Coup d’œil dans une maison de campagne contemporaine à Sedan

Depuis le début de la crise sanitaire, le photographe bruxellois Serge Anton vit en partie à Sedan. Il s'est installé dans la maison de ses arrière-grands-parents qui a été rénovée de fond en comble.

"Il arrive parfois que les voisins déposent de quoi manger devant ma porte. Le boulanger m’a donné une baguette et le boucher m’a offert une salade au lard dans un Tupperware. Pendant le confinement, ils m’ont même demandé s’ils ne pouvaient pas faire des courses pour moi. Ici, il y a une solidarité incroyable." Manifestement, le photographe bruxellois Serge Anton est déjà bien intégré dans son nouveau lieu de vie, Sedan, dans les Ardennes françaises

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 Serge Anton a commencé à rénover la maison de ses arrière-grands-parents il y a trois ans.
Serge Anton a commencé à rénover la maison de ses arrière-grands-parents il y a trois ans.
©Serge Anton

Vous avez peut-être retenu de votre cours d’histoire que l’armée de Napoléon III fut anéantie par les troupes prussiennes lors de la bataille de Sedan en septembre 1870. Exactement 150 ans plus tard, c’est là qu’Anton a planté son drapeau.

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Il a rénové la maison "oubliée" de ses arrière-grands-parents dans les Ardennes françaises. Et depuis la crise du coronavirus, il y passe 60% de son temps.

Rénovation intensive

"Quand mon père était mourant, il a évoqué ses souvenirs de la maison familiale de Sedan. ‘Serge, promets-moi que tu ne vendras pas notre maison et que tu en feras quelque chose’, m’avait-il demandé. Je n’y étais plus allé depuis des décennies. Et lui non plus: il n’y avait même jamais vécu, la maison était vide depuis vingt ans. J’ai commencé à la rénover il y a trois ans."

 Construite il y a cent ans, la demeure était complètement isolée dans les bois. Elle se trouve aujourd'hui en périphérie de Sedan.
Construite il y a cent ans, la demeure était complètement isolée dans les bois. Elle se trouve aujourd'hui en périphérie de Sedan.
©Serge Anton

La première année après son achèvement, je n’y suis presque pas allé, mais, quand la crise sanitaire a éclaté, j’ai décidé de m’y confiner. Le choix était vite fait: à Bruxelles, j’ai un loft avec une petite terrasse alors qu’ici, j’ai un jardin de 1.000 mètres carrés. La pandémie a été le déclic pour y passer beaucoup plus de temps."

Serge Anton est moitié belge, moitié français. Ses arrière-grands-parents avaient fait construire cette bâtisse à Sedan en 1920, il y a exactement un siècle. "À l’époque, elle était  complètement isolée dans les bois. Maintenant elle est en périphérie de la ville", explique-t-il. "Enfant, j’allais parfois en vacances chez mes grands-parents. Dans ma mémoire, il pleuvait tout le temps."

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Serge Anton a abordé la maison avec un grand sens des textures et des matériaux chaleureux.
Serge Anton a abordé la maison avec un grand sens des textures et des matériaux chaleureux.
©Serge Anton

Pourtant, le climat n’est pas si mauvais dans les Ardennes françaises. "En été, il peut facilement faire 35°C. Sur la piste de pétanque que j’ai aménagée à l’extérieur, on a l’impression d’être en Provence. Le réchauffement climatique va rendre cette région plus attrayante. L’Europe du Sud connaît déjà une chaleur insoutenable pendant les mois d’été et l’on constate que beaucoup de gens quittent leur appartement au Maroc ou dans le sud de l’Espagne."

"La vie à la campagne réserve plus de contacts sociaux qu’on ne l’imagine."
Serge Anton

Ce n’est pas un hasard si Serge Anton cite le Maroc: en tant que photographe d’intérieur, de portrait et de voyage, il y passe plusieurs semaines par an pour des reportages, mais aussi pour des projets de livres ou des séries de photos, qu’il expose et vend avec succès.

"En effet, j’aime beaucoup voyager. J’ai déjà visité énormément de beaux endroits dans le monde. J’ai vu beaucoup de gens quitter Bruxelles pour s’installer dans des lieux exotiques. Mais beaucoup finissent par revenir: il y a toujours quelque chose qui leur manque. Ce n’est pas toujours mieux là-bas qu’à Bruxelles."

C'est Serge Anton même qui a coordonné la rénovation, sans la déléguer à un architecte.
C'est Serge Anton même qui a coordonné la rénovation, sans la déléguer à un architecte.
©Serge Anton

Sedan versus Bruxelles

Sedan n’est pas forcément mieux que Bruxelles non plus. Anton explique que c’est juste "le bon moment" pour y passer davantage de temps. "Quand j’avais une trentaine d’années, la capitale représentait tout pour moi: je ne pouvais pas concevoir de vivre hors de Bruxelles. Au départ, je pensais  vendre la maison de Sedan parce que je ne me voyais pas vivre dans cette ville. Mais, à 54 ans, mes cartes sont différentes."

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©Serge Anton

La ville me manque de moins en moins. En raison de la crise du coronavirus, je suis resté ici pendant des mois. Pendant le premier confinement, j’ai vu les feuilles pousser sur les arbres et, lors du deuxième, tomber en tourbillonnant. Ici, les saisons rythment la vie et elle s’écoule beaucoup plus lentement. À Bruxelles, mes amis n’ont jamais le temps de se voir, car ils sont toujours très occupés."

"Ces trois dernières années, je me suis fait plus d’amis ici qu’à Bruxelles. Seul inconvénient: tout le monde sait tout sur tout le monde. Quand je suis à Sedan, je rêve de la vie multiculturelle de Bruxelles et quand je suis à Bruxelles, surtout si je suis bloqué dans les embouteillages ou qu’il y a trop de pollution, je rêve d’être à Sedan."

"L’avantage, c’est que Sedan n’est qu’à deux heures d’ici. C’est autre chose que d’avoir une résidence secondaire à Marrakech, où il faut compter une journée de voyage."  

Serge Anton a dû composer avec de petits espaces, la maison faisant une superficie au sol de 64 m².
Serge Anton a dû composer avec de petits espaces, la maison faisant une superficie au sol de 64 m².
©Serge Anton

Autodidact en architecture

"À Sedan, on m’appelle ‘le Belge’, mais on oublie que mes racines sont ici", sourit Serge Anton. Pourtant, sa rénovation n’a rien d’ardennais: il a abordé la maison avec l’esprit contemporain qui le caractérise -relax, ouvert et avec un grand sens des textures et des matériaux chaleureux.

"La maison est indépendante et mesure 8 mètres sur 8. Elle n’est donc pas vraiment grande. De plus, elle était subdivisée en petites pièces. J’ai tout ouvert pour y laisser entrer un maximum de lumière. Le résultat est top: le soleil d’hiver qui affluait ici ce matin était une bénédiction."

Le père de Serge Anton était architecte paysagiste et professeur de volumétrie. C’est de lui qu'il tient le sens de l’espace.
Le père de Serge Anton était architecte paysagiste et professeur de volumétrie. C’est de lui qu'il tient le sens de l’espace.
©Serge Anton

J’ai coordonné la rénovation moi-même, sans la déléguer à un architecte. À Bruxelles, j’ai également mené plusieurs rénovations et aménagements, tant résidentiels que commerciaux. J’ai ça dans le sang: mon père était architecte paysagiste et professeur de volumétrie. C’est de lui que je tiens ce sens de l’espace."

"Même si je n’ai pas étudié l’architecture, je réalise tous mes projets avec le feeling d’un autodidacte. J’aime me mettre dans la peau d’un bâtiment, sentir ce qu’il faut en faire. C’est de l’intuition à l’état pur, mais ça marche."

Même si Serge Anton reçoit beaucoup de demandes, il ne loue pas sa maison.
Même si Serge Anton reçoit beaucoup de demandes, il ne loue pas sa maison.
©Serge Anton

Centre culturel

L’arrivée de Serge Anton n’est pas passée inaperçue à Sedan. Il a déjà fait plusieurs fois la une du quotidien local, ce que le maire a beaucoup apprécié. "Le jour où un hangar à bateaux vide, qui se trouvait sur une île de la Meuse, a été mis en vente, j’ai été le premier à avoir l’opportunité de l’acheter." Anton a le projet d’en faire un centre culturel, où des artistes de différentes disciplines travailleront ensemble sur des projets communs. 

Serge Anton n'a pas opté pour le style ardennais dans sa maison de Sedan.
Serge Anton n'a pas opté pour le style ardennais dans sa maison de Sedan.
©Serge Anton

"Ce centre culturel devrait ouvrir ses portes dans un an. L’objectif est que l’initiative donne une certaine visibilité à cette région frontalière", explique Anton. "L’immobilier est encore très abordable ici: on peut y trouver une maison pour 70.000 euros. De nombreux Belges viennent s’installer dans les Ardennes françaises, souvent pour profiter de la chasse."

"Comme nous allons moins voyager et nous sédentariser davantage, les gens vont redécouvrir les Ardennes. Je ne loue pas ma maison, bien que j’ai déjà reçu une trentaine de mails à ce sujet: je la réserve à ma famille!"