Sous le nom "Les Monseigneurs", Thomas Renwart fait une carrière fulgurante dans l’art textile. La semaine dernière, il a été couronné par 2 des 17 prix Henry Van de Velde.
And the award goes to... (roulement de tambour)... à Thomas Renwart, alias Les Monseigneurs. La semaine dernière, ses tapisseries ont valu à l’artiste gantois deux prix Henry Van de Velde. Un temps fort dans sa jeune carrière. Ou bien faudrait-il dire: un des temps forts?
En effet, depuis qu’il a terminé ses études, il y a un an et demi, ils s’enchaînent. L’artiste a exposé ses tapisseries traditionnelles à motifs contemporains à New York et à Berlin, à la Triennale de Milan, à la Dutch Design Week à Eindhoven et à la biennale Interieur de Courtrai, mais aussi à C-Mine, à Knokke et au Design Museum Gent. Et l’année dernière, il a remporté le Bokrijk Award. Pas mal pour un jeune gars de 25 ans!
Après dix expositions et trois prix en un an et demi, Renwart est prêt à passer à l’étape suivante. La semaine prochaine, il publie le livre "Comme si de rien n’était" qui, plus qu’un best of, est un florilège coloré, une plongée dans son langage visuel original.
Tapis littéraires
Nous rencontrons Thomas "Les Monseigneurs" Renwart dans son atelier, une cellule dans le béguinage du XVIIe siècle qui, comme son livre, permet d’avoir une petite idée de ses sujets de prédilection.
"L’artisanat est encore trop souvent associé au bricolage"Thomas Renwart
Le sol et les murs sont couverts de tapisseries, de croquis, de feuilles griffonnées de textes et de fleurs séchées. Une suspension faite maison en forme de perce-neige pend au plafond: "Un prototype pour une exposition solo cet automne pour laquelle je réalise un travail tridimensionnel", explique-t-il.
Le regard tombe sur une pile de livres de la maison d’édition Gallimard. "La littérature, c’est très important. Quand j’étais plus jeune, ma mère m’a fait lire Proust et Baudelaire -‘Les fleurs du mal’ ont laissé des traces!", s’exclame le jeune Gantois.
"Je lis et j’écris toujours en français, une langue riche et stratifiée, et c’est précisément cette ambiguïté que je recherche dans mon travail. Prenez le lien qu’il y a entre ‘songe’ et ‘mensonge’: cela ouvre des possibles, non?"
L'artisanat
Un autre élément essentiel du travail de Renwart est l’artisanat. Ce n’est pas un hasard si Renwart a été récompensé par un Henry Van de Velde Awards dans la catégorie "Crafts". Il a gagné ce prix en association avec Verilin, une manufacture spécialisée dans le jacquard. Ensemble, ils ont réalisé une série de tapisseries en lin. "L’artisanat est encore trop souvent associé au bricolage", déplore-t-il. "Le temps de l’émancipation est venu!"
"Le Covid-19 a fait de moi une autre personne. Ce fut un tête-à-tête avec ma finitude."Thomas Renwart
Dans son travail, il mélange techniques numériques et manuelles. Verilin réalise ses tapisseries en recourant au tissage assisté par ordinateur avec une précision photographique, mais Renwart tisse et brode également à la main.
"Pendant le premier confinement, j’ai attrapé le Coronavirus et j’ai été hospitalisé. Pendant les semaines de convalescence, j’ai appris à faire des courtepointes. Au début, c’était un passe-temps, mais, ensuite, j’en ai fait des œuvres d’art", explique celui qui se décrit comme un artiste. Les tapisseries, les courtepointes ou les broderies sont en effet sa toile.
"Le Covid-19 a fait de moi une autre personne. Ce fut, en réalité, un tête-à-tête avec ma propre finitude. Depuis lors, je relativise beaucoup plus. Cela a également changé ma vision de l’artiste. Je ne fais pas du ‘9 à 5’, mais, pour moi, c’est un travail quotidien comme un autre."
"L’art est un métier qu’on peut apprendre, comme la boulangerie. Avec ses mains et quelques ingrédients, on crée un produit à savourer. J’emploie de la peinture, du fil et des métiers à tisser, tandis qu’un boulanger utilise de la farine et des fours, mais l’essence est la même: faire quelque chose qu’on désire partager."
Nouveau livre
Le coup d’envoi officiel de Les Monseigneurs a été donné durant l’été 2019, mais l’idée avait germé un an plus tôt, quand Thomas Renwart et son condisciple Victor Verhelst, un graphiste, ont mené ensemble plusieurs projets et ont ainsi formalisé leur duo sous le nom de Les Monseigneurs une fois leurs études terminées. Depuis lors, Renwart est seul à bord, mais il a gardé le nom. Son nouveau livre marque la fin de cette période en tant que duo.
"C’est un parti pris, la recherche d’un nouveau langage qui me soit propre. Il y a du respect pour le passé, on y trouve des travaux précédents, mais il y a surtout beaucoup d’appétit pour l’avenir."
Dans les 130 pages se trouvent un essai, des collages spontanés d’instantanés, des motifs psychédéliques de papillons et de fleurs, des dessins botaniques, des images d’atelier, des fragments de texte et des références à l’histoire de l’art. Il qualifie ce livre de "cahier intime". Autrement dit, un aperçu de ce qui se passe dans sa tête d’artiste.
"L’expression ‘Comme si de rien n’était’ a été le point de départ de mon livre, et puis elle est devenue son titre. Sa signification, pour moi, est la suivante: sans tenir compte de ce qui s’est passé ou de ce qui dérange. C’est exactement ce que j’ai vécu ces derniers mois. Non seulement j’ai été contaminé par le coronavirus, mais j’ai aussi rompu avec mon compagnon et j’ai continué Les Monseigneurs en solo. Pendant l’été, j’ai connu un passage à vide", confie Renwart.
"Ce livre est intime et autobiographique, car il traite de cette période difficile. C’est un parti pris, la recherche d’un nouveau langage. Avec respect pour le passé: il comporte par exemple plusieurs œuvres que nous avons faites en commun Victor et moi. Et j’y aborde l’avenir avec impatience."
Suite à l’incendie de Bozar, l’exposition des ŒUVres des lauréats des awards Henry Van de Velde se déroulera à une date ultérieure. L’exposition est présentée en ligne sur henryvandevelde.be.
Le livre "Comme si de rien n’était" (préface de Anne-Françoise Moyson) paraît le 13 février chez MER. Paper Kunsthalle (39 euros).
Le travail de les Monseigneurs est présenté jusqu’au 21 février dans le cadre de l’exposition "Kleureyck" au Design Museum Gent. elle sera ensuite au centre culturel le Tripostal à Lille, à partir du 9 avril sous le titre "Colors, etc". Le 7 mars, une exposition extra muros de la Bruthausgallery "Partir dans la nuit" sera inaugurée chez Claessens Canvas à Waregem.