En 1983, par hasard, Edouard Vermeulen trouve une place de parking devant le 158 Avenue Louise, où depuis des décennies était établie la maison de Couture Paul Natan: la grande aventure pouvait commencer.
En 1983, par hasard, Edouard Vermeulen trouve une place de parking devant le 158 Avenue Louise, où depuis des décennies était établie la maison de Couture Paul Natan: la grande aventure pouvait commencer.
© Stefaan Temmerman

10 moments forts d’Edouard Vermeulen, à la tête de Natan, l’unique maison de couture belge

Quarante ans se sont écoulés depuis que le jeune architecte d’intérieur Edouard Vermeulen est entré en catimini dans le monde de la mode. Aujourd’hui, il est toujours à la tête de la maison de couture Natan. Une success story en dix moments forts.

1 | Saturday Night Fever

1980 | Architecte d’intérieur à Saint-Luc

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“Je dois énormément à mes merveilleux parents. À la fin des années 70 et au début des années 80, il était loin d’être évident pour un jeune gars de pouvoir étudier ce qu’il trouvait intéressant. Je n’étais pas particulièrement bon élève, mais j’étais passionné par les belles choses. Oui, mes parents m’ont toujours soutenu dans tout ce que j’entreprenais.”

“Enfant, le mercredi après-midi, j’aimais aller avec ma mère à Lille, où se trouvaient les belles boutiques. Je crois que j’avais un bon œil pour les tissus, les couleurs et les matières. Très vite, j’ai décidé de devenir décorateur.”

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“En tant qu’habitant d’Ypres, un monde nouveau s’est ouvert à moi lorsque je suis allé étudier à Bruxelles. ‘Saturday Night Fever’ des Bee Gees est le premier album que j’ai acheté et il est devenu la bande-son de mes années d’études. J’ai besoin de l’énergie de la ville: magasins, musées, théâtres, restaurants... J’aime observer les gens: c’est une source d’inspiration. Aujourd’hui, je recherche la tranquillité: ma promenade matinale dans le bois de la Cambre est devenue un rituel.”

En 1983, par hasard, Edouard Vermeulen trouve une place de parking devant le 158 Avenue Louise, où depuis des décennies était établie la maison de Couture Paul Natan: la grande aventure pouvait commencer.
En 1983, par hasard, Edouard Vermeulen trouve une place de parking devant le 158 Avenue Louise, où depuis des décennies était établie la maison de Couture Paul Natan: la grande aventure pouvait commencer.
© Stefaan Temmerman

2 | Place de parking parfaite

1983 | Avenue Louise 158

“C’est par hasard que je me suis retrouvé dans ce bâtiment et que je suis entré dans le monde de la mode. Il y avait une place de parking juste devant la porte. Je suis sorti de ma voiture et j’ai remarqué les plaques dorées à côté de l’entrée. Sur un coup de tête, je suis entré pour demander s’il restait une salle de libre. Mais toute la maison était louée, à l’exception du hall, à quoi j’ai répondu: ‘Parfait, je louerai le hall.’ J’en ai fait mon premier et modeste showroom, où j’exposais quelques petits meubles et objets de ma création. Les murs arboraient un motif de marbre en trompe-l’œil.”

“Je ne me considère pas comme un créateur, mais comme un couturier. (...) Je suis plus centré sur les souhaits de la cliente.”
Edouard Vermeulen
Couturier

“On connaît la suite: à cette même adresse était établie la maison de Couture Paul Natan, qui existait depuis 1930 et avait été reprise par Jacqueline Leonard, une femme âgée: quand elle a arrêté, j’ai pu reprendre tout l’espace du rez-de-chaussée. Et comme des clientes continuaient à venir pour Natan, j’ai décidé de créer quelques vêtements avec l’aide d’une couturière, Christiane.”

“Malheureusement, je n’ai plus ces premières créations Natan. J’avais conçu un tailleur en coton rouge, composé d’un boléro et d’une jupe plissée, tous deux bordés avec un passepoil bleu foncé. Si je ne m’étais pas retrouvé par hasard dans ce bâtiment, je n’aurais peut-être jamais eu l’idée de me lancer dans la mode.”

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3 | Princesse au premier rang

1986 | Premier défilé

“Comme je venais de me lancer dans l’aventure Natan, je n’avais pas encore de clientèle, mais j’ai eu l’occasion d’organiser un défilé de mode lors d’une soirée caritative. Parmi ce public de six cents personnes, se trouvait la princesse Paola, alors marraine de l’association responsable de l’événement. Ce fut le début de mes bonnes relations avec la Maison Royale. La princesse Paola était une vraie femme Armani. J’ai eu l’occasion de l’habiller à plusieurs reprises et nous nous comprenions parfaitement. Elle a un point de vue esthétique très fort.”

“Après ce premier défilé, les premières commandes sont arrivées et une deuxième couturière est venue s’ajouter à l’équipe. Le train s’était mis en marche! Peu après, j’ai arrêté la création d’objets d’intérieur.”

© Natan

4 | Une maison boutique

1992 | Vincent Van Duysen signe sa première boutique de prêt-à-porter

“Quarante ans de Natan, c’est avant tout une histoire de personnes et de rencontres. Je suis toujours impressionné que le grand architecte Vincent Van Duysen ait conçu ma première boutique de prêt-à-porter. Depuis, il a aménagé les espaces les plus prestigieux, de New York à Hong Kong en passant par Paris, mais la boutique Natan de la rue de Namur à Bruxelles fut son premier projet.”

“Nous ne voulions pas une boutique traditionnelle, mais un espace dégageant l’atmosphère d’une maison. À l’époque, c’était inhabituel; aujourd’hui, cela s’avère plus pertinent que jamais. En effet, comme on effectue de plus en plus souvent ses achats en ligne, l’expérience shopping a gagné en importance: nous voulons que l’on vive une véritable expérience, que l’on puisse toucher les tissus et essayer les vêtements en passant un agréable moment de détente.”

“Vincent et moi avons ensuite travaillé ensemble à plusieurs reprises: il a conçu les boutiques Natan ainsi qu’une de mes demeures. Ce que nous avons en commun, c’est le dépouillement et l’intemporel: un minimalisme qui reste chaleureux.”

Pour la première boutique de prêt-à-porter Natan, Edouard Vermeulen s’est adressé à l’architecte Vincent Van Duysen.
Pour la première boutique de prêt-à-porter Natan, Edouard Vermeulen s’est adressé à l’architecte Vincent Van Duysen.
© Zeger Garré

5 | Commande secrète

1999 | La robe de mariée de Mathilde d’Udekem d’Acoz

“C’est sans doute la création la plus célèbre de la maison de couture Natan: la robe de mariée de Mathilde, avec un col montant et une traîne de cinq mètres de long. Une robe de mariée est hors catégorie. De plus, l’ensemble du processus de fabrication en amont fut particulièrement intéressant, car nous travaillions dans le plus grand secret. Jusqu’au jour du mariage, personne ne savait qui avait créé la robe de mariée de celle qui deviendrait notre reine. Depuis, la nouvelle génération est arrivée: Natan a habillé les princesses Elisabeth et Eléonore.”

“Les liens avec des têtes couronnées (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) ont certainement contribué à faire le succès de Natan. Les clientes royales offrent notoriété, charisme et prestige. Sur les réseaux sociaux de Natan, de nombreux likes viennent d’Amérique du Sud: c’est clairement ‘l’effet Reine Máxima’. Nous en sommes ravis, mais, en même temps, je me rends compte que cela peut aussi être une source de préjugés. Ce que nous réalisons en tant que ‘Fournisseur de la Cour’ s’adresse très spécifiquement à certaines personnes et à certaines occasions: le look est un peu plus classique et formel que le reste de nos collections, ce qui rend peut-être Natan relativement inaccessible, alors que notre prêt-à-porter est très ludique, coloré et jeune. C’est l’un des défis que nous devons relever aujourd’hui, afin de montrer à un public plus jeune ce que nous représentons, notre intemporalité et notre modernité.”

La création la plus célèbre de la maison de couture Natan: la robe de mariée de la future reine Mathilde, avec col montant et traîne de cinq mètres de long, en 1999.
La création la plus célèbre de la maison de couture Natan: la robe de mariée de la future reine Mathilde, avec col montant et traîne de cinq mètres de long, en 1999.
© Photonews

6 | Les minutes les plus chères

2013 | Premier défilé de haute couture à Paris

“À l’occasion de notre trentième anniversaire, nous avons organisé un premier défilé haute couture à l’ambassade de Belgique à Paris. Nous étions sur place avec une équipe d’une centaine de personnes: les huit minutes les plus chères de ma carrière! (rires) Natan est la seule maison de couture belge, et il est important pour nous d’être invités par la Chambre syndicale de la Haute Couture, en particulier pour le rayonnement international.”

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En 2013, Natan a présenté pour la première fois un défilé de haute couture à l’ambassade de Belgique à Paris.
En 2013, Natan a présenté pour la première fois un défilé de haute couture à l’ambassade de Belgique à Paris.
© BELGA

“Je pense que la couture doit être mettable et abordable. Une robe couture Natan peut aller de 1.800 euros à dix fois plus, en fonction de l’importance du travail et de la finition. Je n’ai jamais eu l’ambition de créer des robes haute couture complètement exubérantes, qui ne seront portées qu’une seule fois. Pour de nombreuses maisons, la haute couture est une image qui permet de vendre des parfums et des it-bags. Le mois dernier, lors de la semaine de la haute couture à Paris, la robe ‘tête de lion’ de Schiaparelli a fait sensation. Ce pur coup de pub est super pour les réseaux sociaux, mais, en ce qui me concerne, le contact avec mes clientes me procure davantage de satisfaction: j’aime voir les femmes rayonner lorsqu’elles portent du Natan, qu’il s’agisse d’une robe couture lors d’un mariage ou d’un tailleur pantalon au bureau.”

“Ma nièce, Marie-Charlotte, travaille chez nous. C’est une jeune femme passionnée de mode, qui a vécu à Londres pendant de nombreuses années et a travaillé pour le grand magasin de luxe Selfridges et la plateforme de mode Net-A-Porter. Elle porte des pièces Natan de sa grand-mère qu’elle combine de manière nouvelle et fraîche. Il n’y a pas plus beau compliment!”

7 | Par le menu

2016 | “The Dress”, documentaire en collaboration avec le MoMu

“J’ai été très honoré qu’une création de Natan soit reprise dans la collection permanente du Musée de la mode d’Anvers. Cerise sur la gâteau: un magnifique documentaire présentant la fabrication complète de la robe a été réalisé pour l’occasion.”

“La mode belge a toujours – à juste titre – accordé une grande attention au rôle de l’Académie de la mode et des Six d’Anvers. C’est l’avant-garde, mais ce que je fais se situe dans un tout autre univers. Je ne me considère pas comme un créateur, mais comme un couturier, la nuance est importante. J’ai déjà eu des discussions à ce sujet avec Christophe (Coppens, N.D.L.R.), mais je reste sur ma position! (rires) Un créateur est quelqu’un qui apporte l’innovation et invente des tendances, à partir de sa propre vision artistique. Un couturier est plus centré sur les souhaits de sa cliente.”

Edouard Vermeulen devant sa robe pour “The Dress”, en collaboration avec le MoMu.
Edouard Vermeulen devant sa robe pour “The Dress”, en collaboration avec le MoMu.
© Anthony Dehez

8 | Baron

2017 | Noblesse oblige

“C’est un beau couronnement, n’est-ce pas? On estime manifestement que j’ai contribué de manière positive au rayonnement de notre pays et recevoir une telle reconnaissance est très gratifiant. Mais je n’ai encore jamais eu recours à ce titre: imaginez que je me présente comme le Baron Edouard Vermeulen... Jamais de la vie! J’ai un blason avec une aiguille et du fil ainsi qu’un moulin, en référence à mon nom de famille et à la profession de mes parents, qui étaient brasseurs.”

En 2017, Edouard Vermeulen a été élevé au rang de baron, un titre qui récompense sa contribution au rayonnement de la Belgique.
En 2017, Edouard Vermeulen a été élevé au rang de baron, un titre qui récompense sa contribution au rayonnement de la Belgique.
© Stefaan Temmerman

9 | Tremplin vers l’étranger

2022 | Pop-up au Bon Marché

“Un rêve devenu réalité, tout simplement. Il y a beaucoup de superbes grands magasins de luxe à Paris, mais la meilleure carte de visite pour une maison de couture est pour moi Le Bon Marché. Le fait de pouvoir y installer un corner de trente mètres carrés a eu un effet positif sur l’image de Natan à l’étranger: nous sommes depuis peu disponibles dans les grands magasins de luxe Bongénie-Grieder à Genève et Zurich, et cette étape est très importante. Je considère l’expansion internationale comme une priorité, car en Belgique et aux Pays-Bas, nous sommes au maximum de nos possibilités.”

“L’expansion internationale est une priorité, car en Belgique et aux Pays-Bas, nous sommes au maximum de nos possibilités.”
Edouard Vermeulen
Couturier

“Peut-être qu’avec l’aide d’un investisseur, nous aurions pu nous développer plus rapidement à l’international, mais je considère aussi le fait d’être toujours restés indépendants et d’avoir pu garder le contrôle total comme un atout.”

“J’ai toujours été très prudent, et je suis loin de le regretter. Je veille sur cette maison comme sur la prunelle de mes yeux. Tous ceux qui travaillent ici sont comme une famille et il est important que chacun soit fier et heureux de travailler pour nous. Nous évoluons et innovons constamment, mais prendre de gros risques et tout mettre en jeu, ce n’est pas dans ma nature. Je ne peux être heureux que si j’ai l’esprit tranquille.”

En 2022, Natan a installé un corner de trente mètres carrés au Bon Marché, le plus chic des grands magasins parisiens.
En 2022, Natan a installé un corner de trente mètres carrés au Bon Marché, le plus chic des grands magasins parisiens.
© Natan

10 | L’avenir

2023 | Christophe Coppens, directeur artistique ad interim

“Je ne suis pas nostalgique. Je chéris le passé, mais je préfère me tourner vers l’avenir. Durant toute cette année, nous célèbrerons le quarantième anniversaire de Natan en projetant de nouveaux plans pour l’avenir. Pour cette année anniversaire, Christophe Coppens s’est joint à nous en tant que directeur artistique. Sa mission est simple: il doit tout remettre en question. Son rôle est d’être un véritable disrupteur: l’œil de quelqu’un d’extérieur peut s’avérer un atout très rafraîchissant lors d’une année placée sous le signe de la réflexion et de l’innovation.”

“Je sais que, pendant un an, on me demandera pendant combien de temps je compte encore continuer. Et la réponse sera toujours la même: je continuerai à travailler aussi longtemps que possible, avec autant de passion qu’au premier jour, il y a quarante ans. Natan, c’est ma vie, et ce secteur oblige à toujours rester en mouvement, à ne jamais s’installer dans ses certitudes: deux fois par an, il faut tout recommencer. Il faut se dépasser et rester curieux. J’ai une excellente équipe qui pourra continuer même sans moi, et peut-être que quelqu’un venu de l’extérieur aura pour projet de stimuler la croissance internationale de la maison. Je ne sais pas du tout ce que l’avenir nous réserve.”

“Ma tâche consiste avant tout à veiller à notre ADN, qui est resté le même: féminin, minimaliste et intemporel. Définir encore mieux ce que nous représentons, telle est pour moi la mission à accomplir. Je ne dois pas semer, mais récolter.”

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