La créatrice de mode Julie Kegels nous parle de ce qui la fait se lever de sa chaise de bureau: la positivité à l’américaine, la beauté banale et la charcuterie de luxe.
Quelle est la chaise de votre vie?
"La chaise de bureau blanche très ordinaire que j’ai depuis huit ans. Je m’y suis tellement habituée que je ne vois plus sa banalité. Elle n’a rien de beau ni d’attirant, mais ça me plaît. On me demande parfois pourquoi ma chaise de bureau est aussi moche. Elle n’est pas l’œuvre d’un designer célèbre; elle existe et voilà. La banalité, la laideur et les clichés sont des sources d’inspiration pour mes collections de mode. Je les associe à quelque chose de très sophistiqué ou de glamour."
Qui aurait sa place au dîner de vos rêves?
"Mon ami Calvin. Nous sommes des foodies: un bon plat peut m’émouvoir profondément par l’excellence de la combinaison de saveurs ou la qualité exceptionnelle de ses produits. Calvin a récemment listé ses 101 restaurants préférés à Anvers. J’apprécie autant la cuisine traditionnelle avec une touche contemporaine que les classiques de la mode. Quand je vois une jeune femme dans un tailleur Chanel vintage avec un collier de perles, je trouve ça d’une beauté saisissante."
Qu’est-ce qui vous fait vous lever de votre chaise?
"Farfouiller dans de vieilles boutiques de tissus où s’entassent toutes sortes d’articles de mercerie. Quand je conçois une collection, j’aime partir de quelque chose de concret. Les œuvres d’art abstraites, les formes géométriques ou les couleurs m’inspirent moins: elles sont trop impersonnelles pour m’émouvoir."
Qu’est-ce qui vous a récemment fait tomber de votre chaise?
"Sur le plan personnel, découvrir qu’un petit assortiment de charcuterie peut coûter 14 euros chez le boucher. Sur le plan professionnel, le fait que la présentation de ma première collection à Paris, début mars, a reçu autant de réactions positives de la part de la presse et des acheteurs, nationaux et internationaux. À présent que les commandes affluent, ma collection doit être produite. Cette étape me stresse bien plus que la création. Heureusement, je vais commencer à travailler sur une nouvelle collection. J’ai hâte!"
Que faites-vous lorsque quelque chose vous tracasse?
"Pour évacuer le stress, je vais me promener, je fais des Pilates ou de l’exercice physique. J’ai besoin de bouger, idéalement tous les jours. Je fais souvent du sport avec ma sœur, qui dirige l’entreprise événementielle The Supper Club. Elle en ressent le besoin autant que moi."
Sur quelle chaise aimeriez-vous vous asseoir le temps d’une journée?
"Sur celle de Jackie Kennedy Onassis (1929-1994). C’est une icône de la mode américaine et elle m’inspire énormément. J’aimerais aussi découvrir à quoi ressemblait son univers dans les années 50 et 60. Je suis sous le charme du mode de vie américain. Je vais bientôt à Los Angeles: l’architecture de Palm Springs et ses environs est absolument fantastique. Je vivrai comme les Américains pendant un moment, ce qui m’enchante: leur positivité démesurée leur permet de fuir la réalité. Ils agissent comme s’ils n’avaient aucun souci. C’est agréable de se laisser porter un temps par cette ambiance, même si, à la longue, cela me rend dingue."
Qui mériterait une chaire?
"J’ai énormément appris de mon père (Xavier Kegels, fondateur des marques de sacs Kipling et Hedgren, ndlr). Comme j’ai grandi dans une famille d’entrepreneurs de la mode, j’ai vu les opportunités, mais aussi les problèmes que ce business représente. Mon père vit sa vie avec passion: il peut être complètement obsédé par les Harley-Davidson, puis, le moment d’après, prendre un vélo pour pédaler comme un fou d’Anvers à Saint-Jacques-de-Compostelle. Il nous a toujours encouragées, ma sœur et moi, à concrétiser nos rêves. Son énergie débordante nous pousse également à oser beaucoup dans la vie. Aucun défi n’est trop fou. Par exemple, il m’a poussée à passer le concours d’entrée à l’Académie de la mode d’Anvers. Après mes études, j’ai fait un stage chez Meryll Rogge et je suis partie à Paris pendant un an pour travailler avec Pieter Mulier, le directeur artistique belge de la maison de mode Alaïa. J’y ai découvert toutes les facettes de l’industrie, mais j’ai tout de suite su que jamais je ne pourrais m’établir à Paris. On ne me fera pas quitter Anvers!"