Des vêtements aux tatouages | 3 modes actuelles décryptées
Dans un monde en permanente mutation, la mode ne cesse d'évoluer. Sabato décrypte trois tendances actuelles qui bousculent les codes.
Dans un monde en permanente mutation, la mode ne cesse d'évoluer. Sabato décrypte trois tendances actuelles qui bousculent les codes.
On le sait: la mode est un processus cyclique infini. Les tendances vont, viennent, et s'avèrent souvent difficiles à suivre pour le commun des mortels. Sabato a examiné trois styles propres à l'époque actuelle. Qu'on les aime ou qu'on les déteste, ils façonnent indéniablement nos sociétés autant qu'ils transforment notre rapport au look.
La vague de tenues mi-stylées, mi-ringardes submerge la plus jeune génération qui affiche une sorte de laisser-aller totalement calculé. À tel point que, pour célébrer la nouvelle année, le quotidien britannique The Guardian titrait "Slobs rejoice! In 2023, looking dreadful will be the height of fashion", soit "Négligés, réjouissez-vous! En 2023, avoir un look épouvantable sera le summum de la mode".
Le terme “mode gobelin” (“goblin mode”) a été élu mot de l’année 2022 au Royaume-Uni. Les gobelins, ce sont ces créatures aux joues sales, aux ongles longs et aux cheveux gras. Ce terme était principalement utilisé pour désigner ou décrire une nouvelle tendance visible, à savoir “un type de comportement éhontément décadent, fainéant, je-m’en-foutiste ou vorace, généralement en butte aux normes sociales”, comme le définit l’Oxford English Dictionary. Alors, à vos T-shirts oversized, joggings délavés et hoodies difformes!
Au siècle dernier, le rejet des normes et des attentes sociales a culminé lors du mouvement punk, mais, en 2022, c’est autre chose: on renonce à se donner du mal pour avoir de l’allure en matière d’habillement.
Les zoomers, soit la génération Z, autrement dit les grands enfants des millennials, ne se retrouvent plus dans l’esthétique superficielle des influenceurs lisses et des silhouettes soigneusement composées et totalement sponsorisées. L’app française BeReal et la fonctionnalité TikTok Now, qui invitent à capturer et partager des moments authentiques et non mis en scène, encouragent les utilisateurs à cultiver l’ordinaire, le moche et le banal.
En marge de cette aversion croissante pour les looks dictés par les réseaux sociaux émerge une nouvelle façon de s’habiller qui permet d’exprimer le désir bouillonnant d’authenticité et de liberté, comme une sorte d'écho aux événements chaotiques du monde. Un style vestimentaire qui n’est pas un style, qui n’a pas de règles et qui n’est même pas basé sur des marques spéciales. Bref, le “chaos dressing”.
Le luxe discret s'impose comme la nouvelle tendance des milieux fortunés. Il suffit de regarder l'emblématique série 'Succession' de HBO. Au cours des saisons, les tenues des membres de la famille Roy ont été commentées au moins aussi abondamment que les intrigues au sein de ce clan assoiffé de pouvoir. Aucune autre série n’est autant scrutée dans le milieu de la mode, ce qui est assez remarquable, car les vêtements que portent les personnages sont extrêmement discrets. À première vue, le défilé de basiques monochromes n’a pas grand-chose d’original: costumes sur mesure, T-shirts et robes voguent dans un océan de beige, de gris et de grège. Les Roy sont d’élégants loups déguisés en moutons, qui évoluent avec aisance dans un cardigan Brunello Cucinelli à 1.690 euros.
Voilà comment le "Succession chic" est devenu le code vestimentaire contemporain des plus riches, soit des basiques classiques dans des matières précieuses. Un look pour ceux qui n’ont pas besoin de faire d’effort pour impressionner les autres. Ceux qui pourraient arborer diamants et fourrures choisissent cette sobriété toute relative, justement parce qu’elle est facile et impressionnante à la fois.
Ne pas respecter les codes vestimentaires en vigueur n’est permis qu’à ceux dont la richesse et le pouvoir ne risquent pas d’être questionnés. Ceux qui sont vraiment très fortunés préfèrent marcher loin des projecteurs. Discrétion, sécurité et vie (très) privée sont les nouveaux marqueurs de statut social. Exit les sacs aux logos voyants, les voitures m’as-tu-vu ou les bijoux bling-bling. Pour vivre heureux, vivons cachés. À l'image du CEO et fondateur de Meta - maison-mère de Facebook - Mark Zuckerberg qui affiche un style très sobre où qu'il soit.
Sur la peau autant que dans le style vestimentaire, les modes évoluent. Loin des salons punk, depuis quelques années, une nouvelle génération de tatoueurs la joue en finesse en proposant des tatouages fins et délicats qui séduisent un public plus large. “Avant, les tatouages avaient une image dark, mais cela a changé", expliquent les artistes Sven Rayen et Ti Racovita dans leur ouvrage 'Micro Tattoos'. Une rose ne doit pas nécessairement couvrir tout le bras: elle peut aussi être un minuscule dessin ornant subtilement un poignet. "Depuis quelque temps, les tatouages sont mieux acceptés et plus répandus. Les micro-tatouages sont parfaits pour cette nouvelle donne: ils sont accessibles et donc, désirables."
Un micro-tatouage n’est pas nécessairement un tatouage de petite taille. Ce terme peut également faire référence à la technique utilisée pour le réaliser à l’aide d’une seule aiguille ultra fine.
Non, les tatouages n'ont pas toujours forcément une signification, comme en témoigne Lenah De Wit, illustratrice reconvertie en tatoueuse. Elle décrit son style comme "naïf, spontané, aléatoire. Mes tatouages sont presque toujours tracés d’une seule ligne." Elle poursuit: "Aujourd’hui, les tatouages sont plus légers dans leur conception, mais aussi dans leur signification. Je les considère comme un accessoire ou un bijou de peau. Il ne faut pas toujours y chercher un sens."
L'artiste et architecte Matilde Everaert se reconnaît aussi dans cette vision du tatouage. Elle aime faire fusionner architecture et dessin sur la peau de ses clients. "Si le tatouage est subtil, les gens hésitent moins à passer le cap", explique-t-elle. "Mes tatouages sont des scènes d’un monde imaginaire que j’appelle le Matildistan. Ils vous emportent dans un univers onirique, avec une touche de mélancolie et de romantisme", confie Matilde.