On entre dans le vif du sujet. Voici cinquante-huit chefs-d’œuvre: de la pureté primitive du turbot au sac de jute au classique revisité qu’est le lièvre à la royale. Des plats signatures qui font déjà partie de l’histoire de la gastronomie.
Dans le Sabato 100 Food, nous vous proposons 100 restaurants et autant de plats qui restent sur les papilles longtemps après avoir été consommés. Ce sont des plats signatures, des plats très personnels qui permettent aux chefs de nous immerger dans leur univers, leurs souvenirs d’enfance ou même leur critique sociale. Ce sont ces spécialités que les connaisseurs choisissent aussitôt attablés. Quoi qu’on en pense, voici un guide agréable à lire et relaxant, car il élimine le stress lié au choix.
Giuseppe Caruso est né en 1949, à Lercara Friddi, petite ville du centre de la Sicile. Il passe là ses premières années d’enfance, avant de retrouver, avec sa sœur et sa mère, son père parti travailler en Belgique, en région liégeoise.
Étudier n’est pas son fort. Quand un ami de ses parents lui propose de travailler comme commis au Dottore, un des premiers restaurants italiens de la Cité ardente, Giuseppe ne refuse pas l’opportunité de gagner son indépendance. Joseph, comme il tient désormais à être appelé, a quatorze ans. Il y deviendra tour à tour, et selon les besoins, garçon, maître de salle ou cuisinier. Le jeune Italien se marie en 1970 avec Josée Lomonte, née à Liège, mais dont les parents sont également originaires de Lercara.
Classiques italiens
Trois ans plus tard, le couple ouvre son affaire: la friterie Caruso, dans le quartier nord de la ville. Au menu: des pizzas, des frites et des poulets rôtis. Il crée une activité de traiteur italien -le premier à Liège- et reprend dix ans plus tard une taverne populaire de Droixhe. Joseph, Josée et leurs trois enfants s’installent à l’étage du nouvel endroit et ouvrent le Caruso.
C’est un café, mais il y a une salle, à l’arrière, avec une dizaine de tables où l’on peut servir à manger. Joseph prend le bar en mains; Josée s’occupe de la cuisine. Le Caruso propose les classiques de la cuisine italienne, mâtinés d’accents belges. "Je savais à peine cuisiner quand j’ai commencé", se souvient celle-ci. "Mon beau-père et ma maman m’aidaient. On faisait tout nous-mêmes: les pâtes, la sauce, tout... C’était très familial. Notre première spécialité a été les tagliatelles crème, tomates, jambon et champignons. En Sicile, et même en Italie, ce plat n’existe pas: il n’y a pas de crème en Sicile. Mais les Belges, eux, adoraient ce plat. On a commencé avec une cuisine italienne qui leur plaisait."
"Notre osso buco à la sicilienne est célèbre à Liège - cela fait quarante ans qu’il est à la carte."
"C’était l’escalope de veau à la milanaise, servie avec des frites, la pâte du jour ou des grillades, avec pâtes ou frites", poursuit Joseph. "Les Italiens n’allaient guère au restaurant à l’époque. Ils n’avaient pas d’argent pour ça. Et puis les Italiens pensent qu’ils mangent mieux à la maison qu’au restaurant. Nos clients étaient Belges. Si un client voulait des frites à la place des pâtes, on n’aurait jamais eu l’idée de le lui refuser. Servir les pâtes seules dans l’assiette comme en Italie, en primo piatto, le Belge ne comprendrait pas. Le Belge aime bien avoir à manger dans l’assiette. On a alors proposé l’osso buco. Je pense qu’on a été le premier restaurant de Liège à en proposer. L’osso buco avec la pasta. Ce plat a fait notre réputation dans la ville. Il est toujours à la carte! Et c’est pareil pour les tagliatelles maison dont Josée parle."
L’osso buco est une recette du nord de l’Italie. "On s’est renseigné sur la recette, puis on a fait un osso buco à la sicilienne. Jarret de veau, carottes, oignons, avec notre touche: l’orange et le citron. La recette n’a pas changé en quarante ans." Une autre spécialité de la maison Caruso, souligne Josée, c’était la "repasse": Joseph propose toujours une repasse avec un morceau d’os à moelle et de la sauce. Personne n’est jamais sorti du Caruso en se plaignant d’avoir faim.
Passata maison
La cuisine du restaurant était différente de ce que les Caruso mangeaient chez eux, à la maison. "Je montais parfois à vélo à Vottem chez ma nonna Giuseppina", se souvient Gianni, le fils aîné. "Elle préparait la pasta. C’était soit des pâtes blanches, la pasta bianca, soit des pâtes rouges, à la sauce tomate... Sur la pasta bianca, des pâtes au beurre, elle posait juste la cuillère de ricotta, de l’huile d’olive et du poivre. Les pâtes rouges, c’était avec sa passata. La famille faisait venir un camion de Sicile rempli de tomates pour préparer la passata de l’année. Tu mangeais la pasta avec la passata. La nonna ajoutait juste un filet d’huile d’olive, du poivre et du pecorino. C’est seulement avec ma génération, à partir des années 1990, que l’on a commencé à voir ces plats dans les restaurants italiens de Belgique."
En 1983 et en 2008, des travaux ont été faits pour moderniser le restaurant, mais l’ambiance n’a pas changé. Devenue une référence à Liège, la maison est, depuis 2017, aux mains du plus jeune fils, Bruno, et de son épouse Cynthia, également d’origine italienne. Le couple fait évoluer la cuisine et choisit les produits directement importés d’Italie. Les sauces se sont allégées. La carte des vins s’est enrichie, mais l’esprit de la maison est toujours aussi convivial et gourmand.
Les intitulés des plats n’ont pas changé. On reste sur cette cuisine de la première génération d’immigrés cherchant à faire plaisir, associant la cassolette de scampi à la crème, les penne alla salsiccia fresca ou le filet pur de bœuf flambé crème poivre vert, servi avec pâtes au beurre ou frites, au choix.
Caruso
Rue Ernest Marneffe 29, Liège
www.restaurantcaruso.be
04 342 92 92
Ouvert du mercredi au samedi