© Jehanne Hupin

Du restaurant Bon Bon à Menssa, le chef Christophe Hardiquest se réinvente

Menssa, le nouveau restaurant de Christophe Hardiquest, ouvrira ses portes en février à Woluwe-Saint-Pierre, à l’endroit où se trouvait Bon Bon. Le chef travaillera des produits que les autres délaissent.

Deux étoiles au Michelin et 19,5/20 au Gault&Millau: Bon Bon, le restaurant de Christophe Hardiquest (47 ans), a fermé au milieu de l’année dernière, après vingt ans de (très) bons et loyaux services. Le chef a tourné la page et lancera un nouveau concept le 7 février, sous le nom de Menssa. Première différence: les 44 couverts de Bon Bon seront réduits de moitié. “Ce sera un comptoir gastronomique où l’on mange au comptoir, face aux chefs, comme on le voit souvent au Japon”, révèle Hardiquest. “Il n’y aura pas de service en salle, sauf à une table privée de quatre à six couverts, pour limiter le personnel de salle. Je passe d’une équipe de 24 à 8 personnes: je voulais simplifier et me rapprocher de la clientèle.”

© Jehanne Hupin
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Herbes sauvages

Revenir à l’essentiel, ce n’est pas une idée neuve. Le nouveau nom, Menssa, fait référence à “mensa”, qui signifie “table” en latin. En réalité, il s’agit d’une sorte d’abréviation de “Maison d’Exception de l’Essence de Saveur”, et Hardiquest en donnera sa propre interprétation.

Le concept est pour le moins original. “Nous travaillerons des produits qui sont souvent oubliés par les chefs. Nous préparerons des rognons d’agneau et de lapin, de la langue de porc ibérique et des sprats. Et beaucoup d’herbes sauvages de la forêt de Soignes. Mon objectif est de faire découvrir d’autres choses. Qu’avez-vous vécu si vous n’avez mangé que du filet de bœuf? Et que faites-vous des autres morceaux? Je ne vais pas bannir les produits de luxe de ma cuisine, mais il y aura toujours un produit pauvre dans l’assiette: j’aime ce contraste. Bien sûr, la qualité restera exceptionnelle. Nous devons réfléchir, faire beaucoup de tests et prendre des risques”, explique Hardiquest.

“Nous cuisinerons au feu de bois et beaucoup de choses seront crues, comme un sushi de moelle.”
Christophe Hardiquest
Chef

“Il faut des connaissances spécifiques pour préparer une queue de porc, par exemple: moi, je vais la combiner avec des giroles et des crevettes. Je suis aussi en train d’élaborer une recette de foie gras belge sur un tartare de crevettes, d’huîtres et de caviar. Je combine trois saveurs, comme pour un sandre cuit au vin rouge avec de la moelle ou des croustillons de pommes de terre farcis au crabe de la mer du Nord et à l’oursin.”

“Je vais aussi réduire la consommation d’énergie: nous cuisinerons au feu de bois et beaucoup de choses seront crues, comme un sushi de moelle. Et je vais pratiquer des techniques que je ramène de mes voyages, mais avec des produits locaux. Par exemple, un ceviche de moules de Zélande. Un ami de Hong Kong m’a donné sa recette de sauce XO, que je vais adapter à ce que l’on trouve ici pour en faire une sauce XO belge. Je la servirai avec de la blette pour accompagner un carpaccio de Saint-Jacques.”

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Menssa sera un comptoir gastronomique où l’on mange face aux chefs, assis sur l’une des chaises hautes créées en collaboration avec la marque belge Marie’s Corner.
Menssa sera un comptoir gastronomique où l’on mange face aux chefs, assis sur l’une des chaises hautes créées en collaboration avec la marque belge Marie’s Corner.
© Courtesy of Marie's Corner

Coquilles Saint-Jacques

Vise-t-il le niveau de Bon Bon? “Je ne peux pas encore répondre à cette question. La qualité sera pointue, mais il y aura aussi un côté simple. Je veux avant tout que la cuisine soit surprenante et transparente. Au bar, nous présenterons les produits derrière une vitre. Nous ouvrirons les coquilles Saint-Jacques, nettoierons les crabes et préparerons les sauces sous les yeux des clients. Ainsi, nous pourrons aussi leur apprendre quelque chose sur les produits.”

Christophe Hardiquest promet également une expérience œnologique passionnante. La carte sera entre les mains de l’ancien importateur de vins de Suisse et de Grèce Philippe Alexandrou, qui sera sommelier. À l’exception d’un midi par semaine, le restaurant ne sera ouvert que le soir. “Mes collaborateurs restent chez moi cinq ans en moyenne”, affirme-t-il. “J’aimerais que ça continue comme ça.”

“C’est une nouvelle voie, un nouveau style culinaire que j’ai envie d’exploiter pour le reste de ma carrière.”
Christophe Hardiquest
Chef

Après la fermeture définitive du restaurant Bon Bon, Hardiquest a officié en tant que chef “pas seulement consultant”, ­souligne-t-il pour l’emblématique restaurant étoilé La Mère Germaine à Châteauneuf-du-Pape, dans le sud de la France, ainsi que pour la brasserie de l’hôtel Chetzeron à Crans-Montana, en Suisse. Il a fait savoir que d’ici cinq ans, il voulait avoir quatre établissements dans quatre pays, entre lesquels il naviguerait tel un chef nomade. “Nous en sommes à trois!”, s’exclame-t-il en riant.

À l’instinct

“Menssa sera le restaurant où tout commencera. À l’étage, nous installerons un laboratoire où nous développerons des recettes. Je serai à l’étranger environ une semaine par mois. J’aime beaucoup mes racines belges, mais voyager m’enrichit. En plus, en France et en Suisse, je découvre une foule de producteurs extraordinaires.”

Pour réduire la consommation d’énergie, Hardiquest cuisinera au feu de bois et de nombreux produits arriveront crus dans l’assiette, comme les sushis à base de moelle.
Pour réduire la consommation d’énergie, Hardiquest cuisinera au feu de bois et de nombreux produits arriveront crus dans l’assiette, comme les sushis à base de moelle.
© Richard Haughton

Pour Bon Bon, le chef dirigeait le restaurant avec son épouse Stéphanie. Cette fois, il se lance seul. “Nous venons de divorcer, j’ai traversé une crise identitaire. Je me suis dit qu’il était temps d’essayer d’autres choses et de m’amuser. C’est une nouvelle voie, un nouveau style culinaire que j’ai envie d’exploiter pour le reste de ma carrière. Pour ma vie personnelle aussi, cette période fait l’impression d’un reset. Ça fait du bien. Tout le monde en a besoin à un moment ou à un autre”, éclaircit le chef. Avant d’ajouter: “J’ai tout financé moi-même et je suis chef propriétaire, ça devient rare.”

Entend-il se hisser à nouveau au sommet des guides gastronomiques? “La balle est dans leur camp. Maintenant, j’ai zéro étoile et zéro cote. Je n’ai rien contre, mais je vais dorénavant cuisiner librement et à l’instinct. Ma priorité est de partager mon amour du bien manger.”

Le restaurant Menssa ouvrira ses portes le 7 février 2023.

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