Un ancien garage Renault transformé en un nouveau hotspot culinaire à Paris

Autrefois oublié et densément construit, aujourd'hui hotspot architectural et culinaire: bienvenue à Beaupassage, nouvelle 'place to be' de la Rive Gauche à Paris grâce aux chefs français Yannick Alléno, Thierry Marx et Anne-Sophie Pic entre autres. "Ce quartier symbolise l'art de vivre."

Jusque récemment, même les gens du quartier ne savaient pas ce qui se cachait derrière les façades typiquement parisiennes du septième arrondissement. La Rive Gauche, c'est le chic à la française: les plus beaux magasins de design sur le boulevard Saint-Germain, des galeries et musées, le Flore et l'université à deux pas. Autrement dit, pas de place pour un nouveau quartier, aurait-on pu penser.

C'est pourquoi les passants découvrent avec stupéfaction le nouveau passage qui relie le boulevard Raspail, la rue de Grenelle et la rue du Bac. Au beau milieu des façades haussmanniennes s'étend Beaupassage, un projet urbain réalisé sur un site d'environ quatre mille mètres carrés, où les nouveaux bistrots de chefs étoilés français rivalisent pour capter votre attention. Et vos papilles.

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©AnneEmmanuelleThion

Si ces ruelles existent depuis toujours, ces passages étaient inaccessibles au public depuis plus de 300 ans. Les ogives des fenêtres à l'entrée, rue de Grenelle, en révèlent la raison: le site, aujourd'hui entièrement construit, faisait partie du couvent des Récollets en 1698, séparé du monde par un mur. Après l'abolition de cet ordre suite à la Révolution française, le couvent fut vendu. Certains bâtiments servirent encore d'hôpital et d'immeuble résidentiel avant d'abriter le musée Maillol, dont l'impressionnante façade et la fontaine rappellent le couvent. Quant au jardin, devenu définitivement inaccessible, il fut divisé, construit et oublié.

Le monde de l'art peut être très fermé: ici, nous jouons la carte de l'ouverture.

L'ascétisme des religieuses fait aujourd'hui place à l'hédoniste de Beaupassage. Pour le promoteur Emerige, le projet, qui comprend également 69 habitations privées, doit être un symbole de l'art de vivre. Mission accomplie: on a l'embarras du choix parmi les bistrots et les comptoirs des chefs étoilés installés dans ses ruelles: street food du chef doublement étoilé Olivier Bellin chez Mersea ou pain du chef doublement étoilé Thierry Marx ou comptoirs de la chef triplement étoilée Anne-Sophie Pic...?

Ce terrain de jeux culinaire ne devait surtout pas être trop guindé: la plupart des restaurants sont des projets annexes avec une ambiance plus décontractée et des prix plus doux. "C'est le moyen idéal de toucher un nouveau public", précise Laurence Bonnel. Quand son époux, le chef deux fois triplement étoilé Yannick Alléno, se joint au projet (le bistrot-bar à vin L'Allénothèque, c'est lui), elle lui emboîte le pas. L'art fait aussi partie du bien-vivre et elle est galeriste: elle a installé sa galerie 'Scène Ouverte' au premier étage. "Le monde de l'art peut être très fermé. Ici, nous jouons la carte de l'ouverture."

À l'épreuve du temps

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L'architecte Franklin Azzi a modernisé le quartier sans zapper son histoire.
L'architecte Franklin Azzi a modernisé le quartier sans zapper son histoire.
©KAREL BALAS

Les terrasses de Beaupassage sont bordées par les vieux murs du couvent et des bâtiments industriels d'esprit new-yorkais, même s'ils ont abrité un garage Renault plutôt que Ford. Ils sont exceptionnels, déclare l'architecte Franklin Azzi, qui a orchestré la reconversion. "La ville de Paris s'est construite autour de ce quartier, qui est la partie la plus ancienne de la ville. Ici, contrairement à Amsterdam et à Londres, il n'y avait pas d'industrie lourde." De ce fait, les conversions et les lofts sont rares dans le quartier. Dommage, estime-t-il: "En France, l'histoire est sacrée et le patrimoine ancien. Paris fait l'effet d'un musée parce que nous avons trop gardé."

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Cela ne signifie pas pour autant qu'Azzi préfère la démolition pure et simple. Il travaille actuellement au nouvel hôtel Mama Shelter de Dubaï mais, depuis sa création en 2006, son cabinet d'architecture est reconnu pour avoir mené des reconversions majeures comme celle de l'imprimerie Mame (signée de l'iconique architecte Jean Prouvé) et des halles Alstom, deux sites nantais transformés en écoles d'art. "Moderniser sans effacer l'histoire, c'est l'avenir des villes européennes", déclare-t-il. Une philosophie qu'il a traduite à Beaupassage en conservant les "erreurs" d'origine. Par exemple, en travaillant les nouvelles briques de manière à ce qu'elles soient identiques aux anciennes, un travail extrêmement chronophage!, et en perçant des fenêtres qu'il a garnies de ferronnerie anthracite.

Son empreinte sur les sept bâtiments reconvertis est subtile, comme l'est le style des deux nouveaux bâtiments qu'il y a ajoutés. Son intention: "L'architecture trop plastique est déjà dépassée avant même la pose de la dernière pierre. En termes de création, pour résister à l'épreuve du temps, 'less is more'." Ce qui attire moins l'attention, une chose qu'apprécient des clients tels que le groupe de luxe LVMH et les créateurs de mode Christophe Lemaire et Isabel Marant (qui ont fait appel à Azzi pour leurs boutiques).

Enfer et paradis

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©AnneEmmanuelleThion

"Vous entendez? C'est ça le luxe!", s'exclame Ann. Cette directrice financière s'est rendue à la boulangerie bio du chef doublement étoilé Thierry Marx, et s'est installée sur la terrasse pour profiter de sa pause lunch. "Une terrasse hors du trafic assourdissant, et tout cet espace...! C'est du jamais vu à Paris."

Azzi a relégué en sous-sol le trafic dû au chargement-déchargement. "Il fallait que ce soit une oasis, ce qui n'est pas possible avec des voitures. L'art qui y est intégré devait également contribuer à l'impression d'être dans une forêt magique." L'entrée du boulevard Raspail est une forêt de carton de plusieurs mètres de long, une oeuvre d'Eva Jospin, fille de l'ex-premier ministre Lionel Jospin. Depuis la rue de Grenelle, on peut se promener sous les branches colorées des 'Deux chênes' de Fabrice Hyber, mais le top est le jardin paysager de Michel Desvigne, dont les scènes végétales sont le fil conducteur entre les parcelles. "En survolant cette partie de Paris, on a l'impression que le quartier est un grand parc."

Chez Champion Spirit, on met la dernière main à un mur d'escalade. Des appareils de musculation beaux comme des sculptures attendent leur installation finale. Le club de fitness premium d'Abdoulaye Fadiga, ancien champion du monde de boxe thaïlandaise, s'articule sur trois étages avec espaces cardio, salle de yoga et ring de boxe homologué au sous-sol. Bref, l'enfer du sport après le paradis gourmand.

7 fois bon app'

1. L’art de vivre selon les AllEno

Le hot spot de Beaupassage est l’Allénothèque, où Yannick Alléno, chef deux fois triplement étoilé (le ‘Pavillon Ledoyen’ à Paris et le restaurant ‘1947’ de l’hôtel Le Cheval Blanc à Courchevel), accueille ses clients dans un cadre bistronomique intime, où l’on peut manger à la carte ou choisir le lunch (41 euros). La cave à vin - 700 références environ - est le complément idéal au bistrot. À l’étage, la galerie d’art ‘Scène Ouverte', dirigée par Madame Alléno, est consacrée à la céramique et au mobilier d’art. "Nous n’avons qu’un critère, qu’il s’agisse de mets, de vin ou d’art: le beau et le bon."

2.  Thierry Marx multiplie les pains

Enfant, Thierry Marx voulait devenir boulanger, mais il a finalement suivi une formation de pâtissier-chocolatier avant de devenir un des chefs étoilés les plus célèbres de France. Son restaurant gastronomique ‘Sur mesure’, à l’Hôtel Mandarin Oriental à Paris, est depuis de nombreuses années un haut-lieu de la gastronomie. Son enseigne ‘Thierry Marx - La Boulangerie', lui permet de revenir à ses premières amours. Et c’est un succès vu qu’il ouvre la deuxième à Beaupassage. On passe chercher une baguette croustillante ou, plus étonnant, un ‘breadmaki’, un pain de mie cuisiné et roulé à la minute sur un teppanyaki, fourré au saumon et à l’avocat.

3. Le plaisir de picorer par Anne-Sophie Pic

Le ‘Daily Pic’, imaginé par la chef Anne-Sophie Pic (sept étoiles à son actif, sans compter les cinq de son hôtel) est une cuisine fraîcheur à emporter qui fait autant plaisir à voir qu’à déguster. L’idée: on se compose une PicNic Box avec des petites verrines salées et sucrées au choix.

4. Hibernatus 2018 chez polmard

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©AnneEmmanuelleThion

L’éleveur-boucher Polmard propose des pièces de viande magnifiques, toutes issues de bovins élevés dans son propre domaine. Le plus: son département congélation très original, bien que son personnel nuancera “nous ne congelons pas, nous hibernons”. Le processus: une fois que la viande a atteint le degré de maturation optimal, on la place dans un laboratoire à une température de 43 degrés sous zéro sous une ventilation de 4 mètres par seconde. Cette technique d’hibernation de la viande garantit une conservation de la saveur exceptionnelle, même après des mois. Polmard a aussi ouvert un restaurant au premier étage.

5. Petit déjeuner chez Pierre Hermé

Pierre Hermé, sacré meilleur pâtissier de France, est le spécialiste des macarons originaux. Il a choisi d’ouvrir son premier salon de thé à Beaupassage: on s’installe en terrasse ou à l’intérieur pour prendre un petit déjeuner, un brunch, un cocktail ou juste pour déguster un de ses célèbres macarons (18 saveurs au choix).

6. Fish and chips by olivier Bellin

 ‘Mersea’, qui avait déjà une adresse à Montmartre, ouvrira bientôt un nouvel établissement à Beaupassage. Chaudement recommandés: les fish and chips et les Black Burgers signés par le chef doublement étoilé Olivier Bellin, de l’Auberge des Glazicks (Finistère).

7.  L’arabica de kenneth shoji

Quand le Japonais Kenneth Shoji a décidé d’entrer dans le business du café, il a acquis une plantation à Hawaï et a engagé Junichi Yamaguchi, ex-champion du monde du ‘latte art’ et vedette Instagram, pour en être le chef barista. Quatre ans plus tard, son enseigne ‘% Arabica’ aligne plus de 25 bars à café dans neuf pays. Le Maroc, le Qatar, l’Indonésie et la France figurent sur la liste des ‘to open’. La simplicité de la carte comme de l’intérieur est la réponse japonaise à la culture Starbucks: ici pas de ‘Caramel Frappuccino' et autres américâneries; juste du très bon café. Ici, l’enseigne s’est installée dans une petite véranda, qui fera place à un premier “vrai” établissement au mois d’octobre.

Beaupassage: 53-57 rue de Grenelle, 75007 Paris.  www.beaupassage.fr