Jan Scheidtweiler s’attable au Belga Queen rénové, un restaurant emblématique du centre de Bruxelles.
Le Belga Queen a rouvert ses portes. Enfin. Ce restaurant du centre de Bruxelles, célèbre pour sa coupole en verre, son banc d’écailler et ses portes de toilettes transparentes, est resté fermé pendant près de trois ans après avoir fait faillite en 2021. À son apogée, la luxueuse brasserie qu’Antoine Pinto, son propriétaire, affichait complet plutôt deux fois qu’une. Cependant, le piétonnier, les attentats et la pandémie lui ont été fatals.
Depuis la fin du mois de septembre, Nemo Luyckx et Lilit redonnent vie à cette adresse emblématique. La nouvelle déco est plus minimaliste que le style flamboyant précédent. Le bâtiment du VIIIe siècle, ancien siège de la banque Crédit du Nord Belge, a été rénové. Le banc d’écailler est resplendissant; la coupole, soigneusement restaurée comme les bas-reliefs des blasons des provinces belges qui ornent le plafond. Même les portes transparentes des toilettes sont toujours là -heureusement, elles ne le sont pas lorsqu’elles sont verrouillées.
Aux petits soins
En franchissant l’entrée, après le bar à cocktails et la réception, on est frappé par l’allure magnifique du style Belle-Époque. Deux rangées de colonnes majestueuses s’alignent jusqu’au fond de la salle. De part et d’autre, des tables soigneusement dressées, entourées de fauteuils et de banquettes appuyées contre le mur peuvent aisément accueillir 150 personnes, mais en ce calme lundi soir, cet espace est à peine rempli. Nous bénéficions donc de l’attention de quatre garçons enthousiastes portant un impeccable costume.
Le duo d’entrepreneurs Luyckx et Miskaryan dispose de sérieux atouts pour assurer le succès de la reprise du Belga Queen. Le couple possède une belle expérience dans la gestion de restaurants à grande capacité: ils dirigent un ensemble de 12 établissements en Flandre, dont De Compagnie à Ekeren, le Heyhoeveke à Zoersel et The View à Malines.
La splendide coupole vitrée de ce bâtiment historique est à nouveau mise en valeur.
Pour apporter un nouveau souffle à l’enseigne bruxelloise, ses nouveaux propriétaires ont fait appel à Wouter Van der Vieren. Le chef étoilé (il a décroché une première étoile chez Clandestino à Haasdonk, puis à Tamise) a exercé comme consultant au cours de ces dernières années – il avait notamment supervisé l’ouverture de la brasserie Brabohoeve à Schilde.
Pour le Belga Queen, le chef a aussi élaboré une carte de brasserie. Avec 10 entrées et 13 plats principaux, elle est particulièrement généreuse. Les prix sont à la hauteur de cette ambition: la côte de bœuf avec des frites coûte 46 euros et la sélection d’huîtres, de fruits de mer et de caviar illustre clairement la volonté de se positionner dans le segment du luxe. À noter également, la grande attention accordée par Van der Vieren aux produits et préparations belges: escargots de Namur et beurre aux herbes (22 euros), moules à la Gueuze (23 euros), waterzooi "mer du Nord" (36 euros) et, spécialité du chef, les croquettes de crevettes (26 euros). Les végétariens sont aussi chouchoutés par le chef: le steak de céleri-rave (28 euros) est fait pour eux.
Bien assaisonné
Bien qu’on remarque à l’un ou l’autre détail que le Belga Queen vient à peine de rouvrir (il n’y a pas encore de photos sur le site et le service est en rodage), les plats arrivent rapidement et sont judicieusement assaisonnés. Le tartare de betteraves rouges, fromage de chèvre et salade (22 euros) n’a peut-être pas grand-chose d’original à l’ère des créations végétariennes sophistiquées, mais les dés de betterave sont parfaitement croquants et savamment épicés.
Le tartare de bœuf n’est pas en reste: la viande de Rouge de Flandres est tranchée plutôt que hachée, et l’assaisonnement est maîtrisé: un classique plus qu’honorable. Les frites sont délicieuses, ce qui est un avantage quand elles accompagnent 8 des 13 plats principaux (Belga Queen oblige).
Qui se souvient de la préparation "à la berdouille"? Cette sauce, originaire de la région de Mons, est traditionnellement servie avec du porc. Elle se compose d’échalotes, de cornichons, de vin blanc, de vinaigre et de moutarde, mais le chef Van der Vieren en propose ici une variante à la tomate. Cette sauce fraîche et acidulée accompagne à merveille un généreux morceau d’échine de porc Duroc (32 euros). Pour apporter une touche plus élégante, le plat est servi avec du cresson et des rondelles d’oignon (trop légèrement) frits.
Au dessert, un cheese-cake (14 euros) revisité avec une crème au spéculoos et un mont Blanc (purée de marrons en vermicelle) est décevant. Trop lourd, il accumule les saveurs sucrées sans apporter de contraste. L’ancien chef étoilé n’aurait-il pas pu y ajouter quelques notes plus fraîches?
Dans l’ensemble, le nouveau Belga Queen est plutôt réussi. Enfin une brasserie de qualité au cœur de Bruxelles: une parenthèse gourmande au milieu de tous les établissements "fast casual" qui ont envahi le centre-ville.
Cette enseigne a fait l’objet d’une visite anonyme, financée par Sabato.
Belga Queen
Rue du Fossé aux Loups
1000 Bruxelles
Tél. 02/455.55.55
www.belgaqueenbrussels.be
Ouvert 7/7
Décibels
Une moyenne de 62 dB.
Addition
100 euros par personne (56 euros les plats, 44 euros les boissons).
Sommelier
La carte (12 pages) propose des classiques rouges et blancs, des vins belges et des bouteilles prestigieuses. Dix vins au verre: le verre de malbec d’Argentine, 18 euros.
On y retourne?
Le cadre est unique, la cuisine plus que correcte: je reviendrai bien volontiers.