L’architecte d’intérieur Nicolò Castellini Baldissera a publié “Inside Milan”, dans lequel il ouvre les portes des demeures de la fine fleur de la société milanaise. Premier stop: son appartement à Brera.
Pendant plus de trente ans, Nicolò Castellini Baldissera a tourné le dos à sa ville natale. Aujourd’hui, Milan est à nouveau son port d’attache et il ouvre, dans son ouvrage “Inside Milan”, les portes de son appartement coloré dans le quartier de Brera.
Neuf adolescents sur dix préféreraient s’éloigner de l’endroit où ils ont grandi. Posez à nouveau cette question quarante ans plus tard et ils parleront probablement de mal du pays, de nostalgie et même d’un possible retour au bercail. Avec l’âge, on accorde plus d’importance à ses racines, et c’est certainement le cas pour Nicolò Castellini Baldissera (54 ans).
Après le lycée, il fuit sa ville natale de Milan. “Jeune homme, je la détestais et je me suis enfui dès que j’ai obtenu mon diplôme. La vie était étouffante et provinciale”, admet-il dans les premières pages de “Inside Milan”. Elle présentait tant d’évocations de son illustre famille, qu’il la trouvait oppressante. Son arrière-grand-père est le célèbre architecte Piero Portaluppi, qui a conçu, entre autres, la légendaire Villa Necchi Campiglio. Sa mère descend de la famille du compositeur d’opéra Puccini. Son père est un architecte réputé qui a fondé la marque de tissus C&C Milano. Et il a grandi dans l’un des palazzi les plus célèbres de Milan: la Casa degli Atellani.
“Les rues de la ville étaient hantées par mes illustres ancêtres”, lance Castellini Baldissera. “Londres est rapidement devenue ma ville. J’ai étudié l’histoire de l’art chez Sotheby’s, la maison de vente aux enchères. C’était une bouffée d’air frais. Pour la première fois de ma vie, je pouvais arriver à une fête sans tomber sur une armée de cousins.”
Créér sa propre ésthétique
Castellini Baldissera n’est pas le seul Italien à penser que Milan “manque de beauté naturelle” et que la ville “doit travailler pour l’obtenir”. Avouons-le: c’est la ville d’affaires la plus frénétique d’Italie. Elle n’offre ni le baroque de la séductrice Naples, ni l’exotisme de Venise, ni l’histoire de Bologne. Comme elle a été massivement bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale, on y trouve beaucoup de bâtiments modernes. “De l’extérieur, Milan semble excessivement terne”, lance Castellini Baldissera. “La ville est également qualifiée de minérale, ce qui signifie grise et froide. Et comme Milan n’est pas belle, il faut rencontrer les Milanais: ils sont les créateurs de leur propre esthétique, sous la forme de la mode et du design, par exemple.”
“Procéder à la sélection a été la partie la plus difficile du livre. Ce n’est peut-être que le premier chapitre: il y a énormément d’appartements incroyables à Milan.”Nicolò Castellini Baldissera
Au fil des ans, Castellini Baldissera a fait la navette entre Londres et Tanger, ne venant à Milan que pour rendre visite à sa famille. Jusqu’à ce qu’il découvre l’exposition universelle en 2015 durant laquelle il a pu constater clairement les changements de sa ville natale. “Je me suis soudain retrouvé confronté à une nouvelle réalité: c’était devenu une ville moderne, dynamique et vibrante, construite à échelle humaine, et qui permettait de se déplacer facilement sans rester coincé dans les embouteillages pendant des heures. J’ai ressenti l’envie de renouer avec mes racines.”
En 2019, il achète un appartement dans un immeuble néoclassique de Brera, un quartier de galeries d’art. À l’intérieur, ce style n’est pratiquement plus perceptible. En tant qu’architecte d’intérieur et décorateur, Castellini Baldissera est connu pour ses combinaisons de couleurs affirmées et son style bohème éclectique. Ici, par exemple, il a choisi le rose, le sarcelle et l’or sur les murs. Le mobilier est un mélange de trouvailles de marchés aux puces, d’antiquités précieuses et de pièces conçues par lui-même.
“De l’extérieur, Milan semble terne, elle manque de beauté naturelle. Voilà pourquoi ses habitants créent leur propre esthétique.”Nicolò Castellini Baldissera
Bien qu’il possède toujours sa maison de Tanger et son appartement à Londres, il passe la majeure partie de l’année à Milan. C’est en y vivant à nouveau qu’il conçoit le projet de créer un livre consacré à ses habitants, en collaboration avec le photographe milanais Guido Taroni, comme le duo l’avait fait pour Tanger. Après trois ans de travail, le livre de trois cent pages est désormais disponible en librairie depuis le mois dernier.
Dans “Inside Milan”, on découvre quarante intérieurs d’artistes, designers, architectes, stylistes, philanthropes, créateurs de mode, musiciens et hommes d’affaires, dont le designer Barnaba Fornasetti, la créatrice JJ Martin (La DoubleJ), l’artiste Lisa Schnabel, Jacopo Etro, de la marque de mode éponyme, et le designer d’intérieur Hannes Peer. Tous des amis et connaissances de Castellini Baldissera. “Procéder à la sélection a été la partie la plus difficile du livre. Ce n’est peut-être que le premier chapitre: il y a énormément d’appartements incroyables à Milan.”
Grâce à 250 clichés, le livre passe en revue tous les styles d'intérieurs, du plus épuré au plus bohème, et fait le portrait de leurs occupants. “Un fil conducteur de ces intérieurs? Le seul qui me vienne à l’esprit, c’est que chaque domicile reflète la personnalité de son occupant.”
“Inside Milan”
| Nicolò Castellini Baldissera et Guido Taroni
| Vendome Press
| 77,95 euro