Fini le barbecue, on passe à la cuisine par le feu. Voici le plein d’inspiration pour réussir cette aventure culinaire de plein air et faire des étincelles.
Le barbecue, tout le monde connaît: des merguez et des hamburgers cramés à l’extérieur, crus à l’intérieur, une salade de pâtes apportée par un invité et que personne ne touchera et beaucoup de bières tiédasses. D’accord, au niveau de l’ambiance, c’est super convivial, mais, au niveau de l’assiette, c’est super décevant. Si vous avez de plus hautes ambitions pour la belle saison qui s’annonce, sachez que de nombreuses options s’offrent à vous pour améliorer vos talents de cuisinier de plein air et attiser votre flamme culinaire.
Pour faire le plein d’inspiration, nous sommes accueillis chez Commotie, le restaurant que le chef Thomas Gellynck et la sommelière Lara De Vlieger ont lancé en pleine pandémie - et avec succès - à Mont-Saint-Amand. Ils se sont installés près de la ville de Gand, mais en pleine nature, comme ils en rêvaient depuis des années. Aussi superbe que soit l’intérieur (les convives sont installés dans un décor zen autour de la cuisine ouverte), le joli jardin est le cœur de l’établissement: il y a là une terrasse, un potager et, dans un coin bordé de châtaigniers, une cuisine extérieure improvisée, aménagée spécialement pour nous.
Avant de s’installer ici, Thomas et Lara ont acquis une solide expérience dans le catering, les événements et les pop-ups. "C’est l’école d’apprentissage idéale pour un chef", explique Gellynck: ce parcours lui a appris à improviser et à déployer sa créativité dans un cadre balisé. Maintenant qu’il a son propre établissement, le chef reste fidèle à ce style de cuisine libre qu’il pratique avec des produits locaux de saison, des herbes aromatiques cultivées sur place, des cueillettes sauvages, des produits fermentés et un feu ouvert dans les cuisines.
Il n’y a donc pas meilleur professeur pour une masterclass de cuisine outdoor. Ici, tout est ramené à l’essentiel: au-dessus d’un braséro, un fil métallique est tendu entre deux arbres. Des anguilles suspendues à des crochets sont en train de fumer, des pommes de terre rôtissent dans le feu et du beurre fond dans une poêle en fonte. Une première petite astuce? Déposez un bloc de charbon de bois ardent sur le beurre, laissez-le infuser un bref instant et profitez de la subtile saveur fumée du beurre en l’incorporant dans des sauces ou en le tartinant en couche épaisse sur une belle tranche de pain. Retenez d’ores et déjà ceci: la cuisine en plein air paraît brute et intuitive, mais le résultat est raffiné et complexe. Un bon exemple? Vous pouvez ajouter une cuillère de caviar sur les pommes de terre, comme le chef qui a fait des pommes de terre au Lardo di Colonnata et au caviar son plat signature. Une version "into the wild" délicieuse.
Contre-feu bienvenu
Cuisiner sur un feu est tendance depuis quelques années déjà et de nombreux grands chefs optent pour les flammes comme si c’était un ingrédient supplémentaire, parce qu’elles permettent d’obtenir des saveurs profondes et riches, mais, surtout, d’apporter un feeling de spontanéité dans la cuisine. Cette façon de cuisiner est un contre-feu bienvenu aux complications de ces dernières années, telles que les mousses chichiteuses et la cuisine moléculaire ultra précise, qui jouent plus sur la minuterie et la température du cuiseur sous vide que sur la saveur pure et simple sans être simpliste.
Pour cuisiner de cette manière, il faut avant tout désapprendre beaucoup de choses et faire de nouveau confiance à son feeling, explique Gellynck. "Il faut oser jouer et faire des expériences, mais aussi ne pas avoir peur de mettre quelque chose sur les flammes ou dans les braises. On rend souvent les choses trop artificielles, comme emballer des pommes de terre dans du papier aluminium, alors qu’il suffit d’enfouir les pommes de terre non épluchées dans les braises jusqu’à ce qu’elles ressemblent à des galets noircis. La peau est devenue dure, mais l’intérieur est délicieusement tendre et moelleux: c’est le bon goût des pommes de terre en robe des champs enfin retrouvé."
Cette forme primitive de cuisine est un contre-feu aux chichis moléculaires hyper précis en vogue ces dernières années.
Ce mode d’emploi est valable pour beaucoup de légumes: leur peau est une protection naturelle qui permet de cuire l’intérieur comme à l’étouffée pour qu’il reste bien juteux. Déposez poivrons, poireaux ou aubergines sur une grille, placez-la au-dessus du feu jusqu’à ce qu’ils deviennent noirs à l’extérieur. Retirez ensuite la peau et vous aurez des légumes grillés parfaitement cuits et moelleux, auxquels il suffit d’ajouter un filet d’huile ou de vinaigrette aux fines herbes. Pur et simple, back to basics.
Allumer le feu
"Procédez de manière aussi naturelle que possible et n’utilisez que du bois, éventuellement complété par du charbon de bois. En tout cas, résistez à la tentation de brûler une vieille porte (et sa délicieuse palette gustative de vieille peinture) ou de vieux papiers. Oubliez également les briquettes et autres allume-feux: toutes ces substances artificielles se retrouveront dans la fumée et donc, dans vos aliments", conseille Thomas Gellynck. Son essence de bois préférée est le charme.
"Pour allumer votre feu, le petit bois glané en forêt est l’idéal. Mieux encore: gardez votre sapin de Noël pour lancer votre braséro. En plus, les aiguilles de pin dégagent un délicieux arôme."
Autre conseil: "investissez dans des ustensiles de cuisine de qualité, résistants aux températures les plus élevées, tels que casseroles, grils et poêles en fonte ou en fer. Un trépied auquel vous pouvez fixer une cocotte en fonte et une grille sont également d’excellentes idées."
Disponibles notamment sur www.outr.be et www.foresttoplate.shop
Le plat signature de Commotie: Pommes de terre au Lardo di Colonnata et au caviar
Ingrédients pour 4 personnes
- 6 grosses pommes de terre farineuses
- 200 grammes de beurre
- 1 cuillère de crème épaisse
- 400 ml de babeurre
- poivre noir, sel, noix de muscade
- 1 échalote
- quelques oignons grelots marinés
- aneth, ciboulette et persil plat frais
- 5 cl de verjus
- 5 cl de crème
- 200 g de Lardo di Colonnata
- 4 cuillères à café de caviar
Recette
- Placez les pommes de terre dans la braise jusqu’à ce qu’elles soient bien cuites.
- Ouvrez-les en deux et évidez-les.
- Faites revenir leur chair dans du beurre et terminez en ajoutant une cuillère de crème aigre, deux cuillères de babeurre, du poivre noir, du sel et de la noix de muscade fraîche.
- Mélangez à l’aide d’une fourchette, jusqu’à ce que la chaire des pommes de terre soit bien écrasée. Ajoutez ensuite une échalote et quelques oignons grelots marinés finement hachés.
- Ciselez finement l’aneth, la ciboulette et le persil plat frais et incorporez ce mélange au dernier moment.
- Faites fumer le babeurre dans une poêle sur le feu et déposez un bref instant sur sa surface un morceau de braise.
- Assaisonnez avec du sel, du poivre noir et du verjus.
- Terminez la sauce en ajoutant un peu de crème selon votre goût.
- Découpez le Lardo di Colonnata en tranches ultra fines, que vous déposerez sur une quenelle de purée bien chaude afin qu’il fonde un peu.
- Avec un mixeur, faites mousser la sauce puis versez-la sur le tout. Terminez par une cuillère à café de caviar. Bon appétit!
Marinade au shio koji
Le shio koji est une pâte fermentée composée d’eau, de sel et de riz. Le secret réside dans le champignon Aspergillus oryzae, qui constitue également la base d’ingrédients culinaires japonais tels que le miso, la sauce soja et le saké.
Cette pâte de riz fermenté est idéale pour faire mariner la viande. Ici, elle a été utilisée pour de l’agneau. Non seulement le shio koji confère une délicieuse saveur sucrée salée aux plats, mais comme il décompose les protéines, la texture de la viande devient tendre comme du beurre.
Le shio koji peut également être utilisé pour le porc ou le poulet cuits lentement sur un feu de bois. À toutes fins utiles, utilisez un thermomètre pour contrôler la température interne. Le shio koji convient également aux légumes et au poisson. Badigeonnez à plusieurs reprises la viande, le poisson ou les légumes avec cette pâte, avant et pendant la cuisson. On peut aussi laisser cette marinade agir pendant une nuit.
Les pros de la fermentation font eux-mêmes leur shio koji en quelques jours. Vous trouverez des directives spécifiques dans "The Noma Guide to Fermentation", la bible de la fermentation signée René Redzepi et David Zilber.
Shio koji prêt à l’emploi, disponible via www.dutchwasabi.nl, www.swaffood.com
À l'apéritif: Smoky bloody mary
Pour l’apéritif, la sommelière Lara De Vlieger propose une version hot de son cocktail préféré.
Dans une casserole en fer, faites rôtir sur le feu pendant quelques minutes des tomates cerises et du cèleri avec un filet d’huile d’olive, et, éventuellement, quelques brins de romarin ou d’une autre herbe aromatique.
Dès que les arômes sont libérés, passez le tout dans une centrifugeuse après avoir retiré les herbes aromatiques.
Mélangez ce jus de légumes frais avec de la vodka, puis assaisonnez-le. Chez Commotie, on utilise une sauce chili fermentée maison, mais une bonne dose de Tabasco fera l’affaire. Pour pimper ce cocktail, pensez à un trait de citron ou, mieux, au jus d’une huître.
L’accord mets-vin: le vin orange
Lara De Vlieger: "Rien de tel qu’un vin orange pour accompagner la cuisine au feu de bois. Il combine le meilleur des deux mondes: la fraîcheur et l’acidité d’un vin blanc et, grâce à la macération pelliculaire, il a suffisamment de corps et de tanins pour mettre en valeur les saveurs riches et fumées."
Un de ses favoris est le Erde, un vin orange du domaine en biodynamie de Maria & Sepp Muster, dans le sud de la Styrie (Autriche). Élaboré à partir de sauvignon blanc et de chardonnay, il est non filtré et embouteillé en amphores de terre cuite. On trouve également d’excellents vins orange en Italie, en Slovénie, en Slovaquie et en Hongrie.
Tous nos remerciements au restaurant Commotie, Victor Braeckmanlaan 367 à Gand. www.commotiegent.be