déclare Dan Hassler-Forest, spécialiste média et culture à l’université d’Utrecht. “Depuis toujours, les journaux et les magazines publient des potins sur ceux qui apparaissent sur nos écrans. Le maintien de ce lien émotionnel est devenu encore plus important à l’ère numérique. La nouvelle génération de célébrités a établi une relation plus directe avec ses fans grâce aux médias sociaux, et c’est très apprécié.”

“My Mind & Me” de Selena Gomez est une exploration sensible de sa santé mentale.
“My Mind & Me” de Selena Gomez est une exploration sensible de sa santé mentale.
©Apple TV

Harry et Meghan

Montrer sa vie intérieure et ses vulnérabilités est un art à part entière qui demande aux stars de garder un équilibre délicat. Elles doivent montrer qu’elles sont comme tout le monde et donc aussi victimes de burnouts, de dépressions, de troubles alimentaires et d’abus de toute nature, et, en même temps, il ne faut pas oublier que les stars font partie de la crème de la crème: peu de gens sont plus influents, plus beaux et ont plus de succès. Alors, de quoi se plaignent-elles?

C’est précisément là que, selon des experts des médias, Harry et Meghan font fausse route. Ils partagent trop d’informations. Et ce trop-plein apparaît dans les sondages de popularité: plus ils déballent leur linge sale, moins le prince britannique et l’actrice américaine sont populaires. La publication de l’autobiographie du prince Harry, “Spare” (le suppléant), a fait lever plus d’un sourcil. Qui doit savoir qu’il est circoncis, comme son frère William, ou qu’il a été dépucelé par une “femme plus âgée” dans un champ?

“Les stars du cinéma ont été inventées pour attirer le public dans les salles. Pareil pour les pop stars et les royals: ils sont devenus un outil promotionnel.”
Dan Hassler-Forest
Spécialiste média et culture à l’université d’Utrecht

Mais pourquoi les célébrités déballent-elles ce genre de choses? Pour que plus rien ne puisse être utilisé contre elles? Pour éviter de futurs scandales? Peut-être, mais comme leur vie privée est aussi devenue une source de revenus, il vaut mieux partager un maximum de détails. Comme les Sussex ne peuvent plus compter sur leur riche famille, ils vendent l’histoire de leur vie. Pour l’autobiographie de Harry, on parle de vingt millions de dollars. Et le contrat sur cinq ans avec Netflix devrait rapporter à Harry et Meghan la très belle somme de cent millions de dollars.

Ces confessions contemporaines pourraient-elles nous éclairer sur ce que notre société trouve important? “My Mind & Me” de Selena Gomez et “Stutz” de Jonah Hill sont des explorations délicates et sensibles de leur santé mentale. Jennette McCurdy, l’enfant star de l’émission “iCarly” sur Nickelodeon, a publié “I’m Glad My Mom Died”, où elle raconte avec beaucoup d’humour comment sa mère l’a poussée vers Hollywood. Ce livre aussi triste qu’hilarant est devenu un best-seller.

©Photo News

Culture des tabloïdes

“Les stars du cinéma ont été inventées par l’industrie cinématographique au début du XXe siècle pour attirer le public dans les salles”, détaille Hassler-Forest. “Pareil pour les pop stars et les royals: ils sont devenus un outil promotionnel. Aujourd’hui, ces célébrités osent montrer la face obscure de cette objectivation. Et l’avènement des médias sociaux a permis au public de mieux comprendre ce phénomène, car il est partagé: tout le monde se présente sous son meilleur jour sur Instagram et TikTok dans l’espoir de devenir une (mini) célébrité. Hélas, cette situation n’a pas toujours un impact positif sur le bien-être mental de ceux qui s’exposent, ce dont nous sommes conscients et c’est sans doute la raison pour laquelle nous avons plus de sympathie pour les stars qui racontent les pièges de la célébrité.”

Des documentaires et des biographies dénoncent également la culture des tabloïdes des années 90 et 2000. Slut-shaming, fat-shaming, paparazzis envahissants: à l’époque, tout était permis. Dans “Pamela, a love story”, Anderson explique comment les médias l’ont réduite à une caricature. Paris Hilton, héritière de l’empire hôtelier et une des premières stars de la téléréalité, a également sorti un documentaire, “This is Paris”, pour corriger son image et affirmer qu’elle a toujours joué un rôle.

Évoluons-nous vers un monde meilleur, avec davantage de respect pour les célébrités (féminines)? La professeure de l’UGent pense que cette une vision est un peu trop optimiste: “Je ne sais pas si c’est suffisamment fort pour susciter une réflexion personnelle au sein du public. D’ailleurs, en ligne, on trouve toujours autant de celebrity bashing.”

De plus en plus de stars, dont Taylor Swift, permettent à leurs fans de se faufiler (virtuellement) backstage.
De plus en plus de stars, dont Taylor Swift, permettent à leurs fans de se faufiler (virtuellement) backstage.
©Netflix

Il semble que nous ne soyons qu’au début de la vague des confessions de célébrités, ce qui est une mauvaise nouvelle pour ceux qui en ont déjà plus qu’assez de cette pléthore d’épanchements trop détaillés et de confessions assommantes, mais pour les fans, c’est une bonne nouvelle. Beaucoup d’entre eux attendent avec impatience le documentaire consacré à Rihanna et dont la sortie est reportée depuis quatre ans. Le documentaire sur le groupe de K-pop BTS sortira sur Disney+ cette année et le tournage de “Back to black”, un nouveau biopic sur l’étoile filante que fut Amy Winehouse, a commencé au début de ce mois.

Pourquoi le linge sale et la vulnérabilité des célébrités continuent-ils à susciter un tel engouement? “Parce que cela donne l’impression à beaucoup de gens de les connaître vraiment”, répond Van Bauwel. “Il est rassurant de savoir que, malgré leur richesse et leur succès, les stars ont des problèmes aussi.”

“Pamela, a love story” sera sur Netflix le 31 janvier et “Love, Pamela” sera en librairie le même jour.

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