Le galeriste Tim Van Laere considère les meubles comme des œuvres d’art
Tim Van Laere a étudié l’économie aux États-Unis avant d’ouvrir sa galerie d’art. Cette année, il sera pour la première fois à la TEFAF Art Fair à Maastricht. Il nous parle de ce qui le fait se lever de sa chaise...
“La chaise ‘Onkel-Stuhl’ ou ‘Uncle Chair’ de Franz West, reconnaissable à son cadre en acier et ses sangles en tissu de couleurs vives. Au début des années 80, cet artiste s’est mis à fabriquer des chaises, des tables et des lampes qui invitent le spectateur à interagir et témoignent de sa fascination pour la relation entre art et objet. Ses premières chaises étaient faites de ferraille soudée. Le rembourrage et le revêtement ont évolué vers un tressage coloré. West est un de mes artistes préférés: son travail de pionnier a inspiré des générations d’artistes. C’est en partie grâce à lui – et à Richard Artschwager – que les meubles ont été considérés comme des œuvres d’art. Je suis également convaincu qu’il a eu une influence majeure sur mon métier de galeriste, et peut-être même sur ma personne. En effet, une fois que ma galerie a représenté West, j’ai pu approcher beaucoup plus d’artistes. La couleur rose, devenue depuis une marque de fabrique de ma galerie, est un hommage à West.”
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Qu’est-ce qui vous fait vous lever de votre chaise?
“En-dehors de mon amour infini pour l’art, je suis également un passionné de tennis. Pour moi, c’est bien plus qu’une épreuve de force entre joueurs: outre leurs qualités physiques et techniques, ils doivent faire preuve de force mentale pour gagner. Quand un joueur de tennis est sur le court, il doit prendre toutes les décisions seul. C’est pareil pour les artistes.”
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Qu’est-ce qui vous a fait tomber de votre chaise récemment?
“James Ensor: cet artiste ne cesse de m’étonner. Depuis la réouverture du KMSKA à Anvers, j’ai pu revoir certaines de ses œuvres, dont ‘Chute des anges rebelles’, un tableau de 1889, mais qui semble contemporain. Ensor a développé un langage visuel totalement original et il a également réussi à représenter le macabre avec une certaine légèreté, comme dans ‘Squelettes se disputant un pendu’ (1891), ‘L’étonnement du masque Wouse’ (1889) et ‘L’Intrigue’ (1890). Ses œuvres transcendent l’époque, une qualité d’une force incroyable que l’on retrouve dans tout son travail.”
Avez-vous déjà retiré une chaise au moment où quelqu’un va s’y asseoir?
“Je crois que le succès ne peut jamais se faire au détriment de quelqu’un ou de quelque chose. Tout ce que je fais, je le fais en fonction des artistes et de la galerie. Et je défendrai toujours mes artistes quoiqu’il arrive, et je ne craindrai pas la confrontation non plus. Je me souviens qu’un jour, j’ai organisé une visite de l’atelier de Franz West pour les amis d’un musée français. Il pensait qu’il était préférable que je le fasse, parce que, contrairement à lui, je parle le français. Juste avant l’arrivée du groupe, Franz s’est allongé sur une de ses chaises longues, a tiré une couverture sur sa tête et a fermé les yeux pour faire sa sieste. Il m’avait demandé de dire aux visiteurs curieux: ‘The artist is asleep’. La visite s’est achevée vers 16 heures, heure à laquelle Franz va généralement acheter des fruits pour tous ceux qui travaillent dans son atelier. Dès que le groupe de Français a quitté le studio, Franz s’est levé et nous demandé: ‘Anybody fruit?’”
“Franz West est l’un de mes artistes préférés. Grâce à lui – et à Richard Artschwager – les meubles ont été considérés comme des œuvres d’art.”
Tim Van Laere
Savez-vous rester assis?
“La vie de galeriste n’est pas un long fleuve tranquille: on est constamment en mouvement. Je ne reste donc pas très souvent assis sans bouger, sauf pour une bonne raison: un film de Paolo Sorrentino, par exemple, ou un livre comme la biographie de Werner Herzog que je lis en ce moment.”
Que faites-vous quand quelque chose vous tracasse?
“Dans ce cas, j’essaie de trouver une solution toutes affaires cessantes. Je pense qu’il est toujours préférable de dire les choses sans attendre pour éviter de laisser le problème s’envenimer.”
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La Onkel-Stuhl
Franz West (1947-2012), comme Richard Artschwager, était un pionnier du “meuble-sculpture”. West voulait que l’art soit vécu comme quelque chose d’interactif.
La Onkel-Stühl de Franz West a été présentée à la Documenta à deux reprises: celle de Jan Hoet en 1992 et celle de Catherine David en 1997. Elle est également exposée au Musée d’art contemporain de Los Angeles et au Dia Center for the Arts de New York.
Lors de son exposition solo en 1989 au MoMA PS1, Franz West invitait le public à s’asseoir sur ses chaises le temps d’une pause, pour mieux profiter de l’exposition ou lire le journal du jour.
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Sur la chaise de qui aimeriez-vous vous asseoir le temps d’une journée?
“Sur la mienne. Mais s’il fallait absolument choisir, disons que j’aimerais passer une journée à la place de Pierre Matisse, le marchand d’art qui a représenté des artistes comme Balthus, Joan Miró, Jean Dubuffet et Henri Matisse. Il affirmait qu’il n’y a qu’une seule façon d’être galeriste: en étant l’ami de ses artistes. Cela correspond à ma façon de travailler. Et puis, j’aimerais aussi remporter le tournoi de Wimbledon un jour!” (rires)