Ces meubles au design innovant ont été révolutionnaires. Aujourd’hui la nouvelle génération de rééditions a tout compris des enjeux environnementaux.
La logique naturelle de Lina Bo Bardi
Lina Bo Bardi, Italienne d’origine et Brésilienne d’adoption, avait l’art d’utiliser les matériaux comme le faisaient les designers au Brésil, pays où elle a passé sa vie. Le design brésilien est notamment connu pour son utilisation abondante de matériaux locaux et naturels.
La Charlotte Perriand du Sud était à la recherche de la «logique naturelle» du bois brésilien. Aujourd’hui, certaines de ses créations, dont ce bar sur roulettes au look moderniste, sont rééditées par le label Etel.
En réhabilitant l’histoire du design brésilien et en reproduisant des meubles dessinés par l’architecte Oscar Niemeyer, le fabricant de meubles brésilien prend la durabilité très à cœur, tout comme les grands noms du design brésilien. Avec la notion en tête que la nature subit déjà suffisamment les ravages de la déforestation, Etel n’utilise d’ailleurs que des arbres qui ont déjà produit des plants ou qui sont tombés de mort naturelle.
Le bar sur roulettes de Lina Bo Bardi (1948), Etel, à partir de 6.893 euros, etel.design
Le pouf de Gatti, Paolini et Teodoro
S’il est un modèle qui s’est retrouvé dans tous les salons modernes et les chambres d’étudiants cool, c’est bien le Sacco de Gatti, Paolini et Teodoro, trois architectes italiens qui avaient une idée (à l’époque) révolutionnaire de ce que devait être le confort. À l’instar du Cameleonda de Bellini (plus loin), ce pouf illustre la façon dont l’habitat est devenu plus informel, un lieu où il est hors de question de s’asseoir de manière solennelle.
Ce pouf est aujourd’hui toujours en production chez Zanotta, mais dans une nouvelle version, à base de matériaux recyclés et biodégradables. Les microbilles qui le rendent si confortable sont en BioFoam et une seconde housse est également disponible en Econyl, un nylon italien fabriqué à partir de déchets de plastique récupérés dans la mer.
Le pouf des architectes Piero Gatti, Cesare Paolini et Franco Teodoro (1968), Zanotta, 810 euros, zanotta.com
Le sexy Soriana d'Afra et Tobia Scarpa
"Il est incompréhensible qu’un design aussi sexy ne soit plus en production. Aujourd’hui, le canapé Soriana trône dans les salons les plus cool de la planète", écrivions-nous l’année dernière. Cassina a dû nous entendre: l’élégant classique aux formes arrondies, conçu par le duo Afra et Tobia Scarpa sera remis en production à partir du mois de juin.
L’apparence de cette nouvelle édition reste inchangée -ce n’est pas pour rien que le canapé a remporté le Compasso d’Oro, le prix de design le plus prestigieux d’Italie, en 1969. Ses matériaux, en revanche, ont fait un bond en avant grâce à Cassina Lab.
Cassina Lab est une collaboration entre le centre de recherche et développement de ce fabricant de mobilier italien et l’équipe de Poli.design, intégrée à l’université technique Politechnico di Milano. Cassina Lab a ainsi conçu un processus de production plus écologique: le rembourrage en polyuréthane a été remplacé par de la mousse BioFoam qui est le premier rembourrage naturel breveté à base de bio polymères issus de sources naturelles et biodégradables.
Le canapé d’Afra et Tobia Scarpa (1969), Cassina, à partir de 2.995 euros, cassina.com
Le classique du rangement d'Anna Castelli Ferrieri
La designer de mobilier et architecte italienne Anna Castelli Ferrieri a joué un rôle de pionnière du mobilier industriel, à l’époque où le plastique ouvrait la voie à un avenir placé sous le signe du design abordable. En 1949, avec son mari, elle fonde Kartell dont elle devient la directrice artistique. La gamme Componibili est sa pièce signature.
Kartell, qui faisait autorité en matière de mobilier en plastique, a estimé qu’il était temps d’œuvrer à un avenir plus green. Avec le manifeste «Kartell Loves The Planet», la marque fait le plein de certificats -bois durable et réduction d’empreinte écologique. Les meubles de rangement Componibili, qui restent un des best-sellers du label, ne pouvaient pas zapper cette transition écologique.
À première vue, les Componibili Bio ne diffèrent pratiquement pas des originaux; par contre, leurs matériaux sont totalement différents. Cette nouvelle version n’est plus en plastique, mais réalisée à partir de déchets agricoles transformés en biomasse biodégradable, un matériau qui ressemble à s’y méprendre au plastique.
Le meuble de rangement d’Anna Castelli Ferrieri (1967), Kartell, 190 euros, kartell.com
Le tabouret iconique d'Alvar Aalto
Cette icône d’Alvar Aalto excellait déjà en matière de durabilité avant même que le terme ne fasse son apparition. Produire localement, respectueusement et dans un souci de durabilité, c’était déjà le fondement de la philosophie de l’architecte-designer finlandais. Tout comme les autres produits de son entreprise de mobilier, Artek, le Stool 60, un élégant tabouret empilable, reconnaissable à ses pieds en L, était fabriqué en bois local, soit en bouleau finlandais massif.
De nos jours, Artek continue de produire de manière aussi durable que possible. Pourtant, le Stool 60 a bénéficié d’une mise à jour: le vernis en phase solvant a fait place à une alternative en phase aqueuse.
En termes de durabilité, rien n’égale Artek 2nd Cycle. L’entreprise a toujours pensé que les meubles devaient appartenir à plusieurs générations et, depuis 2006, elle rachète ses propres pièces vintage, écumant pour cela les marchés aux puces, les vieilles usines, les écoles et les chantiers. Ensuite, elle les revend, et c’est la meilleure preuve que les meubles Artek sont faits pour durer longtemps.
Le tabouret d’Alvar Aalto (1933), Artek, 231 euros, artek.fi
Le petit bijou d'ergonomie de Barber et Osgerby
Grâce à sa base à bascule, cette chaise est un petit bijou d’ergonomie. En effet, on est automatiquement enclin à se pencher davantage vers l’avant, ce qui contracte les muscles abdominaux et dorsaux. Résultat: une meilleure posture, un détail non négligeable à l’heure où les douleurs dorsales induites par le télétravail se généralisent.
Fabriquée dans un seul moule, à partir d’un seul matériau, la chaise du duo de designers londoniens formé par Edward Barber et Jay Osgerby, est devenue un produit facile à produire et à recycler, tout en étant abordable. Seul bémol: elle était réalisée avec du plastique neuf.
Mais Vitra a trouvé la solution avec la Tip Ton RE, qu’elle produit en polypropylène recyclé de haute qualité. Détail frappant: comme aucun colorant n’est utilisé, la chaise n’est disponible que dans un gris finement moucheté, la couleur naturelle du matériau qui la compose.
La chaise d’Edward Barber & Jay Osgerby (2011), Vitra, 279 euros, vitra.com
La liberté totale de Mario Bellini
Nos parents avaient tort: les fauteuils ne sont pas faits pour s’asseoir bien droit, mais pour s’y vautrer ou s’y allonger. Tel était l’avis de Mario Bellini, qui a conçu le Camaleonda comme le canapé où tout est permis. Les modules d’assise carrés, les dossiers et les accoudoirs réglables avec mousquetons offraient à son design fonctionnel une infinité de possibilités, allant du simple fauteuil au canapé paysager accueillant plus de «bulles covid» qu’on ne pourrait en rêver!
La récente réédition évoque toujours cette «chillness» -Bellini, aujourd’hui âgé de 85 ans, y a veillé en personne- mais elle est désormais plus respectueuse de l’environnement. L’équipe R&D de B&B Italia a développé une structure entièrement neuve: le cadre et le rembourrage en plastique recyclé reposent sur une base en MDF sans formaldéhyde. De plus, le démontage et le recyclage ont été facilités, un détail important pour qui veut s’assurer que le canapé sera recyclé. Le revêtement amovible est durable, car il est en tissu provenant de bouteilles PET.
Le canapé modulaire de Mario Bellini (1970), B&B Italia, à partir de 2.511 euros, bebitalia.com