Les deux restaurants du nouvel hôtel Corinthia Grand Hotel Astoria Brussels allient grands noms et cadre spectaculaire. Pourtant, chacun à sa manière, ils ratent parfois leur cible.
Un grand hôtel rutilant de la Belle Époque, associé à deux piliers de la gastronomie belge: cette combinaison exceptionnelle semble être une candidature sérieuse pour le titre de l'ouverture de restaurant la plus spectaculaire de l'année 2024. En réalité, il s'agit de deux ouvertures distinctes: le 9 décembre, le Corinthia Grand Hotel Astoria Brussels a accueilli les premiers plats de brasserie du Petit Bon Bon de Christophe Hardiquest. Le lendemain, les portes vitrées du Palais Royal, un nouveau temple gastronomique signé David Martin, se sont ouvertes.
Le cadre est en tout cas impressionnant. L'ancien Hôtel Astoria, datant de 1910, a magnifiquement survécu à une grande rénovation. Dès le hall d'entrée, la grandeur est omniprésente: colonnes imposantes, ornements somptueux, et une verrière décorée de motifs raffinés.
Une ambiance opulente
Même le décor opulent du Palais Royal conserve cette monumentalité d'avant-guerre, avec ses hauts plafonds, ses moulures élégantes et ses cheminées en marbre. On pourrait presque imaginer Winston Churchill y allumer un cigare. Les lampes tamisées et les banquettes en velours vert, autour des tables rondes, s'intègrent parfaitement à cette ambiance chic d'antan.
Mais ce décor poli convient-il vraiment à David Martin, le chef qui a transformé La Paix à Anderlecht, passant d'une bistro populaire spécialisée dans la viande à un restaurant deux étoiles? Dans un hôtel, on s'attend à des plats plus sages que les créations avant-gardistes, d'inspiration japonaise, qu'il sert à Anderlecht.
Trois assiettes au Palais Royal
Lors de la soirée d'ouverture, le chef, vêtu d'une veste blanche et de baskets modernes, oscille entre la salle et la cuisine. Mais il ne cuisine pas lui-même. Pour cela, Martin a engagé un duo de choc: Jean Kaczmarek, ancien sous-chef du restaurant trois étoiles AM à Marseille, et Lucas Mertens, ex-sous-chef junior à La Paix. En salle, l'expérience est aussi au rendez-vous : Tineke Struye, la responsable, a travaillé neuf ans chez Pure C, l'ancien restaurant de Sergio Herman à Cadzand.
Le menu propose trois formules de dégustation (7 plats pour 85 €, 10 plats pour 135 €, 12 plats pour 175 €) ou sept plats à la carte, à des prix élevés. Malgré tout, les trois amuse-bouches – dont des coques sous une sabayon de jus de viande – rassurent quant au niveau élevé de la cuisine, sans être une copie de La Paix. Un plat intermédiaire remarquable illustre la passion de David Martin pour les saveurs puissantes et les associations audacieuses: des huîtres pochées au beurre combinées à du poivre vert. Une idée surprenante, adoucie par du poireau doucement cuit.
Dans une magistrale préparation triple de homard bleu (95 €), cette intensité de saveurs rencontre le classicisme. Une queue de homard parfaitement cuite repose sur des spaghettis de salsifis et une sauce aux têtes de homard, agrémentée d'huile d'estragon, créant un moment mémorable. Une pince de homard dans une sauce riche et une salade élégante au céleri et au fenouil apportent équilibre et élégance.
Cependant, ce concept d'assiettes triples montre ses limites avec d'autres plats. La rascasse rouge (70 €), bien qu'excellente dans sa combinaison avec une huile de merguez, perd en cohérence avec des accompagnements moins pertinents, comme des épinards et champignons dans un bol séparé. Quant au filet de pigeon (90 €), pourtant bien rôti, il est submergé par des saveurs trop fortes de poivre de Sichuan et de piment.
Manger au Palais Royal est tout sauf classique, mais parfois le chef s'égare dans sa recherche de saveurs renversantes.
Une âme absente au Petit Bon Bon
Direction ensuite Le Petit Bon Bon, où Christophe Hardiquest propose une cuisine de brasserie. Ce restaurant est situé dans une partie de l'hôtel donnant sur la rue, où le design contemporain domine, avec cependant quelques touches rétro, comme le parquet, les lambris en bois et les banquettes en cuir. Contrairement à Bon Bon, son ancien restaurant doublement étoilé fermé en 2022, Le Petit Bon Bon mise sur des classiques franco-belges, agrémentés d'une touche d'exotisme, comme un flatbread à l'aïoli aux herbes (14 €), agréable à partager.
Malgré une clientèle d'hommes en costume, le service manque de coordination. Après les premiers plats, il devient difficile de commander, et les erreurs s'accumulent. Heureusement, la cuisine sauve l'expérience avec des plats comme un œuf en meurette (24 €), parfaitement revisité avec un œuf frit et une sauce au vin rouge relevée de lard savoureux.
Une raviole de fruits de mer dans une sauce bisque (29 €) et un vol-au-vent classique mais savoureux (26 €) confirment ce niveau. En revanche, le steak au poivre (34 €) déçoit par la qualité moyenne de sa viande. Quant aux frites lamentables, pleines de morceaux secs et bruns, elles sont à pleurer.
En somme, il reste du travail pour Christophe Hardiquest. Cette brasserie propose des plats globalement corrects, mais manque de chaleur, d'âme et, surtout, de bonnes frites.
Corinthia Grand Hotel Astoria Brussels
Rue Royale 103, 1000 Bruxelles
Palais Royal
| Téléphone | 02 593 10 01
| Site web | palaisroyal.brussels
| Horaires | Du mardi au samedi
Le Petit Bon Bon
| Téléphone | 02 593 10 02
| Site web | lepetitbonbon.brussels
| Horaires | Du jeudi au lundi
Décibels
Peu de mesures acoustiques au Palais Royal, mais les tables sont suffisamment espacées pour maintenir un certain calme: en moyenne 55 dB.
Avec sa cuisine ouverte et une fréquentation plus dense, Le Petit Bon Bon atteint une moyenne de 64 dB.
Prix
- Palais Royal : 348 euros par personne (210 euros pour les plats, 138 euros pour les boissons).
- Le Petit Bon Bon : 97 euros par personne (68 euros pour les plats, 29 euros pour les boissons).
Vins
La carte des vins imposante du Palais Royal, composée de 22 pages manuscrites, n'est pas encore complète. Elle accorde une grande attention aux prestigieux domaines de Bourgogne et de Bordeaux, avec des prix correspondants : un Château Margaux de 2009 coûte 2 716 euros. Une petite mais excellente sélection de vins hors France est également disponible, comme le riesling d’Emrich-Schönleber, provenant de la région viticole de Nahe, en Allemagne.
Au Petit Bon Bon, il n’y avait pas encore de carte des vins, et sur les sept vins proposés au verre, trois étaient indisponibles. Le vin le moins cher, un muscadet, coûte 10 euros, un prix excessif pour ce qui est servi.
Est-ce que j’y retourne ?
La cuisine coûteuse et audacieuse aux saveurs puissantes du Palais Royal manque encore de maîtrise par moments. Je n’y retournerai pas. Quant au Petit Bon Bon, on y mange correctement, mais cela manque de caractère et de chaleur. Là non plus, je ne reviendrai pas.