Nous avons demandé à trois professionnels artistiques d'interpréter à leur manière la tradition estivale ultra-belge des fleurs de plage en papier crépon.
01 | Mira et Valerii Tsybukovska
Qui? Il y a une douzaine d’années, Mira et Valerii ont façonné leurs premières fleurs en papier. Peu après, le couple a fondé Mio Gallery. À l’époque, ils vivaient à Kyiv et, quand ils se sont installés à Anvers, il y a un peu plus de trois ans, ils ont continué à faire des fleurs en papier. En plus d’une boutique en ligne proposant leur collection de fleurs en papier prêtes à l’emploi, ils réalisent des installations sur mesure. Leurs clients s’appellent Gucci, Guerlain et l’hôtel cinq étoiles Botanic Sanctuary à Anvers.
Quoi? Une installation avec des coquelicots énormes. Mira: "Ce sont mes fleurs préférées, surtout parce que j’ai réussi à mettre au point une technique pour donner aux pétales un aspect froissé parfait. Ils semblent presque réels. J’ai passé quatre ans à chercher la bonne méthode pour obtenir cet aspect spécifique. Beaucoup tentent de l’imiter, en vain. Même quand Valerii essaie, il obtient un résultat légèrement différent. Ce n’est pas super compliqué, mais c’est un peu comme l’écriture: personne ne parvient à l’imiter exactement."
"Ce que je fais est plus raffiné et plus complexe. Il m’arrive de travailler toute une journée sur une seule fleur."
Inspiration? Mira: "Je voulais amplifier et exagérer la tradition des fleurs de plage. Je me souviens qu’enfant, je me sentais très petite et que le monde autour de moi me semblait gigantesque. Les bâtiments, les adultes, les voitures, tout était immense. C’est ce sentiment que je voulais évoquer. Cela donne quelque chose de magique, car en grandissant, on perd complètement cette perspective."
Processus? Mira et Valerii fabriquent leurs fleurs principalement à la main. Au fil des ans, ils ont développé différentes machines pour les aider à découper les pétales.
Connaissez-vous la tradition? "Lorsque nous sommes arrivés en Belgique et que les gens ont découvert notre travail, tout le monde nous a parlé de cette tradition. Nous n’en avions jamais entendu parler auparavant. Mais apparemment, nous avons eu une bonne intuition de venir en Belgique avec nos fleurs en papier!", s’exclame Mira en riant. "Nous sommes également allés sur la côte belge et avons observé la tradition. Cependant, nos deux fils ne sont pas encore tout à fait convaincus. Ils préfèrent jouer au football."
02 | Isabelle de Borchgrave
Qui? "Le papier est mon médium", lance Isabelle de Borchgrave, l’artiste bruxelloise célèbre pour ses costumes en papier et ses peintures sur origami. Elle travaille également le bronze. De nombreux créateurs de mode et labels de design lui ont déjà proposé des collaborations, notamment Walter Van Beirendonck, Comme des Garçons, Dior, Hermès, Lanvin, Villeroy & Boch et Pierre Frey.
Quoi? L’artiste a réalisé une vingtaine de tulipes en papier. "Des variétés, des couleurs et des motifs très divers. Avec le bulbe ou coupées. Je montre la diversité de cette fleur apparemment simple, à cinq pétales", explique De Borchgrave, qui a réalisé une étude pour cette série en faisant notamment sécher des pétales. "Dès qu’on les examine attentivement, on s’aperçoit qu’ils sont très complexes." Toutes les fleurs en papier pourront être admirées lors de l’exposition qu’elle organise cet été à la Galerie Berko, à Knokke.
Inspiration? "En plus des natures mortes florales classiques et des anciens modèles botaniques en papier, je me suis inspirée des fleurs de plage. Pour les enfants, il s’agit surtout de fantaisie et d’imagination. Ce que je fais est plus raffiné et plus complexe. Il m’arrive de travailler toute une journée sur une seule fleur."
Fleur préférée? "La renoncule, avec ses innombrables pétales."
Enfant, faisiez-vous aussi des fleurs en papier? "Absolument, mais les fleurs étaient plus simples il y a 70 ans qu’aujourd’hui. Nous n’avions que trois couleurs de papier crépon, et pas de tutoriels sur YouTube. Cependant, l’aspect sympathique est resté. Parce qu’on paie encore avec des coquillages et non avec de l’argent. On ouvre sa boutique et on attend. C’est alors que la vie commence: on rencontre de parfaits inconnus. La langue ou l’origine n’ont pas d’importance. Tout le monde achète, échange et joue avec tout le monde. Il n’est pas nécessaire de demander la permission à qui que ce soit. La plage appartient à tous. La liberté à l’état pur."
Quel est votre lien avec Knokke? "Enfant, je passais tous les étés à la côte avec mes parents. Plus tard, j’y suis allée à mon tour, avec mes enfants. Il y a quelques années encore, je louais une maison au Zoute, près de la plage. C’était merveilleux. Knokke fait vraiment partie de notre histoire familiale. Je peins souvent la mer, la plage et la nature de la côte. Elle est toujours la même, et toujours différente."
"Œuvres Récentes"
Du 27 juillet au 18 août
Chez Berko Fine Paintings,
Kustlaan 163 à Knokke
| www.isabelledeborchgrave.com |
03 | Davide Capasso
Qui? Le fleuriste Davide Capasso a ouvert son atelier il y a un an seulement, mais son travail a déjà pu être admiré à Bozar, au CAB, à l’Hôtel Max Hallet de Victor Horta, ainsi qu’à des mariages et d’autres événements. Une fois par semaine, il réalise des bouquets sur commande. Le Bruxellois utilise autant que possible des fleurs de saison, bio et cultivées localement, et s’inspire de l’art floral japonais, l’ikebana. Après avoir étudié la photographie, il a travaillé pour plusieurs galeries, dont Almine Rech. Né en Italie d’un père italien et d’une mère belge, il s’est installé à Bruxelles à cinq ans.
"Les fleurs d’Afrique ou d’Amérique du Sud n’ont pas leur place chez moi."Davide Capasso
Quoi? "Au lieu créer des fleurs en papier, j’ai réalisé une scénographie avec de vraies fleurs et plantes auxquelles j’ai ajouté des détails en papier en guise d’éléments ludiques, comme des pétales roses sur le cotinus et des fleurs sur la digitale pourpre. J’ai aussi enveloppé certaines branches de papier crépon. Même parmi la mousse, on peut voir des éléments en papier."
Processus? "Quand j’ai commencé comme fleuriste, j’ai juré de ne plus utiliser de mousse florale (Oasis). Cette mousse verte est jetée après une seule utilisation et n’est pas biodégradable. Comme c’était incompatible avec mon amour de la nature, j’ai développé mes techniques de composition florale. Par exemple, j’utilise des vases et des pipettes réutilisables, que je camoufle avec de la mousse. Ça prend plus de temps, mais pour moi, ça en vaut la peine."
Fleur préférée? "C’est comme choisir un de ses enfants! Disons que je suis très heureux que les saisons me permettent de travailler toujours une espèce différente. Je me procure mes fleurs dans les champs des producteurs à Malines et à Beersel. Comme il n’y a pas de fleurs en Belgique en hiver, j’achète des fleurs d’Europe. Les fleurs d’Afrique ou d’Amérique du Sud n’ont pas leur place chez moi."
Enfant, faisiez-vous aussi des fleurs en papier? "En fait, non. Je passais tous mes étés dans ma famille italienne. Mais je connais la tradition, grâce à la famille de ma mère. Elle a grandi à Bruxelles, mais son père était de Coxyde. Chaque été, elle allait à la côte et fabriquait des fleurs en papier crépon sur la plage. Quand j’étais petit, mon arrière-grand-mère était encore en vie et nous lui rendions parfois visite dans sa charmante petite maison de pêcheur à Coxyde. Aujourd’hui, cette maison abrite le Jommekeshuis, un petit musée."
Dites-le avec des fleurs!
Les fleurs en papier crépon que l’on vend à la plage découlent d’une tradition belge. Dans aucun autre pays, on ne voit ces joyeux étals où les enfants vendent les fleurs en papier de toutes les couleurs qu’ils ont fabriquées. Depuis 2021, ces fleurs sont officiellement reconnues patrimoine immatériel. On ne sait pas exactement où, quand et comment elles sont apparues, mais les spécialistes du patrimoine pensent qu’elles viendraient des corsos fleuris, des parades où l’on mélange fleurs réelles et fleurs en papier. Grâce à des photographies et des témoignages des années 20, on sait que cette tradition a au moins 100 ans. Elle est donc bien plus ancienne que le tourisme à la côte, qui ne s’est véritablement développé qu’après la Seconde Guerre mondiale.
Les coquillages ont toujours été la monnaie d’échange. Mais attention: chaque station balnéaire a sa propre ‘devise’. À Knokke, il s’agit de couteaux. Un conseil: ramassez vos coquillages en hiver et gardez votre réserve jusqu’à l’été. Vous pouvez aussi jeter un œil de l’autre côté de la frontière, à Cadzand, où ces coquillages sont moins recherchés.
L’année dernière, Knokke a organisé le premier Zoute Beach Flower Festival, au cours duquel on pouvait assister à des ateliers et où s’est déroulé le championnat de Belgique. La seoncde édition du festival aura lieu le samedi 17 août dans l’après-midi. À vos rouleaux de papier crépon!
| Informations et inscriptions: www.zoutebeachflowerfestival.be |