Rebelles et minimalistes, les architectes new-yorkais de Mos signent la collection outdoor "American Furniture" pour la galerie Maniera à Bruxelles.
"Si nous avons le choix entre regarder dans le vide et lire des déclarations d’entreprise sur les sites web de cabinets d’architectes, nous choisissons la première option", peut-on lire sur le site web de Mos.
"Nous préférons être horizontaux et doux plutôt que verticaux et lisses."Mos
On comprend d’emblée que Michael Meredith et Hilary Sample, qui ont fondé le bureau new-yorkais en 2005, ne sont pas prisonniers du carcan des grands cabinets d’architectes. Ils préfèrent d’ailleurs s’appeler Mos plutôt que Mos Architects, ce qui fait moins formel. Mieux: s’il ne tenait qu’à Hilary Sample, ce serait "mos", en minuscules. "Je nous vois plus comme une culture de studio que comme un vrai bureau."
Mos, mos ou Mos Architects est un acronyme de leurs deux noms, mais il désigne aussi la végétation couvre-sol: "Nous préférons être horizontaux et doux plutôt que verticaux et lisses."
Le sens de l’humour dont ils font preuve cache une part de frustration quant à la manière dont les bureaux se vendent aujourd’hui. "De nos jours, tout le monde veut du contenu, une histoire à promouvoir via les réseaux sociaux", critique Meredith. "Ils sont tous durables et ont tous remporté des prix prestigieux, mais qu’est-ce que cela signifie? Nous, nous sommes plus intéressés par le travail proprement dit, la réalisation. Nous avons toujours évité l’aspect commercial. Dans notre bureau, il n’y a pas de hiérarchie marquée. Chacun travaille sur tout et chacun expérimente. Si on nous considère comme des marginaux à cause de ça, tant pis!"
Pragmatiques comme les Shakers
Leurs nouvelles créations pour la galerie bruxelloise Maniera ne s'accompagnent d'aucune histoire promotionnelle, d'aucun discours commercial. Si vous demandez à Michael Meredith le pourquoi du portemanteau "Peg", du panier de rangement "Peg", de la chaise en bois "Peg", du panier-tabouret "Chair of One" rose, jaune et gris, il répond: "Je n’ai pas d’explication." Comme tous les architectes pragmatiques.
Il y a néanmoins beaucoup d’idées derrière cette collection outdoor, qui a vu le jour alors que Meredith et Sample étaient plongés dans la philosophie des Shakers, une communauté religieuse fondée au XVIIIe siècle qui utilisait également un "Peg Rail", soit un portemanteau.
Moss a également créé un "Stove", un grand cercle sur pied qui peut servir de banc, surmonté d’un cube dans lequel on peut faire du feu. Une référence aux anciens poêles Shaker, simples, mais magnifiques. "Nous avons toujours été attirés par les Shakers. J’ai grandi au nord de New York, où ils se sont installés dès le XVIIIe siècle, et j’ai donc toujours été en contact avec leurs objets et leur mode de vie", témoigne Meredith.
"En tant qu’architectes, nous réfléchissons constamment à la relation entre un projet et la façon dont nous vivons; les Shakers sont un exemple extrême. Leurs 'Millennial Laws', leurs règles de vie, sont un artefact étrange et étonnant de l’Histoire."
"Il y a une grande beauté dans les bâtiments shakers, leur planification, leur architecture, leur mobilier, leurs objets et leurs rituels", ajoute Sample. "Tout paraît lié et s’influence mutuellement. Tout est strict et rigide, avec un côté ascétique. Nous essayons de nous en écarter en introduisant des éléments plus ludiques. L’intérieur tient toujours de la révélation: l’agencement, le calme, l’utilisation de la couleur. Si on les compare au modernisme précoce, comme les intérieurs de l’architecte autrichien Adolf Loos, il est clair qu’il s’en est fortement inspiré."
Corridor house
"Quand nous avons étudié l’architecture, à la fin des années 1990, les formes expressives étaient en vogue. On parlait de la complexité comme d’un objectif. La technologie numérique était au centre de tout", pointe Meredith. "Nous nous rebellions tranquillement contre cette façon de voir les choses, en pensant à des formes plus zen. Et c’est aussi ce que nous aimons chez les Shakers: ces qualités épurées, cette mentalité directe. Pour notre exposition, nous sommes partis de l’esprit des Shakers, mais nous nous en sommes rapidement éloignés. Cela reste néanmoins une sorte de philosophie de base que nous apprécions."
Toutes ces influences et inspirations différentes mènent chez Mos à des projets tout aussi différents: maisons privées, écoles, bâtiments culturels, projets retail, installations, meubles, livres (pour enfants) et même des logiciels ou des films. Il y a dix ans, en collaboration avec une ONG népalaise, ils ont construit un magnifique bâtiment à Katmandou, qui abritera une administration, une bibliothèque et un orphelinat.
Autre projet notable, la Corridor House, pour la Biennale de Chicago en 2015. Avec ce concept, les architectes de Mos ont cherché à savoir s’il était possible de construire une maison uniquement à partir de couloirs et de portes, à l’heure où de plus en plus de maîtres d’ouvrage les zappent. "Dans notre studio, nous faisons tout le temps des essais, sans aucune hiérarchie. Mais nous sommes moins forts pour nous vendre. Nous sommes peut-être trop introvertis. Et nous n’allons pas dans les soirées", explique Meredith.
Les deux architectes ont eu des contacts avec Maniera il y a un moment et un respect mutuel s’est développé au fil du temps. Mos portait un regard approbateur sur les architectes et les designers avec lesquels Maniera avait travaillé dans le passé. Mos n’a pas l’habitude de concevoir des objets en soi; en général, il en crée dans le cadre d’un projet architectural. "Nous sommes d’abord des architectes et, ensuite, des designers. Nous aimons les limites, mais pas les frontières", déclare Sample.
Meredith et Sample ont vite compris que la collection serait axée sur l’extérieur. "Nous adorons la vie en plein air, ce qui revient régulièrement dans notre travail", indique Meredith. "De la Floating House que nous avons conçue au Canada, au milieu d’une rivière, à l’école de design Krabbesholm, orientée vers un grand jardin intérieur, en passant par le laboratoire en plein air Vivienda Welcome Center à Mexico: créer un lien entre l’intérieur et l’extérieur nous met en joie."
Une collection américaine
Mos a aussi créé tout le mobilier de leur maison de campagne, la House #10. "Une grande partie de ce mobilier pouvait également avoir du sens hors du contexte de cette maison, et nous avons perçu ce potentiel", explique M. Jacobs. "Le banc qui avait été conçu pour cette maison a servi de base à toute la série."
La collection que Mos a réalisée pour Maniera a été baptisée "American Furniture". Après mûre réflexion, les autres options étaient "More Amercian Stuff" ou, plus amusant, "Very American Sort of Maybe Not". Quoi qu’il en soit, il s’agit bien là d’une référence aux Shakers, mais aussi à une identité américaine un peu vague pour les Européens.
"Quand on pense au mobilier américain, on l’associe au style colonial ou à Eames. Il y a des musées qui regorgent de meubles américains, mais il est rare qu’un lien avec l’architecture soit fait. Pour nous, c’est indissociablement lié", déclare Sample.
Meredith réagit: "En ce moment, nous sommes un peu perdus face à cette identité américaine. Le livre 'Seven American Utopias' a été un point de départ important: l’architecte et professeur Dolores Hayden y décrit l’Amérique comme un projet utopique, une collection de cultures. Peut-être que c’est encore le cas. Et, bien que l’architecture soit une forme de culture très internationale et libérale, je pense que le travail d’un architecte en Amérique est radicalement différent de celui d’un architecte au Japon ou en Belgique. Ici, peu d’espace est laissé à l’expérimentation de détails et de matériaux, et souvent à cause des budgets. En même temps, nous ressentons une affinité avec des architectes au contexte totalement différent, comme le Japonais Go Hasegawa." Qui est également un architecte avec lequel Maniera travaille actuellement. Il n’y a pas de hasard.
"American Furniture" par Maniera x Mos. Du 28 au 30 mai, à la villa Roelants, Oude Brusselsestraat 15 à Lennik (réservation obligatoire sur le site de Maniera). Et du 5 juin au 18 septembre à la galerie Maniera, Place de la Justice 27-28 à Bruxelles.