Le critique culinaire Jan Scheidtweiler teste le partage de plats dans un ancien presbytère, où le chef Thomas Locus nous invite à un voyage autour du monde.
Annonces tonitruantes, communiqués de presse ronflants et événements de lancement coûteux ne sont pas du goût de Thomas Locus. C’est en toute discrétion que le chef a bâti, ces dernières années, un “hospitality group” à Bodeghem-Saint-Martin, paisible village de la commune de Dilbeek.
Le complexe “Thomas Locus Dreams” comprend le restaurant étoilé Brasserie Julie, le B&B Louis1924 et le caviste Vincœur. Tout aussi discrètement, à la mi-novembre, le chef a ouvert un restaurant portant le prénom de sa mère, Agnes. À l’image de cette dernière, qui réunissait ses invités autour d’une table, Locus propose des bons petits plats à partager entre amis.
L’enseigne s’est installée dans l’ancien presbytère du village, un bâtiment datant de 1754. Bien qu’il y ait des éléments d’origine ici et là (un sol carrelé, un escalier), le designer Benoit Viaene a réussi un relooking aussi stylé qu’approfondi: le plâtre des murs est sûrement encore frais.
Divisés en sections portant des noms liturgiques (“Première lecture”, “Communion”), les vingt plats à partager nous emmènent dans un voyage autour du monde: huîtres au saké, turbot mousseline et bao au kimchi.
La version Locus des sushis à l’anguille de rivière (24 euros les quatre pièces) est un bon début. Le riz est tiède et croustillant, l’anguille savoureuse et légèrement laquée. Des feuilles d’algues sont présentées sur un support, un joli détail.
La généreuse assiette de côtes de porc iberico (32 euros pour deux), aurait mérité un peu plus de sauce hoisin. Le paksoi, indisponible au marché du jour, a été remplacé par quelques oignons jeunes, mais la qualité de la viande, succulente et super fondante au point de se détacher facilement des os, fait tout oublier.
Le bar de mer (55 euros pour deux couverts) est aussi conséquent. Pour commencer, le poisson est présenté à table avant de réapparaître en filets sur un plat de service, comme un clin d’œil au service d’un restaurant étoilé. La caponata sicilienne qui l’accompagne ressemble plus à une ratatouille provençale – et elle manque d’assaisonnement et de profondeur: Locus ne la servirait probablement pas dans son restaurant étoilé.
Si certains points peuvent encore être améliorés, Agnes est déjà une bonne adresse: c’est un établissement élégant et confortable où l’on sert une savoureuse cuisine. Le service attentionné et la superbe carte des vins sont deux atouts supplémentaires qui font souvent défaut à de nombreux restaurants de plats à partager.
Où?
Processiestraat 3, 1700 Bodeghem-Saint-Martin
Tél. 02/880.74.31 | www.agnes.thomaslocus.be
Fermé le lundi et le mardi
Addition
162 euros pour deux couverts.
Sommelier
Le grand sommelier Jori Van Ginderdeuren gère une superbe carte des vins de dix-huit pages: noms connus (Pazo Señorans, Filipa Pato), vins orange et Nouveau Monde. Dix euros pour un excellent verre.
Décibels
L’esthétique prime sur la fonctionnalité: sans rideaux ni matériaux absorbant, cela s’avère bruyant en soirée, avec des pics jusqu’à 86 dB et une moyenne à 69,9 dB.
On y retourne?
Derrière ce projet se cachent un chef passionné et une équipe talentueuse. Malgré quelques couacs au démarrage, j’y retournerai avec plaisir.