Bienvenue à la Maison Colbert | Une tête de lit en forme d’utérus et des homards surréalistes
Située à Londres, la Maison Colbert est le studio éclectique et extraordinaire de Philip et Charlotte Colbert. Les deux artistes surréalistes contemporains y expriment leur créativité sans bornes.
Certains couples ont un blason. L’union de l’artiste Philip Colbert et de la cinéaste et écrivaine Charlotte Colbert s’incarne dans un homard et un utérus, des symboles qui peuplent leur nouvelle maison de Spitalfields, à l’est de Londres, de multiples façons. Dissimulée derrière une façade victorienne dans une ruelle labyrinthique, la maison est un merveilleux univers de près de 560 mètres carrés au charme sensuel et à la mystique étrange.
“Nous avions une maison traditionnelle, mais désirions intégrer nos espaces d’atelier dans une résidence dédiée aussi bien à la vie qu’au travail”, explique Philip Colbert, qui crée avec succès des homards surréalistes aussi bien dans le monde réel que dans le métavers. Lobsteropolis, son extraordinaire ville interactive où vivent 7.000 avatars de citoyens homards, occupe une des plus grandes parcelles de la plateforme numérique Decentraland. “Nous sommes tous les deux amateurs de détails et aimons raconter des histoires. Nous voulions créer quelque chose de magique”, ajoute la Franco-Britannique Charlotte, qui a signé un premier long métrage, “She Will”, un thriller psychologique avec Malcolm McDowell.
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Maison Colbert
La maison du couple est un hommage à leur union romantique et créative. Pour la conception de leur lieu de travail et de vie, ils ont fait appel à Buchanan Studio, un cabinet de design londonien dirigé par Angus et Charlotte Buchanan. Après une réunion avec le couple commanditaire, l’équipe du Buchanan Studio s’est lancée. “J’ai compilé un document de références romantiques à la Tim Walker, d’images d’hôtel comme La Colombe d’Or et de scènes de films de Wes Anderson”, explique Angus, un ancien scénographe qui a travaillé comme directeur artistique pour le regretté Michael Howells. Ces références étaient basées sur une sensation. Leur univers est leur marque de fabrique et leur maison en est l’incarnation. Mais elle devait aussi avoir de la substance, être sensible et fonctionnelle. Au fur et à mesure qu’elle prenait forme, elle devenait plus arty, éclectique et extraordinaire: voilà comment est née la Maison Colbert.
La Maison Colbert est un merveilleux univers au charme sensuel et à la mystique étrange. Elle encourage le rêve lucide et la génération d’idées.
Pour Buchanan Studio, dont les projets richement détaillés vont des habitations privées aux espaces commerciaux, à l’image du restaurant londonien Wild By Tart à l’ambiance jungle, la Maison Colbert était une commande de rêve. Le projet démarre en 2019, après que les anciennes échoppes ont été remodelées et ouvertes par Chris Dyson Architects, spécialisé dans l’histoire et la rénovation du quartier de Spitalfields.
La visite de la Maison Colbert commence dans une cour intérieure pavée et se poursuit en montant dans le hall qui, de verdoyant et sombre, devient onirique et lumineux. Le hall est orné de fresques italiennes (on repère des globes oculaires peints dans les vignes), de statues classiques (anciens accessoires de scène), de deux homards en marbre et d’une fontaine garnie de seins d’où jaillit de l’eau.
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L’espace bar et conciergerie est habillé de rayures rouges et roses. Les clés à pampilles accrochées au mur sont inspirées du film “The Grand Budapest Hotel” de Wes Anderson. “L’humour vous prend au dépourvu”, sourit Angus Buchanan, qui souhaitait ajouter de la vitalité au hall d’entrée bas de plafond.
Oiseau totémique
De là, l’escalier en ferronnerie mène à la salle de jeu, avec un mur végétalisé conçu par Dyson Architects. Sur cette terrasse flottante se trouve une gigantesque sculpture d’oiseau totémique de Niki de Saint Phalle, une pièce murale en céramique déconstruite de l’artiste américaine Betty Woodman, des peintures de fleurs de Philip, ainsi qu’un portrait à l’huile de Charlotte réalisé par Francesco Clemente. Cet espace, bordé de livres et d’objets, se fond dans le salon ouvert qui va de la cuisine à la salle à manger; deux balançoires sont suspendues au plafond et un petit accessoire de cinéma laqué rouge est rangé sur un côté. La pièce maîtresse est une grande table basse ovale en marbre ornée d’un œil stylisé.
Meublés de sculptures et d’œuvres en forme de homard rouge vif, les murs sont d’une teinte rosée. Les statuettes bardées de seins roses et les symboles inspirés de l’utérus conçus par Charlotte dialoguent avec la collection d’art des XXe et XXIe siècles. “Les sens et le regard sont sollicités. Le projet global nécessitait une palette neutre”, commente Angus, qui a fait chauler la brique pour créer des murs en plâtre texturé.
“La maison est axée sur deux esprits créatifs, mais il était crucial que cela ne devienne pas un pastiche.”
Magie et tarot
La fascination du couple pour le symbolisme est évidente. “Je suis superstitieuse: je suis fascinée par les symboles, la magie et le tarot à travers les âges et les civilisations. Ils permettent une analyse psychologique en dehors des archétypes religieux et ils ont une signification émotionnelle et historique”, explique Charlotte.
Philip éclate de rire quand on aborde sa compulsion à s’entourer de homards. “J’interroge mon thérapeute à ce sujet tous les jours! Le homard, omniprésent dans l’œuvre des maîtres hollandais et de Salvador Dalí, est pour moi un memento mori: c’est un symbole profond qui voyage à travers le temps”, explique le créateur, venu à l’art après des études de philosophie. Dans un esprit néosurréaliste et pop art, il a imaginé le crustacé sous forme de NFT, de sculptures, de clavier d’ordinateur portable (tapant directement dans Decentraland), de T-shirts, de robots et, en hommage à Dalí, de téléphone. Philip, qui considère l’art comme un créateur de liens et un vecteur de valeurs positives, est suivi par des collectionneurs du monde entier.
“La maison est axée sur deux esprits créatifs, mais il était crucial que cela ne devienne pas un pastiche”, ajoute Charlotte. “Nous devions être très attentifs au contrôle qualité, car nous nous basions sur leurs créations pour les réinterpréter dans des objets – meubles, têtes de lit, tissus et décors –, tout en veillant à ce qu’ils restent fidèles au travail du couple”, précise Angus.
Vitrine exceptionnelle
La table de la salle à manger en marbre est entourée de chaises en métal de Charlotte représentant l’œil et un meuble qu’elle envisage de mettre en production. “Quand je me suis lancée dans la déco, j’ai réalisé à quel point elle pouvait être banale. La Maison Colbert est une vitrine exceptionnelle”, déclare-t-elle au sujet de son entreprise de design. Dans la chambre principale, lambrissée d’un bois qui rappelle les élégants intérieurs des maisons de Spitalfields construites par les huguenots, le regard est attiré par une autre de ses créations: une tête de lit en métal blanc et or. La mezzanine est meublée d’une banquette ondulée à trois places, recouverte d’un tissu texturé blanc cassé, tandis que quatre chambres mansardées (les chambres Homard, Cactus, Œil et Utérus) sont ornées de lambris à rainures et meublées de lits et de mobilier sur mesure.
Les Colbert se sont inspirés des maisons d’art. “La maison de Betty Woodman, près de Florence, raconte son histoire”, explique Philip Colbert, qui a également stimulé son imagination au contact du Palazzo Chupi de Julian Schnabel à Manhattan et du studio d’Alexander Calder en Indre-et-Loire. Leur collection d’art compte un Dalí, une céramique en 3D de Fernand Léger, des pièces de Jenny Holzer et de l’artiste et cinéaste britannique Jeff Keen. Une pièce extraordinaire de Martin Creed, une boule de papier froissé logée dans une boîte en Perspex déposée sur un socle, trône près de la cheminée. La Maison Colbert encourage le rêve lucide et la génération d’idées. “Pour moi, le succès consiste à rester jeune d’esprit, une attitude qui a une valeur réelle. C’est le défi ultime, un état d’esprit positif et c’est aussi l’esprit de l’art”, affirme Philip Colbert. Charlotte acquiesce: “Toujours rester curieux”, lance-t-elle. Le homard à côté d’elle semble esquisser un sourire approbateur.