Le créateur qui lutte pour un artisanat respectueux des tribus amazoniennes

C’est le père de Samuray Martins, né dans la forêt amazonienne au Brésil, mais qui a passé près de la moitié de sa vie en Belgique, qui lui a donné ce prénom de guerrier. Prémonitoire, car s’il est vrai qu’il se bat, c’est au sens figuré. Akra, son projet d’accessoires de luxe, permet à l’entrepreneur de défendre les artisans de son pays. Ses produits sont vendus chez Bergdorf Goodman à New York, au Bon Marché à Paris et chez United Arrow au Japon.

Dans un village du sud de Bruxelles, nous sommes assis face à un homme de 45 ans qui a fait plusieurs fois le tour du monde et laissé son cœur dans la forêt amazonienne du Brésil. C’est là-bas qu’il est né, dans une région habitée par les plus anciennes tribus du pays. Alors que nous prenons un café avec vue sur le jardin, Samuray nous raconte son histoire dans un français presque impeccable. Une partie de sa collection, des accessoires en raphia de toutes formes et couleurs, est exposée sur le buffet.

©Kenji Nakamura
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Son amour de l’artisanat? Il lui est venu quand, adolescent, il accompagnait sa mère dans les écoles où celle-ci enseignait la broderie et le crochet. Après des études supérieures de biologie, il trouve un job dans une réserve naturelle près de Rio. Lors d’un voyage à Ibiza, il rencontre un Belge, Yves: il quitte le Brésil pour s’installer définitivement à Bruxelles, où il se met à étudier le français. Pendant ses études, il travaille dans une boutique de marques de luxe, ce qui lui permet de se familiariser avec le marché européen de la mode. Quelques années plus tard, il devient associé dans une entreprise de fourniture en matières premières: son travail consiste à commercialiser dans le monde entier des matières premières et des objets artisanaux (de Madagascar au Vietnam, en passant par le Pérou) pour les marques de luxe.

Le nœud est un code

Presque chaque tribu a sa façon de nouer et de tresser. C’est comme une langue, un code.
Presque chaque tribu a sa façon de nouer et de tresser. C’est comme une langue, un code.
©Kenji Nakamura

Lors d’un voyage dans le nord du Brésil, en observant des artisanes utiliser des fibres naturelles pour fabriquer de simples sacs destinés à transporter des fruits, il est frappé par le caractère original et sublime de leur méthode. Il remarque que pratiquement chaque tribu a sa propre façon de nouer et tresser. Comme s’il s’agissait d’un langage, d’un code. Et à Madagascar également, il s’émerveille devant le talent des artisans locaux. Pour le jeune entrepreneur, c’est un signe: il va défendre ce talent sur le marché européen de la mode. Il présente ses accessoires venus de Madagascar et du Brésil à des acheteurs en Europe - Agnès b, Isabel Marant, Hermès, Sœur, Zadig & Voltaire, le Printemps. Le succès est immédiat: le style Ibiza-Bahia-boho devient tendance.

Grâce à leur travail pour Akra, les femmes ont la possibilité de vivre de manière autonome et d’assurer l’éducation de leurs enfants.
Grâce à leur travail pour Akra, les femmes ont la possibilité de vivre de manière autonome et d’assurer l’éducation de leurs enfants.
©Akra

Pourtant, Samuray remarque que certains clients s’attribuent l’authenticité de ce travail traditionnel. Ses employés, qui passent des journées entières sur un seul accessoire, éprouvent une déception qui le touche profondément, car le mépris pour son peuple est séculaire. Le lien qu’il ressent est intense et c’est alors qu’il décide de faire la différence: il quitte l’entreprise dont il est associé et fonde "Projeto Akra" pour offrir plus de garanties et de gratification tant financière que morale aux artisanes.

Garderie et smartphone

Le projet Akra permet à Samuray Martins de collaborer avec des familles au Brésil et à Madagascar, mais aussi avec des artisanes au Pérou pour fabriquer des accessoires de mode ainsi que des objets de décoration esthétiques et durables. Surtout, il refuse de participer à un système qui n’est pas en accord avec sa conscience. "J’ai trop souvent vu les plus anciennes tribus du Brésil traitées quasi comme des esclaves. Je tiens à ce que mes collaboratrices soient payées correctement."

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"J’ai trop souvent vu les plus anciennes tribus du Brésil traitées quasi comme des esclaves. Je tiens à ce que mes collaboratrices soient payées correctement."
Samuray Martins
Fondateur d'Akra

Les femmes employées par Projeto Akra reçoivent une participation élevée aux bénéfices. "Au Brésil, je travaille avec environ 200 familles, principalement des femmes, rassemblées en coopératives. À Madagascar, j’ai trois ateliers où une centaine de personnes viennent travailler chaque jour. Elles reçoivent un repas nutritif et il y a une garderie. Nous leur avons également donné des smartphones afin que nous puissions communiquer et échanger des photos. En tout cas, grâce à leur artisanat, elles ont maintenant la possibilité de vivre de manière autonome, de faire leurs courses tous les jours et d’assurer l’éducation de leurs enfants."

Samuray Martins collabore avec des familles au Brésil et à Madagascar, ainsi qu’avec des artisanes au Pérou, pour créer des accessoires et des objets beaux et durables.
Samuray Martins collabore avec des familles au Brésil et à Madagascar, ainsi qu’avec des artisanes au Pérou, pour créer des accessoires et des objets beaux et durables.
©Kenji Nakamura

En outre, Martins tient à ce que ses produits soient équitables de A à Z. "Toutes nos matières ont un certificat d’origine. Les pigments avec lesquels nous travaillons sont inoffensifs pour l’environnement. Je veux aussi limiter le transport: fabriquer des produits qui doivent faire de multiples allers-retours à travers le monde pour la finition ou l’assemblage n’a aucun sens! Aucun processus ne doit nuire à la nature."

"Ce sont les femmes et les mères qui font la différence dès qu’il s’agit de donner aux enfants un avenir meilleur. Enfin, plutôt leur travail, celui que leurs ancêtres leur ont appris."
Samuray Martins
Fondateur d'Akra

Artisanat équitable

Toutes les matières ont un certificat d’origine. Les pigments sont également inoffensifs pour l’environnement.
Toutes les matières ont un certificat d’origine. Les pigments sont également inoffensifs pour l’environnement.
©Akra

Entreprendre au niveau du luxe, en faisant preuve de respect et de responsabilité, voilà l’objectif que vise Martins avec Akra, un projet qui a déjà trois ans. Et sa vision ne tolère ni laisser-aller ni travail bâclé. Tout ce qui est signé Akra est de qualité irréprochable: sacs, ceintures, bijoux, tapis, hamacs, bougeoirs, trousses... Ses créations ont une structure ingénieuse: soit elles sont constituées de doubles couches, soit il s’agit de macramé combiné à une technique de tissage. Chaque pièce est le résultat d’un processus méticuleux: les fibres sont nouées ou tissées à la main une à une, ce qui permet à la forme de conserver sa solidité tout en restant souple. Les paniers ultralégers peuvent être mouillés, pliés ou retournés. Une qualité qui représente souvent plus de dix jours de tressage et de nouage pour achever une seule pièce.

Les prix de vente sont donc les prix pratiqués dans le secteur du luxe. Sauf que, dans ce cas, une partie importante des recettes revient aux artisanes. "J’ai appris récemment que le fils d’une de mes employées allait bientôt terminer ses études de médecine", raconte Martins avec un plaisir non dissimulé. "Ce sont les femmes et les mères qui font la différence dès qu’il s’agit de donner aux enfants un avenir meilleur. Enfin, plutôt leur travail, celui que leurs ancêtres leur ont appris." Rien ne se perd, tout se transforme.

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