Ouverture du restaurant Barracuda à Bruxelles: les secrets du succès de Big Mamma

À Flagey (Ixelles), le Barracuda, premier restaurant belge du groupe Big Mamma, ouvre enfin ses portes. Qu’est-ce qui le rend si singulier? Rencontre avec Apolline Lugger, head designer.

Impossible d’ignorer le nouveau restaurant Barracuda quand on passe place Flagey. Rideaux de velours, lampes vintage, enseigne XL au-dessus de la porte et puma en porcelaine: tout attire le regard. À l’intérieur, dans ce qui fut la Maison de la Radio, le personnel de salle se laisse porter par les sons de George Michael, tandis qu’en cuisine, on teste de nouveaux appareils.

Apolline Lugger se consacre quant à elle à l’éclairage. Celle qui est head designer auprès de Studio Kiki, la division design du groupe français Big Mamma, annonce: "Nous mettons un point d’honneur à créer la bonne atmosphère et, là, l’éclairage joue un rôle essentiel. Nous travaillons trois ambiances: lunch, apéritif et soirée — chacune requiert un éclairage spécifique et je suis venue vérifier tout cela."

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Head designer chez Studio Kiki, Apolline Lugger chapeaute tout le volet décoration des établissement du groupe Big Mamma.
Head designer chez Studio Kiki, Apolline Lugger chapeaute tout le volet décoration des établissement du groupe Big Mamma.
©Jean-Baptiste Strub
"La lumière, c’est très important. Nous travaillons toujours à partir de trois ambiances: pour le lunch, l’apéritif et le dîner."
Apolline Lugger
Head designer

Elle est arrivée ce matin même de Londres, où elle s’est installée il y a cinq ans, quittant Paris pour prendre la direction de l’équipe de design. "Avec notre équipe de 15 personnes, nous nous consacrons à l’aménagement et à la décoration des restaurants Big Mamma." Aujourd’hui, il y en a 26 - Paris, Londres, Munich, Milan, Barcelone et Berlin (voir encadré). Tous ont cette touche italienne qui est la marque de fabrique de Big Mamma.

Apolline Lugger n’est autre que l’épouse de Victor Lugger, qui a fondé Big Mamma en 2013 avec Tigrane Seydoux. Ni Lugger ni Seydoux n’ont de racines italiennes et pourtant, tous leurs restaurants sont résolument italiens, que ce soit dans l’assiette ou dans l’atmosphère. "Quand on pense bonne cuisine, on pense Italie. Pour la décoration, c’est pareil: l’Italie est notre source d’inspiration", avoue Lugger. "Comme le dit souvent Tigrane, il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers. Le jour où nous penserons que nous faisons tout bien, ce sera le début de notre déclin."

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Edmondo à Hamburg. Big mamma regroupe 26 restaurants et tous dégagent cette ambiance italienne toute en exubérance.
Edmondo à Hamburg. Big mamma regroupe 26 restaurants et tous dégagent cette ambiance italienne toute en exubérance.
©Jérôme Galland

Carte postale italienne

Bien que toutes les enseignes partagent cette même inspiration italienne, on ne peut accuser Big Mamma de reproduire à l’identique une formule à succès. Chaque restaurant a son ambiance, ses accents, ses couleurs et son design. "Nous partons toujours d’une page blanche", explique Lugger. "Pour Bruxelles, nous nous sommes inspirés de l’architecture du bâtiment. Ici, dans la Maison de la Radio, nous avons ressenti une vibe Art déco que nous avons transposée dans l’agencement intérieur. Pour le moodboard, nous nous sommes inspirés d’une terrasse blanche et verte que nous avions vue en Italie, comme une carte postale italienne. Une fois ce moodboard finalisé, nous avons envoyé l’équipe de Studio Kiki sur le terrain pour trouver les matériaux et objets adéquats."

Les camionnettes prennent alors la route afin de dénicher, dès l’aube, quelques pièces uniques sur les brocantes. "Les sculptures de femmes dorées tenant une lampe à la main sont parfaites pour le Barracuda", pointe Lugger. "Ces éléments créent une atmosphère chaleureuse et accueillante. Toutes les lampes sont différentes, comme les buffets et les vases, et c’est précisément cela qui donne ce caractère authentique."

"La limite entre mauvais goût et sexy est ténue."
Apolline Lugger
Head designer
L’intérieur du barracuda tire son inspiration d’une terrasse dans les tons de blanc et de vert vue en Italie.
L’intérieur du barracuda tire son inspiration d’une terrasse dans les tons de blanc et de vert vue en Italie.
©Jérôme Galland
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Studio Kiki est une entreprise internationale composée de talents venus de France, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, du Liban, du Portugal et d’Italie, chacun apportant sa vision de la déco d’intérieur. "Ce que l’un considère comme kitsch peut être un trésor pour l’autre", précise Lugger. "Cette interaction est positive. Certains membres de l’équipe ont travaillé dans l’industrie du cinéma, où ils créaient des décors."

L’agence tous risques

Le nom de Barracuda évoque un poisson dangereux, alors qu’il fait surtout référence à B.A. Baracus de la série des années 80, ‘The A-Team’, L’Agence tous risques en français. Un clin d’œil subtil à ce personnage musclé se trouve dans les toilettes, à côté d’un portrait du manager de Barracuda, qui occupe également une place d’honneur dans le couloir. "L’humour est le fil conducteur de nos créations. Nous ne nous prenons pas trop au sérieux: nous mettons un collier de perles autour du cou d’une statue; nous encadrons des foulards comme des œuvres d’art; nous explorons les limites de ce qui est perçu comme beau. Le carrelage noir et doré du hall d’entrée et des toilettes? Il est tellement laid qu’il devient beau."

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Pink Mamma à Paris (Pigalle). Le projet est finalisé par des "layers of love", des petits éléments qui apportent la touche finale.
Pink Mamma à Paris (Pigalle). Le projet est finalisé par des "layers of love", des petits éléments qui apportent la touche finale.
©Jérôme Galland

Choisirait-elle le même chez elle? "Jamais de la vie! C’est cela qui, justement, fait la valeur ajoutée de nos établissements. Pendant deux heures, on est plongé dans un univers totalement différent. Aujourd’hui, tout le monde parle d’expériences et c’est ce que le groupe Big Mamma fait depuis plus de dix ans."

Coins Instagram

Une visite aux toilettes suffit à illustrer ce que Lugger entend par "expérience". Le carrelage, à la fois particulier et magnifique, mène à des espaces ornés de textes en néons et de miroirs. Une fois installée sur le trône (excusez la tournure personnelle que prend soudain ce reportage), je réalise que les citations lumineuses sont conçues pour ceux qui souhaitent prendre un selfie sur ou près des toilettes. "Nous y réfléchissons dès la conception", explique Lugger. "J’ai quarante ans et donc, je n’ai pas grandi avec Instagram, ce qui n’empêche pas d’être consciente de son influence. C’est pourquoi nous créons au moins cinq coins Instagram originaux dans chaque restaurant. En réalité, il s’agit de créer des souvenirs. Il n’est même pas nécessaire de penser à Instagram: si quelqu’un repart d’ici en se souvenant de cinq éléments amusants ou intéressants, nous sommes comblés."

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Carlotta à Londres Marylebone. Le ton décallé et l’humour n’entâchent en rien l’expérience, bien au contraire.
Carlotta à Londres Marylebone. Le ton décallé et l’humour n’entâchent en rien l’expérience, bien au contraire.
©Jérôme Galland

Dans des villes comme Londres et Paris, il faut s’estimer heureux si l’on parvient à obtenir une table dans l’un des Big Mamma. Croyez-en l’expérience de quelqu’un qui a eu la chance de dîner dans cinq d’entre eux: décrocher une réservation demande un engagement total et une concentration de tous les instants. "Nous ne savons pas si cela sera aussi le cas à Bruxelles", sourit Lugger, qui précise que plusieurs raisons ont motivé le choix de la capitale belge pour y ouvrir leur 26ᵉ établissement. "Nous avons eu l’occasion de nous installer dans ce superbe bâtiment et comme notre restaurant de Lille fonctionne très bien, cela nous a confortés dans l’idée que Bruxelles pourrait également faire l’affaire. De plus, il y a ici beaucoup d’expatriés qui connaissent peut-être nos autres établissements européens." Son époux explore-t-il des pistes hors d’Europe pour d’éventuelles nouvelles implantations? "Nous n’avons pas encore de projets concrets, mais nous restons attentifs aux possibilités extra européennes", révèle Apolline Lugger.

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©Joann Pai

Layers of Love

Outre les coins Instagram, l’éclairage et les éléments vintage et quelque peu kitsch, deux autres aspects sont essentiels dans la décoration des restaurants Big Mamma. "L’agencement représente un défi pour chacun d’entre eux. En tant qu’équipe de design, nous voulons éviter qu’il y ait ce que l’on pourrait appeler une 'mauvaise table': où qu’il s’installe, le client doit passer une soirée inoubliable et ce n’est pas du tout évident à réaliser. Nous achevons chaque projet avec nos 'layers of love' qui sont les touches finales, des petits objets d’art ou de décoration qui parachèvent l’ensemble: une statuette ici, un cadre là, une plante ailleurs... L’astuce consiste à savoir dire, au bon moment: maintenant, c’est suffisant."

Cela dit, la notion de "suffisant" est toute relative chez Big Mamma. Disons qu’ils ajoutent juste ce qu’il faut de ces couches d’amour, voire un peu plus, mais c’est précisément ce qui fait leur charme et leur caractère unique. Tout au long de la soirée, on ne cesse de découvrir de nouveaux détails: un foulard Gucci encadré; un portrait de deux hommes transgenre; des carreaux qui semblent remplis de champagne... "Nous prenons toujours en compte les sensibilités et les coutumes religieuses de chaque lieu. À Londres, par exemple, nous avons installé une statue de la Vierge avec des gants de boxe, ce que nous ne pourrions pas faire partout!" (rires)

©Joann Pai

On en oublierait presque que si l’on vient chez Barracuda, c’est pour manger. Dans sa cuisine, le chef Francesco Fronda prépare des classiques italiens tels que vitello tonnato, pizza napolitaine et tiramisù. "Nos chefs ne voient pas d’inconvénient à ce qu’on parle autant du décor", certifie Lugger. "Ils considèrent que c’est un honneur de travailler pour le groupe Big Mamma. La cuisine italienne typique reste la base, et elle doit être impeccable. Mais est-ce que le décor compte autant? J’oserais dire que oui."

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