© Inge Rylant

Instagram, la nouvelle vitrine des shopping addicts?

Instagram est en train de devenir la plus grande vitrine de shopping du monde. Ce qui, au départ, était un réseau social de partage d'images est devenu une immense boutique qui prédit même ce que vous allez acheter.

Si vous êtes sur Instagram, impossible de les rater: les articles 'shoppable' se bousculent sur votre fil. Des photos avec un petit rond blanc derrière lequel se cache une vignette. Si vous le touchez, un prix apparaît. Et si vous le touchez une deuxième fois, une boutique en ligne s'ouvre. Le même principe a récemment été adopté dans les stories sur Instagram, où la variante 'swipe up & buy' a également fait son apparition: on balaye son écran vers le haut et le webshop apparaît.

Plus récemment, Instagram a lancé d'autres fonctionnalités visant à séduire les accros du shopping. Désormais, vos stories postées peuvent également se voir attribuer un shoptag. Et les entreprises ont la possibilité d'ajouter à leur profil un 'shopping highlight', un lieu rassemblant tous leurs produits. Vous n'êtes pas encore certain de votre achat? Vous pouvez l'enregistrer dans la liste de vos envies.

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Autre nouveauté: le shop tab sur la page 'explore'. Sur cette page, Instagram regroupe les photos et vidéos qui sont en rapport avec vos intérêts personnels. Tout comme sur Facebook, cette technologie est basée sur les 'likes'. Quand on ouvre la page, on a une vitrine avec des produits, une sorte d'InstaShop personnel. Le mien me propose principalement deux produits: de la décoration (je suis en train de réaménager ma maison) et des combinaisons de plongée (je pratique le surf). En d'autres termes, Instagram prédit mon futur comportement d'achat avec une précision effrayante.

Et ça marche!

Ce sont surtout les labels de mode, de beauté et de décoration intérieur, telles que Dolce & Gabbana ou le géant Farfetch, qui s'y sont mis.

En Belgique, de nombreux labels utilisent déjà cette fonctionnalité de shopping. Chez Essentiel Antwerp, par exemple, on peut craquer pour les vêtements et accessoires directement via le fil des stories. La marque compte plus de 120.000 followers. Quand on leur demande pourquoi ils se sont lancés dans l'Instagram shopping il y a six mois, le directeur commercial et marketing, Gérald Didnik, répond sans hésiter "Parce que ça marche!"

Grâce à Instagram, les petites entreprises et startups peuvent présenter et vendre leurs produits à des millions de personnes et dans le monde entier.

Et, en effet, au cours du dernier semestre, Essentiel a vu les chiffres de ses ventes en ligne bondir de 0,5 % à 7 %, une augmentation spectaculaire. "Quand Inge (Onsea, la fondatrice, NDLR) a commencé à faire de la publicité sur Instagram, cela s'est directement répercuté sur les ventes. C'est alors que nous avons réalisé que nous devions investir plus dans ce média."

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Ikea Belgium, qui compte 125.000 abonnés, a aussi un shop sur Instagram. "Un choix stratégique", déclare Charlotte Van Loock, consumer & customer engagement manager. "Ikea a opéré un processus de rattrapage pour ce qui est des médias en ligne." L'entreprise s'est longtemps concentrée sur ses magasins, mais, début 2018, elle a ouvert une boutique en ligne en Belgique. L'Instagram shopping a suivi en juin de la même année.

"Nous sommes en retard en matière d'e-commerce, nous en sommes bien conscients; c'est pour cela que nous ne pouvions pas rester à la traîne avec Instagram shopping." Ikea utilise un 'user-generated content' (UGC), un terme de marketing qui désigne les photos fournies par des clients, fiers de l'aménagement de leur intérieur avec des articles Ikea et qui les partagent avec le hashtag #monikea. Ils peuvent ainsi être repérés et mis en avant sur le fil d'Ikea et recevoir un bon d'achat de 100 euros. Une stratégie plus locale et plus personnalisée que le catalogue qui, pendant des années, a fait entrer la vision d'Ikea dans les salons de Belgique.

Bon à savoir pour les startups: mettre sur pied un shop Instagram est, en principe, gratuit. Est-ce compliqué et accessible à tout un chacun? "Pour les développeurs, la construction d'un Instagram shop est assez simple", explique Koen Phlips, CEO de Glue. "Pour le profane, il faut plus qu'une simple connaissance de l'univers en ligne."

Glue est une agence numérique qui a facilité la mise en place de l'Instagram shop du label de mode belge Xandres et qui a remporté le titre de 'meilleur webshop de Belgique' pour la marque Torfs Schoenen. "Pour avoir un Instagram shop il faut déjà avoir un webshop, c'est une condition sine qua non. Ensuite, il faut le lier à un catalogue Facebook via un plan en étapes très complexe. En théorie, cela devrait être à la portée de tout le monde, mais, dans la pratique, on voit que les grandes marques font toutes appel à une agence. C'est pour ça que Xandres a fait appel à Glue et Ikea à Ogilvy & Social Lab", conclut-il.

© Inge Rylant

Le plus simplement du monde

Le shopping sur ce réseau social est un réel succès. Pendant des années, la société-mère Facebook a tâtonné et tenté sans grand succès d'introduire le shopping sur sa plateforme, mais c'est finalement sa filiale Instagram qui y est parvenue. Nonante millions d'utilisateurs cliquent chaque mois sur une vignette shopping pour en savoir plus sur un produit.

"L'explication est évidente", déclare Gord Ray, brand development lead chez Instagram. "L'app facilite l'achat. Il n'y a pas si longtemps, nous faisions des captures d'écran des choses que nous aimions. Aujourd'hui, c'est 'easy does it: see, tab, shop'. Si quelque chose de beau passe sur votre fil, il va dans un panier le plus simplement du monde. Inversement, les petites entreprises ou les startups ayant un budget limité peuvent désormais présenter leurs produits à des millions de personnes et dans le monde entier."

Dans une vie antérieure, Ray a été publishing director chez Wallpaper, le célèbrissime magazine de design. Aujourd'hui, il est à Londres sur Skype, ou plutôt sur Bluejeans, le logiciel de vidéoconférence utilisé chez Instagram, pour donner une interview à Sabato. Un fait assez exceptionnel pour le noter, l'inaccessibilité de cette entreprise étant légendaire. Le fait qu'elle se libère pour un sujet comme celui-ci en dit long.

C'est clair, Instagram prépare une offensive commerciale. La raison est évidente: toutes ces entreprises (et il y en a 25 millions dans le monde) peuvent promouvoir leurs articles ou leurs stories avec des publicités. Et c'est ce que font actuellement plus de 2 millions d'entreprises. Les annonces publicitaires sur Instagram ont explosé ces dernières années, au point que l'on peut qualifier ce réseau social d'aimant publicitaire.

Nouvelles fonctionnalités

Bien entendu, une fois de plus on prédit la fin des boutiques physiques. Les chiffres officiels ne sont pas encore disponibles, car la technologie est tellement récente que des agences d'analyse telles que BeCommerce ou Gfk ne tiennent pas encore de statistiques distinctes.

Ikea, qui possède huit magasins en Belgique, considère cette option plutôt comme un plus. "Instagram reste une app inspirationnelle", déclare Charlotte Van Loock. "Nous le considérons comme un complément: achats délibérés versus achats spontanés. Lorsque vous venez au magasin, vous savez ce que vous voulez acheter. Sur Instagram, vous trouvez quelque chose en cours de route."

Les utilisateurs de la première heure trouvent qu'Instagram a perdu son authenticité. Ils voient avec tristesse leur mood board préféré transformé en application commerciale.

Aujourd'hui, seuls des produits tangibles (mode,informatique, design...) peuvent être achetés sur la plateforme mais, selon les médias américains, cela pourrait bientôt changer. Le site web Techcrunch pense que nous pourrons bientôt se procurer des places de cinéma. Quant au site web TheVerge.com, il a annoncé à la fin de l'année dernière qu'Instagram avait des projets d'application distincte, IG Shopping, rumeurs qu'Instagram refuse de confirmer. "Nous n'avons rien de concret à annoncer pour l'instant", déclare Gord Ray. "Ces derniers temps, nous avons lancé énormément de nouvelles fonctionnalités, auxquelles les utilisateurs doivent d'abord s'habituer." Wait and see donc...

Dans quelle mesure les utilisateurs sont-ils agacés par les ronds/paniers blancs qui s'invitent dans leur fil et leurs stories? Ceux de la première heure y sont opposés, bien sûr, car pour eux, le réseau a perdu son authenticité. Ils voient avec tristesse leur mood board préféré et leur source d'inspiration transformés en application de vente commerciale.

Un sondage en interne le confirme: à la question "Aujourd'hui, vous pouvez acheter de plus en plus d'articles directement sur Instagram. Trouvez-vous cela agaçant?" ils sont 54% à répondre oui et 46% non. Un petit sondage dans mon entourage montre aussi que les messages sponsorisés et les publicités d'influenceurs ne sont pas très appréciés.

"Bien sûr, cela peut être dérangeant", reconnaît Koen Phlips, CEO de Glue. "C'est vrai, quand je vois passer Alpro Soya dans mes stories, ça m'agace. En même temps, cela peut aussi être très pratique et j'ai déjà acheté des produits via Instagram. C'est un peu comme la publicité classique. Elle est nulle? On zappe. Elle est top? On achète."





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