La designer d'intérieur américaine Kelly Wearstler a choisi la société belge Serax pour sa première collection d'arts de la table. Bienvenue dans son "surf shack" à Malibu.
"L'esthète ultime". "La gourou de la déco". "L'architecte d'intérieur la plus importante d'Amérique". Les couvertures des magazines n'hésitent pas à user de superlatifs: Kelly Wearstler (56 ans) est une star aux États-Unis. Depuis sa première mission au milieu des années 90, le relooking de l'hôtel "Avalon" à Beverly Hills, elle est passée du statut de free-lance à impératrice. Parmi ses réalisations les plus marquantes, citons les hôtels "Proper", une chaîne américaine de boutique hôtels de luxe, et les résidences de personnalités aussi célèbres que Gwen Stefani, Elton John et Cameron Diaz. Parallèlement, elle a développé sa propre ligne, un site de vente en ligne de meubles et d'objets et une agence pour représenter des artistes contemporains. La liste de ses collabs est interminable: Louis Vuitton, Maison Margiela, Rotganzen, Farrow & Ball, Christie's, Wallpaper...
Dernière en date, une entreprise belge, Serax, qui a fait appel à elle pour une vaste collection d'arts de la table. Il est clair que, depuis un certain temps, l'Américaine se focalise sur l'Europe, mais comment en est-elle venue à travailler avec une entreprise belge? Kelly Wearstler: "Cela fait des années que j'intègre des produits Serax dans mes projets; principalement dans des hôtels, mais leur offre répond aussi aux besoins de mes projets résidentiels. Je rêvais depuis longtemps de créer ma propre collection d'arts de la table. Le sujet revenait régulièrement sur le tapis et le moment s'est avéré opportun. Qu'il s'agisse d'un lunch convivial avec quelques amis ou d'un dîner pour une centaine de personnes, pour moi, organiser des dîners est synonyme de détente ultime."
"Le mode de vie des résidents et l'environnement sont déterminants dans tous mes projets. Je recherche toujours une histoire à raconter et il n'en a pas été autrement ici."Kelly Wearstler
Surf shack
Ce genre de réception peut aisément être organisée dans sa résidence de Beverly Hills, une villa de 1926 qu'elle a achetée à la famille Broccoli (les producteurs des James Bond). En cette fin d'été, je la contacte par vidéo call dans son "surf shack" de Malibu, où elle passe ses vacances en famille. Pendant trente ans, cette "cabane de surf" années 50 a été inoccupée, jusqu'au jour où son œil la repère. Les éléments d'origine fourmillent: panneaux muraux en orme, sols sombres en terrazzo, portes coulissantes japonaises. Le voisin? C'est l'océan Pacifique. "C'est un endroit qui nous correspond: toute ma famille fait du surf et nous adorons passer notre temps libre à la plage."
Ce mode de vie en plein air a naturellement trouvé sa place à l'intérieur de la maison. "Le mode de vie des résidents et l'environnement sont déterminants dans tous mes projets. Je recherche toujours une histoire à raconter et il n'en a pas été autrement ici." L'utilisation de portes et fenêtres coulissantes a été maximisée, afin de permettre à l'air marin d'affluer à l'intérieur. L'abondance de lumière naturelle joue avec les croisillons des panneaux et agrandit les pièces. Et, quel que soit l'endroit où l'on se trouve, le regard est attiré par l'océan. Wearstler est connue pour son mélange audacieux de couleurs, matériaux et textures. Dans sa maison de vacances, elle a opté pour des tons de terre apaisants, des matériaux naturels, un look bohème épuré et des plantes tropicales à l'intérieur et à l'extérieur.
Neuf et vintage
Comme dans tous ses projets, la designer crée un dialogue harmonieux entre neuf et vintage. Ce "surf shack" était l'endroit idéal pour mettre en valeur quelques pièces caractéristiques qu'elle a achetées en ligne ou lors de ventes aux enchères et qu'elle chérit depuis des années, comme le "Rope Lounge Chair", un fauteuil années 50 en jute et acier de Dan Johnson, une chaise métallique minimaliste de Comme des Garçons, un canapé Cassina années 70, une table en marbre de 1987 de Mario Bellini et le "Wiggle Side Chair" de 1972 de Frank Gehry.
En accord avec ces pièces vintage, on trouve des pièces récentes telles qu'une console en bois noir de Base 10, un studio de création de mobilier de Los Angeles, des chaises en plâtre du jeune designer autrichien Lukas Gschwandtner et une chaise de Ryan Belli.
"Quand j'étais petite, ma mère, antiquaire, m'emmenait aux puces, dans les magasins de seconde main et aux foires d'antiquités. Cela m'a beaucoup influencée."Kelly Wearstler
"Mes intérieurs sont à l'image de mon style vestimentaire: 'something old, something new'", confie-t-elle. "Quand j'étais petite, ma mère, antiquaire, m'emmenait aux puces, dans les magasins de seconde main et aux foires d'antiquités. Cela m'a beaucoup influencée: je ne peux pas imaginer un projet sans quelques pièces historiques. Elles apportent tellement de caractère à un espace!"
Dans ses résidences, l'Américaine peut laisser libre cours à son audacieux mix & match, mais lui arrive-t-il d'être freinée dans ses élans? "J'aime prendre des risques. Un intérieur doit surprendre. Avec un bon design, on découvre toujours quelque chose de nouveau. Les amateurs de minimalisme ne font pas appel à moi, mais il va de soi que chaque projet demande une concertation. En tant que designer, vous devez faire preuve d'ouverture d'esprit, et c'est vrai qu'il m'arrive de ne pas être suivie. Mais cela ne me pose aucun problème, car tous ces points de vue différents me font progresser."
Avec une mère qui a éveillé très tôt son intérêt pour le design et un diplôme d'architecte d'intérieur et de graphiste en poche, la carrière de Kelly Wearstler semblait toute tracée. Pourtant, au début des années 90, elle quitte sa ville natale de Myrtle Beach (Caroline du Sud) pour s'installer à Los Angeles, dans l'espoir de décrocher un job dans l'industrie du cinéma. Après quelques petits boulots, elle décide finalement de se consacrer au design d'intérieur. Détail piquant: Kelly est repérée par Playboy et les sous gagnés lors de cette séance photo lui permettent de financer le lancement de son entreprise.
Un an plus tard, en 1995, le promoteur Brad Korzen lui demande de relooker l'hôtel "Avalon" à Beverly Hills. Une mission qui change sa vie: son travail est acclamé. Son entreprise décolle, et, effet collatéral, elle tombe amoureuse de Brad Korzen: ils se marient et sont toujours ensemble aujourd'hui.
Bring some drama
Bien que la maison de vacances du couple dégage une atmosphère décontractée, avec ses tons doux et son bois chaleureux, la devise de Wearstler, "bring some drama to the room", se retrouve ici aussi. Pour ses projets d'hôtels et de résidences, elle la concrétise en couvrant un mur de tapisserie peinte à la main, en concevant un meuble spécialement pour un espace ou en transformant un tapis au motif accrocheur en tapis d'escalier. "L'important, c'est qu'il n'y ait pas de combat dans l'espace, explique-t-elle. Seul un élément peut attirer toute l'attention, les autres doivent se limiter à le mettre en valeur. Cependant, il n'est pas nécessaire d'opter pour un design spectaculaire: un parti pris discret est aussi une bonne carte à jouer."
L'art joue également un rôle crucial en tant qu'élément dramatique potentiel. Sur son site web, on trouve des noms d'artistes américains, mais aussi néerlandais, autrichiens et italiens, des artistes émergents ou établis avec lesquels elle a collaboré au fil des ans et qu'elle réunit sur une même plateforme.
"L'art est extrêmement important pour moi", déclare-t-elle. "À l'instar de votre style vestimentaire, votre intérieur en dit long sur vous. Le choix d'une peinture, d'une sculpture ou d'une œuvre abstraite particulière apporte une touche personnelle. Dans mon équipe, il y a un conseiller en art qui m'aide à constituer une collection et à l'harmoniser avec mes choix: c'est une interaction indispensable. Si les clients ont une collection, c'est elle qui donne le ton. Une œuvre que l'on adore constitue le point de départ idéal pour aménager sa maison."
Dans le "surf shack" familial, c'est l'œuvre de l'Américain Jean Alexander Frater qui a joué ce rôle, une composition tissée qui contraste magnifiquement avec les lambris de bois et crée un élégant jeu d'ombres.
Au cœur de la maison de vacances se trouve la cuisine, un chaleureux espace en bois sur mesure. Les céramiques qui trônaient autrefois dans l'armoire ouverte au-dessus du plan de travail ont fait place à la collection d'art de la table qu'elle a conçue pour Serax. Celle-ci se compose de deux séries, "Zuma" et "Dune", et comprend plus de cent pièces: assiettes, bols et tasses de différentes couleurs, verres teintés, plats, étagères, plateaux de service en bois, couverts en acier et vases en marbre.
Voyage créatif
Wearstler a choisi de créer pour la table deux atmosphères différentes, qui peuvent être panachées. "Tout comme un intérieur, une table doit inspirer. C'est ce qui fait la beauté de ces collections: il y a tellement d'options qu'on peut à chaque fois créer un décor unique. 'Zuma', avec ses motifs en grille, ses couleurs affirmées et ses verres ambrés, est un peu plus décorative et s'accorde parfaitement avec une table vivante et abondamment garnie. 'Dune', avec son mélange de céramiques mates et brillantes, ses arêtes et ses bords marqués, est plus architecturale. Je travaille avec de nombreux chefs étoilés qui veulent que leur création parle dans l'assiette, et non l'inverse."
La prochaine étape? La question n'est pas vraiment de mise, car entre l'interview et cette publication, Kelly Wearstler a déjà partagé de nombreuses réalisations sur son compte Instagram (2,1 millions d'abonnés). De plus, elle laisse entendre que des projets avec Serax, ainsi qu'avec d'autres labels internationaux, sont en vue.
Il est cependant clair qu'elle est prête à faire le grand saut vers l'Europe. "Je considère chaque projet comme un voyage créatif."
La collection de Kelly Wearstler pour Serax
| Disponible dans les magasins spécialisés ainsi que sur serax.com
"Kelly Wearstler: Synchronicity"
| Éditions Rizzoli
| 72,95 euros