Cette année, la collection de fin d'année de Benoît et et Anne Nihant s’inspire des cadeaux de Noël d’autrefois
Cette année, la collection de fin d'année de Benoît et et Anne Nihant s’inspire des cadeaux de Noël d’autrefois
© Alexander D'Hiet

Benoît et Anne Nihant, les chocolatiers belges qui conquièrent le Japon

Entretien avec les chocolatiers Benoît et Anne Nihant à propos de générosité japonaise, de bon sens paysan et de reconversions professionnelles animées d’une mission.

Comment vous sentez-vous?

"Bien, même si la période de Noël est toujours très intense pour nous. Nous travaillons beaucoup plus que d’habitude et faisons appel à du personnel temporaire supplémentaire dans notre atelier situé à Awans, près de Liège. Nous réalisons environ 25% de notre chiffre d’affaires annuel en décembre. Noël est pour nous une fête atypique. Comme nous travaillons sans relâche les 24 et 26 décembre, le jour même, nous sommes trop fatigués pour préparer un menu de fête élaboré. Pourtant, nous adorons cuisiner, mais ce jour-là, l’énergie nous manque, tout simplement", avoue Anne Nihant.

Publicité

Qu’est-ce qui vous tient particulièrement à cœur?

"Peu de gens savent qu’il existe des milliers de petits producteurs de cacao indépendants, cultivant chacun quelques hectares seulement. 95% de leurs fèves sont achetées par cinq multinationales. Ce ne sont pas les producteurs, mais l’industrie qui fixe le prix au kilo, lequel est de surcroît soumis à la spéculation boursière. Résultat: les producteurs n’obtiennent jamais un prix équitable, et leur récolte est mélangée à d’autres variétés pour obtenir un goût standardisé", explique Benoît Nihant.

Publicité

"Comme nous voulons rester en dehors de ce système, nous adoptons une approche radicalement différente. Nous fabriquons du chocolat "monoplantation" et achetons nos fèves directement aux producteurs. Nous leur offrons un prix juste, parfois jusqu’à 10 fois supérieur à celui proposé par d’autres acheteurs. En fonction du sol et du climat, chaque récolte a une saveur unique; nous ne procédons à aucun mélange et donc, toute notre gamme est exclusivement "monoplantation". Nous voulons que notre chocolat reflète le terroir ainsi que le travail du producteur. En Belgique, seuls quelques chocolatiers travaillent comme nous."

Les 100 meilleurs "plats signature" de 100 grands restaurants
C’est le coup de feu des fêtes de fin d’année dans les ateliers du chocolatier.
C’est le coup de feu des fêtes de fin d’année dans les ateliers du chocolatier.
© Alexander D'Hiet

Le chocolat en tenue de fête

L’an dernier, les chocolatiers Anne et Benoît Nihant ont puisé leur inspiration au Pérou (où ils possèdent une plantation de cacao) pour créer une collection de Noël aux accents tropicaux. Cette année, ils reviennent à une approche plus traditionnelle et occidentale: leur collection de fin d’année s’inspire des cadeaux de Noël d’autrefois, comme un robot ou un cheval à bascule, entièrement réalisés en chocolat.

"Les formes qui sortent des moules nécessitent parfois des retouches avant d’être emballées", indique Anne Nihant. "Nous réalisons les premières esquisses de notre collection de Noël dès le mois de février. Le développement des saveurs et des moules est un long processus. En ce moment, nous travaillons déjà sur des idées pour Pâques. Une bonne préparation est cruciale durant ces périodes de fêtes particulièrement intenses."

Publicité

Comment faites-vous la différence?

"Ce qui nous distingue, c’est que nous utilisons exclusivement notre propre chocolat maison pour tous nos produits, sans exception. Pas seulement pour une petite partie, mais pour l’ensemble de notre production. De la fève à la tablette, nous contrôlons chaque étape du processus. Les fèves de cacao arrivent chez nous fermentées et séchées, dans de grands sacs. Bien qu’elles soient déjà triées à la plantation, nous effectuons un tri manuel supplémentaire sur place. Nous retirons les fèves trop plates, qui brûlent plus rapidement lors de la torréfaction. Cette torréfaction, nous la réalisons à basse température, autour de 130°C, dans des machines à torréfier datant des années 50. Nous ne torréfions pas de manière agressive, comme pour le café, ce qui permet de révéler toute la complexité des arômes. Notre chocolat peut se déguster comme un grand vin, avec des sensations gustatives qui évoluent en bouche", détaille le chocolatier.

Publicité
Publicité

Avez-vous fait votre chemin?

"Benoît et moi avons réalisé notre rêve. Nous sommes tous deux issus d’horizons complètement différents: lui de l’industrie sidérurgique, moi du secteur bancaire", explique Anne Nihant. "Lorsque nous nous sommes rencontrés, nous avions le désir commun de lancer ensemble un projet concret. Passionnés par la gastronomie, nous avons tous deux suivi un cours du soir pour devenir chocolatiers. Pour le reste, nous sommes autodidactes. Le chocolat est un domaine d’une richesse infinie: on n’a jamais fini d’apprendre – les innombrables variétés de fèves de cacao, les processus de fermentation, les temps de séchage et les spécificités des machines."

"Dans un monde idéal, on fermerait la porte de son entreprise le vendredi soir, mais pour nous, c’est impossible."

"Nous avons lancé notre propre marque de chocolat en 2006, et j’ai intégré l’entreprise à plein temps en octobre 2007. Bien que Benoît et moi ayons des personnalités très différentes, nous sommes extrêmement complémentaires. Il se concentre sur la sélection des fèves de cacao, les machines et le processus de fabrication, tandis que je me consacre à l’aspect créatif: les collections, les saveurs et les emballages. Certains nous trouvent un peu fous de partager notre vie et notre travail 24 heures sur 24. Dans un monde idéal, on fermerait la porte de son entreprise le vendredi soir, mais pour nous, c’est impossible: le travail imprègne tous les aspects de notre vie. Pour moi, cette aventure représente un véritable choix de vie."

Que pense notre critique culinaire d'Eliane, le nouveau restaurant de Kobe Desramault à Bruxelles?
© Alexander D'Hiet

Qu’est-ce qui fait votre fierté?

"Nous travaillons en étroite collaboration avec des producteurs du Pérou, de Madagascar, du Honduras, du Guatemala, de Cuba, du Venezuela, du Belize et de la République dominicaine. Et, depuis peu, nous possédons également notre propre plantation de cacao au Pérou, Finca Luis de Sisa. À l’automne 2022, nous y avons réalisé notre toute première récolte, qui a produit 50 kilos de fèves, soit près de mille tablettes", explique Nihant. "Ce chocolat était déjà d’une grande qualité, mais nous avons encore optimisé le processus de fermentation au cours des deux dernières années, de sorte que les notes florales sont encore plus intenses."

Que souhaitez-vous faire évoluer?

"Notre présence au Japon, où nous réalisons actuellement entre 15 et 20% de notre chiffre d’affaires. Cela fait déjà dix ans que nous y sommes implantés, mais ces derniers temps, les choses s’accélèrent. Depuis l’année dernière, nous disposons d’une boutique permanente à Ginza, à Tokyo. Là-bas, le chocolat bénéficie d’un statut aussi prestigieux qu’un accessoire Louis Vuitton ou Dior, nos voisins dans la rue la plus luxueuse d’Asie."

"En 2025, nous prévoyons d’ouvrir une seconde boutique permanente, ainsi que deux salons de thé situés dans des emplacements premium. À cela s’ajoute une vingtaine de boutiques éphémères, ouvertes de janvier à mai. Au Japon, la période de la Saint-Valentin est cruciale: ce jour-là, les femmes doivent offrir un cadeau aux hommes qui comptent le plus pour elles, et le chocolat de luxe figure parmi les présents les plus prisés. Le 14 mars, le White Day, les hommes leur rendent la pareille avec un cadeau d’une valeur trois fois supérieure à celui qu’ils ont reçu à la Saint-Valentin. En matière de chocolat, les Japonais sont des connaisseurs. Nous le constatons à travers les questions très pointues qu’ils posent sur nos produits ou les variétés de fèves. Ils apprécient tout ce qui offre un goût raffiné, intense et pur."

Publicité
Service Sponsorisée

Lire Plus