Derrière la nouvelle marque belge de soins "Label Meunier" se cache l’histoire d’une famille d’agriculteurs qui opte pour l’univers de la beauté. Découverte de la vallée de Wanze, près de Huy, pour tester le pouvoir des plantes...
Je suis allongée dans la pénombre. Mon corps rouillé par l’hiver aspire à ce qui l’attend: un soin bienfaisant à l’huile bio récoltée et pressée dans les champs des alentours. La masseuse me chuchote que nous allons commencer par un gommage: elle va mélanger quelques pincées de tourteaux de chanvre à de l’huile de lin et de colza. J’ai l’impression qu’on me sèche avec une serviette de monastère, du moins telle que je l’imagine, mais l’idée que le printemps nécessite aussi une nouvelle peau me donne du courage. J’offre mes bras et mes jambes. Mes plantes de pied, mes coudes. J’ai le corps et la tête remplis de chagrin. Il ne me quitte pas. Peau à vif à l’extérieur, deuil de mon père à l’intérieur. Des semaines de manque et de douces images de mon enfance. Ma tristesse est évacuée par de larges mouvements, entre caresses et flagellations légères. Cet abandon entrouvre la fenêtre de mon âme. Je respire à nouveau. Sous une douche chaude, je me rince. Les nuages noirs ont disparu.
Nous sommes au Naxhelet, un hôtel quatre étoiles avec golf et wellness, non loin de la petite ville de Huy, sur les terres d’une ancienne abbaye. C’est ici que j’ai l’occasion de venir tester différentes sortes d’huiles de plantes cultivées localement. Pas avec mes papilles, car ces huiles sont transformées en produits de soins sous le nom de "Label Meunier".
Ferme, terrain de golf, hôtel et spa
Cette nouvelle marque est le fruit de l’initiative de Laurane Vanderbecken, son mari Charles-Édouard Jolly et leur business partner Marine André. Ils fabriquent eux-mêmes ces produits. Les plantes dont ils extraient l’huile sont cultivées ici, dans cette vallée, autour du terrain de golf. Outre des choux-fleurs, ils produisent du chanvre, de la bourrache, de l’onagre et du lin. Les graines de ces plantes anciennes sont pressées à froid pour produire une huile pure et naturelle.
Dans un peu moins d’une heure, j’ai rendez-vous avec Jolly et Vanderbecken. Le couple m’attend dans un salon qui se trouve à l’étage de la réception. Je m’efforce de faire preuve d’une certaine vivacité. Mes pensées sont ailleurs. Vanderbecken est assise juste en face de moi, le ventre rond sous sa salopette en jean. Ils attendent leur quatrième enfant, explique-t-elle. Jolly, son mari, est le fils des propriétaires de la Ferme du Val Notre Dame située dans cette vallée. C’est là que toutes les plantes de leur label sont cultivées de manière biologique et durable. Il s’avère que ses parents sont également les propriétaires du terrain de golf, de l’hôtel et de toutes les terres environnantes. "Il y a quelques années, mes parents ont eu l’idée de transformer les ruines et les granges au milieu de la vallée en hôtel durable avec club de golf", s’exclame Jolly en riant. "Un pari réussi."
Il a rencontré son épouse pendant leurs études à l’université de Louvain-la-Neuve. Ils avaient toujours rêvé d’être entrepreneurs, mais pas nécessairement dans le domaine de l’huile. Vanderbecken explique qu’après ses études, elle a travaillé pendant sept ans dans le secteur social. Elle souhaitait créer quelque chose avec Jolly depuis longtemps déjà.
"J’étais une fervente adepte de l’huile végétale", ajoute-t-elle. "Un jour, Charles-Édouard a vu un flacon d’huile de chanvre dans notre salle de bain. Nous cultivions déjà du chanvre à la ferme. Peut-être devrions-nous y ajouter de la bourrache? Nous aurions ainsi une idée pour notre premier produit. Pourquoi pas, me suis-je dit." Jolly: "Nous cultivions déjà du chanvre pour le secteur textile, ce qui était assez nouveau dans la région. Parfois des gens qui, croyant que nous cultivions de l’herbe, venaient la récolter: ils ont dû être déçus!" (rires)
Pionnier du bio
Après ses études de gestion, Jolly a fait un postmaster en gestion de l’environnement. "Après quelques années de travail, j’ai ressenti le besoin de retourner à la ferme et d’entreprendre. Aujourd’hui, je gère l’ensemble de l’exploitation familiale. Nous y cultivions des céréales bio, puis nous avons étendu notre activité aux légumes et aux fruits. Avec notre voisin, nous avons également ouvert deux boulangeries pour transformer nos céréales en pain et le vendre en direct."
Était-ce une décision délibérée de chercher d’autres sources de revenus plus durables pour l’exploitation? Jolly: "Mes parents gèrent la ferme depuis environ 35 ans. Il y a dix ans, ils ont converti l’exploitation en bio et obtenu les certificats nécessaires. Dans la région, ils ont été la première exploitation à franchir le pas avec 350 hectares d’un coup. Personnellement, j’ai toujours été un convaincu de l’agriculture biologique, mais aussi de l’agriculture régénératrice. Cela consiste non seulement à chercher à réduire les impacts négatifs, mais aussi à travailler à la restauration des sols en utilisant des processus naturels. On ne travaille donc pas contre, mais avec la nature, en ayant une logique bénéfique pour l’environnement et pour la planète."
"C’est de cette même idée qu’est né Label Meunier, que nous avons envisagé comme un produit issu de la ferme", ajoute Vanderbecken. "Marine, nous l’avons rencontrée à la sortie de l’école; nos enfants étaient dans la même classe. Nous savions qu’elle était experte en cosmétiques. Nous l’avons invitée à prendre un café et lui avons présenté notre idée, ainsi que nos doutes: la concurrence qui règne sur le marché nous inquiétait particulièrement, mais elle nous a rassurés, car nous pouvions produire l’huile nous-mêmes. Le fait de pouvoir tout contrôler, de la semence au produit fini, nous rendrait beaucoup plus forts, a-t-elle expliqué. Pour faire court, nous nous sommes associés à Marine en août dernier et sommes devenus partenaires commerciaux pour créer un nouveau label belge de produits de soins naturels à base d’huile végétale."
"Marine a des années d’expérience en recherche et développement. Je m’occupe du suivi des clients, des réseaux sociaux et de la communication. Charles-Édouard nous soutient en matière de stratégie globale et, bien sûr, se charge des matières premières. La quasi-totalité de notre huile provient de la ferme, ce qui nous permet d’avoir une traçabilité parfaite et toutes les certifications bio, même celle de "Slow Cosmétique", le Graal dans l’industrie cosmétique."
"Label Meunier" a développé une gamme de produits de base, soit une huile spécifique pour chaque type de peau. "Peut-être à contrecourant des tendances, nous nous adressons uniquement aux femmes. Nous avons même créé pour elles une ligne "équilibre" à base d’huile d’onagre, non seulement pour la peau, mais aussi comme complément alimentaire. L’onagre est connue depuis des siècles pour faire des merveilles en matière d’équilibre hormonal tout au long de la vie d’une femme."
L’huile est pressée à froid, de manière mécanique, afin de ne rien perdre de ses qualités. "Rien ne se perd, tout se transforme. C’est pourquoi nous voulons continuer à nous consacrer à l’huile, sans nous diversifier en produisant des crèmes ou d’autres produits cosmétiques. L’huile reste un produit de base local. Elle ne contient ni parfum ni conservateur, juste un antioxydant naturel."
Quelle est la différence avec d’autres produits bio ou d’autres cosmétiques naturels? "Nous pouvons proposer des produits élaborés avec des ingrédients en grande partie cultivés à la ferme et qui ont beaucoup plus d’effet que d’autres", répond Jolly.
"Les cosmétiques standards contiennent généralement 80 à 90% d’eau», poursuit Vanderbecken. "Nous proposons un produit 100% actif, non seulement sur l’esthétique, mais aussi la santé. En d’autres termes, sur le bien-être."
De Bruxelles à Huy
Dépendre de la nature est un pari. "Si la récolte n’est pas bonne, nous n’avons pas de revenus", reconnaît Vanderbecken. "Dans cet écosystème, il faut rester souple. J’ai compris cela en vivant ici. Il y a deux ans, nous avons quitté Bruxelles, principalement parce que Charles-Édouard perdait trop de temps à faire la navette. J’ai décidé de quitter mon emploi pour me consacrer entièrement au projet familial. Ce déménagement a été assez difficile, c’est vrai, mais aujourd’hui, je ne voudrais plus revenir en arrière. Voir mes enfants grandir dans la nature est un luxe. Ils sont habitués à la vie à la campagne. Ils jouent à la ferme le week-end et vont chercher les œufs frais."
Quels sont leurs projets d’avenir? "Nous sommes conscients des risques que nous avons pris, mais nous nous engageons à fond", déclare Jolly. "Nous avons des projets pour de nouveaux produits, tout en sachant que nous sommes arrivés très récemment sur ce marché."
Lorsque je lui demande quel rôle l’agriculture peut jouer pour l’avenir de la planète, il répond avec confiance: "Je pense que l’agriculture représente une grande partie de la solution aux problèmes d’environnement, en nous nourrissant de bons produits et en adoptant de bonnes pratiques. Il est regrettable que l’agriculture ait une si mauvaise image. Actuellement, les agriculteurs sont la cible de toutes sortes d’attaques. Il n’est donc pas surprenant qu’ils aient du mal à s’ouvrir et à s’engager sur une voie plus durable. Pourtant, tout le monde en bénéficierait."
"Je pense que l’agriculture représente une grande partie de la solution aux problèmes d’environnement."Charles-Édouard Jolly
Voilà un homme qui n’a pas qu’un seul projet, mais plusieurs. Les terres de la vallée, avec les vestiges des murs de l’ancienne abbaye, ont été réhabilitées et une centaine de personnes travaillent aujourd’hui dans la vallée. Un écosystème magnifique qui pourvoit à sa propre richesse.
Sur le domaine de la Ferme Val de Notre Dame, Jolly et son équipe cultivent désormais des céréales et du houblon et ils brassent leur propre bière. L’année dernière, des vignes ont également été plantées sur les deux flancs de la vallée. Ils espèrent embouteiller leur premier vin biodynamique en 2025.
Partout, les parcelles sont séparées par de nouvelles haies d’aubépines au lieu de clôtures métalliques. Les mauvaises herbes ne sont pas des mauvaises herbes, mais de la nourriture. Il y a de grands enclos pour les poules, des dizaines de ruches et un troupeau de moutons qui font office de tondeuses à gazon. "Sur les terrains de golf aussi" explique Jolly. "C’est bon pour le sol. Et en plus, c’est sympa", ajoute-t-il en riant.
- Un soin au centre wellness de Naxhelet avec les produits "Label Meunier", à partir de 90 euros. Les réservations peuvent être prises via wellness@naxhelet.be ou au 085/82.64.08. Plus d’info et réservations pour l’hôtel, le restaurant et le golf via www.naxhelet.be.
- Les produits «Label Meunier» sont disponibles chez Naxhelet, via le site www.labelmeunier.com, sur
- www.slow-cosmetique.com ou dans l’une des pharmacies Servais. à partir de 39 euros les 30ml.