Bienvenue dans l’intérieur d’Artur Tadevosian et de Florence Cools, les fondateurs du label La Collection

Bienvenue dans l’intérieur Art Nouveau d’Artur Tadevosian et de Florence Cools, les fondateurs du label de luxe durable La Collection. Mobilier vintage et art contemporain s’y côtoient.

“If you can dream it, you can do it.” Voilà des années que cette maxime figure au bas des e-mails d’Artur Tadevosian, cofondateur de la marque de mode de luxe anversoise La Collection. Si quelqu’un a réalisé ses rêves, c’est bien lui! L’histoire de ce réfugié arménien de 36 ans est un conte de fées contemporain qui se déroule dans une maison féérique sur la Cogels-Osylei à Anvers, célèbre pour ses maisons Art Nouveau. Florence Cools (34 ans) y joue le rôle de cerveau créatif de La Collection.

L’intérieur du couple est composé avec soin: détails architecturaux classiques, mobilier vintage et art contemporain. Difficile de croire que, jusqu’en 2018, ce joyau était une maison vétuste, habitée par une grande famille, ses chiens et ses chats. “Des gens adorables, mais qui n’avaient jamais fait de rénovations. Il n’y avait même pas d’électricité à l’étage!”, témoigne Florence Cools. “Nos parents nous ont déconseillé de l’acheter, mais nous, nous avions senti que c’était la maison qu’il nous fallait.”

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Le couple a mis trois ans pour lui redonner son âme et remettre en valeur les moulures de la salle à manger mauresque inspirée de l’Alhambra. Cet esprit “East meets West” caractérise le couple: elle, une jolie Campinoise qui a suivi une formation d’enseignante, mais rêvait d’une carrière dans la mode, et lui, un demandeur d’asile arménien arrivé en Belgique avec ses parents en octobre 1995, à neuf ans.

Florence Cools et Artur Tadevosian ont mis trois ans à rénover leur maison.
Florence Cools et Artur Tadevosian ont mis trois ans à rénover leur maison.
©Alexander D'Hiet

Un monde meilleur

Quand les Tadevosian arrivent en Belgique, ils doivent faire face à mille difficultés matérielles, mais, grâce à des connaissances, la famille est logée pendant cinq ans dans un couvent à Herentals, où le père d’Artur assure des services d’homme à tout faire. “J’étais l’enfant le plus pauvre de Herentals, mais j’étais en classe avec les enfants les plus riches. Dans l’enseignement belge, tout le monde bénéficie des mêmes chances. Depuis 25 ans que je suis en Belgique, je n’ai jamais ressenti de racisme. Tellement de personnes nous ont aidés! Il m’est impossible de les remercier; tout ce que je peux faire, c’est leur témoigner ma reconnaissance et veiller à ce que leur investissement en moi ne soit pas perdu. C’est cela qui me motive. Gagner de l’argent n’est pas un objectif, mais un moyen de rendre quelque chose à cette société dont j’ai tant reçu. Par exemple, si je vois que quelqu’un ne peut pas payer ses achats au supermarché, je fais l’appoint. Si tout le monde faisait de même, le monde serait meilleur, n’est-ce pas?”

Artur Tadevosian commence le droit à Louvain, qu’il abandonne pour travailler. Lors d’une soirée, il rencontre Florence Cools. “Pour nos premiers rendez-vous, nous faisions des road trips philosophiques”, se souvient-elle.

La décoration est un dialogue réussi entre mobilier vintage et art contemporain.
La décoration est un dialogue réussi entre mobilier vintage et art contemporain.
©Alexander D'Hiet
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Artur remarque que Florence pimpe ses vêtements pour en faire ses créations. “Une robe Zara à laquelle elle avait cousu des manches, une jupe teinte dans une couleur différente: elle donnait une touche perso à son look.” Florence aime la mode, mais s’inscrire à l’Académie de la mode d’Anvers ne lui est jamais venu à l’esprit. “Avec ma mère, j’achetais des vêtements de seconde main et des vieux tissus que je trafiquais. Pour gagner un peu d’argent, je travaillais dans une boutique de mode à Anvers.” Impressionné par son sens de la dégaine, Artur lui suggère d’ouvrir une boutique et, en 2010, ils inaugurent leur première enseigne dans le quartier de la mode à Anvers.

Le couple a déjà un nom, Damoy; il ne manquait plus que les collections. “À Paris, dans un salon, nous avons découvert que les marques travaillaient avec des showrooms pour les acheteurs comme nous. Sans aucune expérience, nous avons acheté, beaucoup trop.” Conséquence: des problèmes d’argent et d’approvisionnement.

©Alexander D'Hiet

Non à la mode jetable

“La pauvreté rend créatif”, affirme Tadevosian. Le couple décide de poursuivre l’aventure, mais autrement: il met en place un showroom de marques comme Anine Bing. “Nous voulions les représenter en exclusivité au Benelux ou dans le monde: il nous fallait donc un espace à Paris pour toucher des acheteurs internationaux.” Ils le trouvent place de la Concorde. Le showroom tourne bien, mais l’envie de lancer une collection titillait Cools. “Je m’y retrouvais de moins en moins dans tout ce bazar. Je voulais créer ce qui me plaisait.” En 2017, tout en continuant à faire tourner les showrooms Damoy à Paris et à Anvers, le couple lance La Collection. “Nous nous sommes promis que si quelque chose tournait mal, nous n’en voudrions jamais à l’autre”, sourit-il.

“J’ai découvert que le cuir végétal n’est pas si durable que ça. Nous avons donc décidé de faire fabriquer nos chaussures avec des chutes de cuir recyclées.”
Florence Cools

La Collection est une ligne exclusive et intemporelle de slow fashion, faite de matières durables de qualité. “Nous sommes opposés aux collections qui se succèdent rapidement. Nous ne nous laissons pas bousculer: nous avons déjà sauté des semaines de la mode parce que présenter notre collection à ce moment-là ne nous semblait pas approprié. Et si une pièce n’est pas prête, elle le sera pour la collection suivante. Présenter des vêtements d’été en hiver et solder avant l’été, je trouve ça très irrespectueux envers les couturières et les designers qui ont travaillé”, déclare Cools. “J’aime la mode parce que c’est une forme d’art intéressante, mais je déteste aussi ce petit univers pour sa superficialité. Le tapage, le snobisme et les castes, c’est non. Heureusement, l’envie de créer est toujours là.”

Les murs blancs sont la toile de fond parfaite pour leur collection d’art contemporain.
Les murs blancs sont la toile de fond parfaite pour leur collection d’art contemporain.
©Alexander D'Hiet

“La mode est une industrie polluante et les vêtements ont une durée de vie trop courte”, poursuit Tadevosian. “Si La Collection devait répondre aux exigences de l’industrie de la mode, nous devrions livrer plus vite et plus, dessiner plus de collections et produire dans des pays à bas salaires: nous ne nous voyons pas procéder comme ça.”

Cools: “Et sans faire d’économies sur la qualité. Tous les tissus sont produits spécialement pour nous. Nous voulons être une marque ‘guilt-free’: je ne veux pas que des animaux soient sacrifiés pour mes tissus ni que des personnes de la chaîne de production n’aient pas un salaire équitable. Je tiens à avoir les mains propres et c’est un combat de chaque jour. Nous remettons constamment notre produit en question. Par exemple, j’ai découvert que le cuir végétal n’est pas si durable que ça. Nous avons donc décidé de faire fabriquer nos chaussures avec des chutes de cuir recyclées. Nous voulons que notre empreinte ‘slow fashion durable’ marque les années à venir. Nous espérons que d’autres suivront, afin que notre impact dans le monde de la mode se développe. Si on change nos habitudes d’achat, l’industrie s’adaptera.”

©Alexander D'Hiet

Reconnaissance de Vogue

Bien sûr, cette approche durable, transparente et consciente a un prix: La Collection est chère. La robe blazer “Modesty” ou le trenchcoat “Elin” coûtent respectivement 1.250 et 1.150 euros. “Nos clients sont prêts à payer ce prix si nous pouvons leur garantir que notre produit est bon. Ceux qui portent La Collection sont heureux de s’inscrire dans une histoire responsable. Nous sommes attachés à notre vision et, à chaque collection, de nouvelles personnes nous découvrent et nous suivent – clients, stylistes, acheteurs et détaillants.” Dont Edward Enninful, le rédacteur en chef du British Vogue. Au printemps 2020, il a personnellement fait savoir à Cools qu’il souhaitait emprunter une robe pour une couverture avec “quelqu’un de célèbre”: Judi Dench!

©Alexander D'Hiet

Une reconnaissance qui est venue naturellement, tout comme l’intérêt que des sites de mode en ligne tels que Net-A-Porter et MatchesFashion ont porté à La Collection dès les premières collections. “C’est un honneur incroyable, même si, bien entendu, nous ne contrôlons pas la façon dont est présentée et vendue notre marque. C’est pour cela que notre propre boutique est si importante: c’est le seul lieu physique où nous pouvons veiller sur notre ADN”, déclare Cools. “Pour nous, La Collection n’est pas une marque, mais une maison, un endroit où nous partageons tout ce qui nous inspire, de l’art à la musique, du design à la mode durable. Notre boutique n’est pas un espace réservé à l’achat de vêtements: nous y organisons aussi des expositions de talents que nous avons découverts.”

Les plateformes de mode en ligne comme Net-A-Porter et MatchesFashion ont manifesté leur intérêt pour La Collection dès les premières collections.
Les plateformes de mode en ligne comme Net-A-Porter et MatchesFashion ont manifesté leur intérêt pour La Collection dès les premières collections.
©Alexander D'Hiet

À partir du 16 février, une exposition solo d’Aythamy Armas sera présentée dans la boutique anversoise. L’artiste espagnol est fan de La Collection. Tadevosian et Cools ont accroché un de ses dessins dans leur salon, ajoutant un nom à leur collection qui accueille déjà Ileana Moro, Eleanor Herbosch, Tessa De Rijk et Marlies Huybs; autant d’artistes à l’esthétique tactile et minimaliste qui ont été exposées dans leur boutique. “Pour moi, l’art est une expression de la liberté”, déclare Tadevosian. “Une œuvre d’art, vous l’interprétez comme vous voulez. Tout ce que vous voyez aux murs de notre maison et notre boutique correspond à notre goût, pas à celui d’un architecte d’intérieur à qui nous aurions fait appel. Quand on nous demande qui est l’architecte d’intérieur de la boutique, nous répondons: c’est nous.”

©Alexander D'Hiet

130.000 followers

Instagram est une autre façon de présenter leur ADN. Cools a quelque 130.000 followers. “Sans plan marketing”, précise-t-elle. “Je l’ai ouvert à l’époque de Damoy, bien avant que La Collection n’existe. Au début, je postais mon ‘outfit of the day’. Ça marchait bien, les gens réagissaient et voulaient acheter le look.” Cools aurait pu devenir influenceuse. Aujourd’hui encore, elle est sollicitée pour toutes sortes de collaborations. “Je refuse. Tant dans la mode que sur les réseaux sociaux, la crédibilité est primordiale”, affirme-t-elle. “Instagram est un canal de communication idéal doublé d’un mood board vivant. Sans cette application, nous n’existerions pas en tant que marque: elle nous a donné une voix. Je peux exprimer ou montrer ce que je veux. Et notre public s’est élargi.”

“Tout ce que vous voyez aux murs de notre maison et notre boutique correspond à notre goût, pas à celui d’un architecte d’intérieur à qui nous aurions fait appel.”
Artur Tadevosian

La Collection s’est développée parallèlement et emploie aujourd’hui 35 personnes. À cette échelle, il n’est plus possible d’improviser, comme aux premiers jours de Damoy. Maria, la sœur cadette de Tadevosian, qui occupait un poste de premier plan chez ING, est depuis peu la CEO. De grands défis l’attendent, à commencer par l’arrivée d’une première ligne d’intérieur, composée principalement d’objets en métal. Et cette année, La Collection ouvrira son premier flagship store à Paris, où le couple vit à temps partiel. Cette étape logique est lourde financièrement. “Nous étions à la recherche de locaux depuis un certain temps; le rêve est devenu réalité”, sourit Tadevosian. “Dans nos cœurs, nous sommes très français, et notre boutique parisienne nous permet de toucher le monde entier.”

La marque belge de slow fashion est donc passée à la vitesse supérieure. Parviendront-ils à garder ses fondamentaux “slow”? Florence Cools deviendra-t-elle plus entrepreneuse que créatrice? “L’entreprise est un bébé que je préfère garder le plus longtemps possible près de moi. Mais je n’assure plus le suivi de la production entièrement moi-même, car cela demandait tellement de temps que la création devenait plus un hobby qu’une profession”, ajoute-t-elle. “Artur et moi travaillons pour notre entreprise sept jours sur sept.”

Ce rythme sera-t-il tenable? Y aura-t-il un jour de la place dans leur vie pour des enfants? “Pour le moment, nous sommes heureux avec notre chien, Osy. But if you can dream it, you can do it.”

L’exposition solo d’Aythamy Armas

| À partir du 16 février chez La Collection
| Steenhouwersvest 46, à Anvers
| www.lacollection.be

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