Edouard Vermeulen, de la maison de couture Natan, nous parle de ce qui le fait se lever de sa chaise: être positif, les arbres du Bois de la Cambre et Audrey Hepburn en sneakers.
Edouard Vermeulen
Fondateur de la maison de couture Natan qui fête son 40e anniversaire avec une exposition et un livre.
Quelle est la chaise de votre vie?
"La ‘Practice Chair’ du Néerlandais Pepijn Fabius Clovis. C’est une chaise brute, un peu lourde, mais je la trouve rafraîchissante. Même si elle contraste avec l’élégance de Natan, notre clientèle bruxelloise s’y assied. Dans nos autres boutiques également, je souhaite intégrer plus d’art et de design contemporains. La ‘Practice Chair’ est faite de bois de récupération. Lors de notre dernier défilé, nous avons présenté des silhouettes réalisées à partir de bouteilles en PET recyclées. Chez Natan, la durabilité est un réflexe: on ne jette pas de carton et on ne fait rien fabriquer en Chine, c’est une question de respect. Et de bon sens."
Savez-vous rester assis?
"Récemment, j’ai joué au retraité pendant une matinée. J’ai pris mon petit-déjeuner tranquillement, j’ai fait du vélo, puis je suis sorti faire deux courses, mais la bougeotte a vite repris le dessus. Au travail, je passe 10% de mon temps à mon bureau et 90% en mouvement."
Pour qui gardez-vous votre chaise au chaud?
"Après 40 ans, je peux dire que, si l’on aime passionnément ce que l’on fait, le temps file à toute allure. Tant que je suis en bonne santé et suffisamment motivé, je continuerai. Les collections, les défilés, notre livre qui vient de sortir, notre exposition dans le bâtiment Vanderborght à Bruxelles… le travail n’arrête jamais!
Comment vois-je l’avenir? Si un nouveau talent arrive chez Natan, je l’accueillerai avec joie s’il a un projet solide."
Qui aurait sa chaise au dîner de vos rêves?
"Lee Radziwill et sa sœur, Jacqueline Kennedy Onassis, Marie-Hélène de Rothschild et Audrey Hepburn. Lorsque je regarde des photos de ces femmes, je suis toujours frappé par leur élégance. Je comprends bien qu’on y consacre moins de temps de nos jours, mais, parfois, cette élégance d’antan me manque. Mais, qui sait, Audrey Hepburn porterait peut-être des sneakers aujourd’hui?"
Ce qui fait un dîner réussi?
"Des plats simples exécutés à la perfection. Des invités qui ont fait l’effort de s’habiller en signe de respect pour l’hôte ou l’hôtesse. Et une table joliment dressée avec des bougies et des fleurs."
"J’ai joué au retraité pendant une matinée, mais la bougeotte a vite repris le dessus."Edouard Vermeulen
Sur quelle chaise aimeriez-vous vous asseoir le temps d’une journée?
"Sur celle du directeur artistique de Valentino, Pierpaolo Piccioli. C’est, à mes yeux, une maison de mode magique. J’aimerais voir comment lui et son équipe travaillent dans le segment le plus prestigieux de la mode. Je voudrais être présent lorsqu’ils commencent à concevoir une nouvelle collection."
Qu’est-ce qui vous a récemment fait tomber de votre chaise?
"Par où commencer? À l’échelle mondiale, tant de choses terribles se passent... Le conflit entre la Palestine et Israël me touche particulièrement parce que la situation est désespérée pour les gens qui y vivent. Sur un plan plus léger, alors que je séjournais dans un bel hôtel à Saint-Jean–Cap-Ferrat, j’ai été désagréablement surpris par la clientèle: il y avait là tellement de gens mal élevés et négligés que j’ai déclaré à la réception que je ne reviendrai plus."
À qui attribueriez-vous une chaire?
"À Bernard Arnault, fondateur et président directeur général du groupe de luxe LVMH. En une seule vie, ce Français a changé le monde. Positivement, mais aussi négativement, si on considère par exemple l’évolution des prix de l’immobilier commercial dans les emplacements prémium. Son instinct pour le business est incroyable, mais il sait aussi s’entourer de personnes compétentes en matière de marketing, de création et de branding. Qu’il soit l’une des personnes les plus riches de la planète ne me rend pas envieux. Sa vision va bien au-delà de la mode, des accessoires ou des parfums. En incluant l’art, le cinéma, la musique et l’architecture à son univers, il a établi un lien avec l’avant-garde."
Que faites-vous quand quelque chose vous tracasse?
"Je puise de l’énergie dans la nature. Lorsque je fais du vélo ou que je me promène au Bois de la Cambre à Bruxelles, je sens que les arbres me donnent de la force. Ils purifient mon esprit. Ils sont là depuis bien plus longtemps que moi et me survivront. J’essaie d’être en harmonie sur le plan émotionnel, spirituel et physique. C’est ma façon de garder l’équilibre.
Chaque jour, je suis reconnaissant pour ce qui m’est arrivé et pour ce qui m’attend. La vie m’a beaucoup donné; pas tout, mais je l’accepte sereinement. Même si j’ai connu des revers personnels, j’essaie d’être aussi positif que possible.
On me demande parfois pourquoi je n’ai pas d’ego et pourquoi je suis toujours si aimable. Je n’ai pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour cela, c’est dans ma nature. Je voudrais avoir la meilleure relation possible avec les gens et la nature. Parfois, je me dis que le monde serait plus vivable si chacun était un peu plus aimable et empathique."
L’exposition "Natan"
- Jusqu’à fin novembre, bâtiment Vanderborght, rue de l’Écuyer, 50 à Bruxelles.
- Le livre "Natan 1983. Edouard", disponible chez Borgerhoff & Lamberigts, 120 euros.
Practice Chair
Cette chaise a été conçue et présentée en 2021. Son créateur est le designer néerlandais Pepijn Fabius Clovis, diplômé de la Design Academy à Eindhoven en 2022.
Ce modèle d’upcycling est fait de planches de bois recyclées de 18 cm d’épaisseur, récupérées de boîtes d’emballage. Elles ont été laquées, ce qui met en valeur leurs imperfections.
La "Practice Collection" se compose de vases, plateaux, tables, chaises longues, armoires et même un piano, tous fabriqués selon ce même procédé et dans ce même style chunky.