En 2018, Kris Van Assche devient directeur artistique chez Berluti, jusqu’à ce que la pandémie mette prématurément fin à cette aventure, il y a deux ans.
En 2018, Kris Van Assche devient directeur artistique chez Berluti, jusqu’à ce que la pandémie mette prématurément fin à cette aventure, il y a deux ans.
© Paolo Roversi

Kris Van Assche | Le créateur belge qui a travaillé pour les plus grands

YSL, Dior, Berluti... Le créateur de mode Kris Van Assche est passé par les plus grandes maisons et a réalisé le livre "55 Collections" qui regroupe toute son oeuvre.

Son appartement se trouve à deux pas de l’Arc de Triomphe à Paris, au dernier étage d’un élégant immeuble haussmannien. Kris Van Assche (47 ans) vit là avec son compagnon, sa chatte Frida, des meubles de Pierre Jeanneret et des œuvres d’art de Rinus Van de Velde et Ben Sledsens. "Je suis quelqu’un qui aime travailler, déclare-t-il. Mon travail est ma passion. Cette longue plage de temps libre, depuis que j’ai quitté Berluti il y a deux ans, a été une expérience étrange. Un peu comme une cure de désintoxication, mais en soi, c’est plutôt sain. Je n’ai pas développé de nouveaux passetemps ou quoi que ce soit du genre. Je n’ai pas ressenti le besoin de me mettre à la poterie, par exemple - je collectionne les céramiques d’artistes. En fin de compte, j’ai besoin du train-train quotidien. Je n’ai jamais rien connu d’autre durant toute ma vie, alors j’ai continué à faire du sport, quatre fois par semaine, tôt le matin, avec mon coach. J’aurais pu en faire l’après-midi, mais j’ai préféré garder mes habitudes."

"L’année dernière, le livre est presque devenu un travail à temps plein. J’avais sous-estimé le temps qu’il me demanderait. On peut sans doute aborder un tel projet de manière plus légère, mais moi, je m’y suis investi à fond. J’ai fouillé dans d’innombrables boîtes, disques durs, lookbooks et magazines. J’ai contacté des photographes, des artistes et d’anciens collaborateurs. C’était chronophage et intense."

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© AFP

Biographie | Kris Van Assche

  • 47 ans.
  • A grandi à Londerzeel.
  • A étudié à l’Académie de la mode d’Anvers de 1994 à 1998.
  • Devient premier assistant d’Hedi Slimane, chez Yves Saint Laurent Rive Gauche, puis chez Dior Homme jusqu’en 2004.
  • Lance ensuite son propre label de mode, Kris Van Assche.
  • En 2007, revient chez Dior en tant que directeur artistique pour les collections homme où il reste pendant plus de dix ans.
  • En 2018, devient directeur artistique chez Berluti, jusqu’à ce que la pandémie mette prématurément fin à cette aventure, il y a deux ans.

"Je n’en avais jamais eu envie auparavant", explique-t-il par une matinée ensoleillée, assis à la table en bois de son salon. "Quand vous avez travaillé pendant si longtemps dans l’idée que votre prochaine collection doit être meilleure que la précédente, tout ce que vous avez fait auparavant est par définition moins bon. Vous n’aimez donc pas revenir sur le passé. J’ai un entrepôt dans la banlieue parisienne, où je conserve mes archives. Je n’y vais jamais. Rétrospectivement, je m’en réjouis. Mon travail ne m’apportait pas un sentiment de paix, mais, aujourd’hui, pour la première fois, c’est le cas."

"Chez Dior Homme, j’aurais pu continuer dix ans de plus, mais j’avais déjà raconté mon histoire."
Kris Van Assche
Créateur de mode

Cette confrontation n’a pas toujours été facile. "J’ai parfois dû ravaler ma fierté. Au départ, je ne voulais pas tout montrer. Il y a des collections dont je suis moins satisfait. Je me disais: ‘Il est hors de question que ça soit dans mon livre’. Mais, à un moment donné, j’ai décidé que je voulais un livre honnête, et c’est ce qu’il est devenu."

Ce livre, intitulé "55 Collections", regroupe les 55 collections conçues par Van Assche depuis 2004, pour sa marque, pour Dior Homme et pour Berluti. En tant que premier assistant d’Hedi Slimane, d’abord chez Yves Saint Laurent Rive Gauche puis chez Dior Homme, le Belge contribue à redéfinir la silhouette de l’homme à l’aube du millénaire. Il lance ensuite sa marque de mode, Kris Van Assche, trouvant ainsi sa propre expression. Peu après, il est engagé chez Dior, fleuron de LVMH, cette fois en tant que directeur artistique. Il reste en poste pendant plus de dix ans, au siège de la rue de Marignan. Après Dior Homme, LVMH offre à Van Assche un nouveau défi: la transformation de la maison de souliers Berluti en marque de mode à part entière. La pandémie met fin à cette mission, et Kris Van Assche lève le pied pour la première fois depuis son arrivée à Paris, en 1998.

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"À l’académie, j’étais à mille lieues de la réalité"

1990

"Quand j’avais 13-14 ans, ma grand-mère paternelle m’a aidé à confectionner des pantalons. Tout le monde portait des jeans et je n’aimais pas ça: je portais des pantalons classiques, ce qui m’a rendu très populaire à l’école. J’ai toujours vu ma grand-mère derrière une machine à coudre. Elle était l’esthète de la famille et sortait rarement de la maison sans un joli chapeau. Un jour, nous sommes allés acheter ensemble un patron pour faire ces fameux pantalons, et c’est ainsi que tout a commencé."

"Je ne sais pas d’où vient mon intérêt pour la mode. Quand j’ai réalisé, enfant, que les vêtements qui se trouvaient dans mon armoire avaient été dessinés par quelqu’un, je me suis dit que je préfèrerais faire ça moi-même, parce qu’ils n’étaient pas tout à fait comme je le voulais. À 12 ans, je savais que je voulais étudier la mode et à 18 ans, je suis entré à l’Académie de la mode d’Anvers. Mes condisciples, qui avaient quatre ou cinq ans de plus que moi, avaient déjà suivi une formation. J’avais du retard à rattraper, mais ça s’est bien passé. Je dis toujours que ma formation a duré dix ans: quatre ans à Anvers et six à Paris, en tant qu’assistant. Aussi fructueuses et agréables qu’aient été mes années à l’Académie, j’étais à mille lieues de la réalité de ce métier. Je suis heureux de ne pas avoir créé mon propre label directement après mes études."

"Dès mon enfance, je me suis rendu compte que mes vêtements étaient dessinés par quelqu’un. Et je me suis dit: je préfère le faire moi-même."
Kris Van Assche
Créateur de mode

"Lancer une nouvelle marque à ce niveau, qui a déjà vécu ça?"

1998

Van Assche part à Paris fin 1998, pour devenir le stagiaire du créateur Hedi Slimane sur les collections homme Yves Saint Laurent Rive Gauche. Au bout de quatre mois, on lui propose un CDI d’assistant. Deux ans plus tard, la maison Yves Saint Laurent est rachetée par Gucci Group, l’actuel Kering. C’est alors que Slimane rejoint son concurrent, LVMH, où il lance une marque homme pour Dior, maison qui ne proposait que des collections pour femme. Van Assche le suit.

"Lancer une nouvelle marque à ce niveau, qui a déjà vécu ça? Je savais qu’Hedi était en train d’écrire l’histoire, même quand il était encore chez Saint Laurent. C’était intense, mais c’était aussi un privilège de participer à cette aventure. Il y avait tellement de choses à prendre en compte! Par exemple, on apprend qu’il faut commander des boutons. Quand on conçoit un manteau, on doit aussi penser à la doublure. Un logo, des cintres... aucun détail n’est accessoire. Par contre, quand on commence à travailler dans une maison comme Dior, tout ça est déjà sur place. Si vous avez déjà été impliqué dans un tel lancement, ne serait-ce qu’une fois, lorsque vous créez votre propre label quatre ans plus tard, vous savez que vous devez penser aux boutons et aux cintres."

Pour la collection Dior été 2018, Van Assche s’est inspiré du travail de l’artiste François Bard. Le créateur belge a repris certains motifs des peintures de Bard pour les incorporer dans les vêtements et les accessoires.
Pour la collection Dior été 2018, Van Assche s’est inspiré du travail de l’artiste François Bard. Le créateur belge a repris certains motifs des peintures de Bard pour les incorporer dans les vêtements et les accessoires.
© Mathieu Ridelle / Courtesy Villa Eugenie

"Nous étions à côté de la plaque, mais c’était un bon point de départ"

2004

"Après six ans en tant que premier assistant, j’avais fait le tour de la question. Alors, je me suis dit que je n’allais pas passer toute ma vie à travailler pour la vision de quelqu’un d’autre. J’étais fatigué, y compris sur le plan créatif. Lorsque j’étais encore chez Dior, j’ai reçu de nombreuses offres de marques pour diriger les collections homme, mais ce n’était jamais la bonne opportunité ni le bon moment. Au départ, je n’avais aucune envie de voir mon nom sur une étiquette. Je voulais pouvoir être créatif, cela me suffisait. C’est alors qu’un ami m’a dit: ‘Si tu veux lancer ton propre label, élabore un business plan et je te mettrai en contact avec des investisseurs potentiels.’ J’ai donc préparé ce business plan avec un autre ami, Frank Sanchez. Avec le recul, nous étions à côté de la plaque. Mais c’était un bon point de départ."

"J’ai quitté Dior en septembre 2004. Les discussions avec mes investisseurs étaient encore loin d’être abouties, mais Hedi avait eu vent de certaines rumeurs. Je suis parti avec des sueurs froides (rires), mais quelques semaines plus tard, j’avais un accord avec les investisseurs, et quatre ou cinq mois plus tard, nous présentions le premier défilé."

"Quand on se jette à l’eau, il faut savoir nager. Je savais que Frank pouvait s’occuper du volet commercial. Je me souviens du moment où nous avons branché notre fax dans nos bureaux à l’Hôtel de Retz, dans le Marais. À ce moment-là, nous nous sommes dit: ‘Oui, nous existons!’. Nous avons ressenti ça comme une victoire."

"La première saison, nous avons eu la chance qu’Helmut Lang démissionne du jour au lendemain, ce qui a libéré un créneau sur le calendrier officiel de la Fashion Week. La toute nouvelle marque Kris Van Assche a pu reprendre ce créneau, mais aussi la salle que Lang avait réservée. Les critiques ont été excellentes: Suzy Menkes de l’International Herald Tribune, Women’s Wear Daily,... La presse avait encore énormément d’importance à l’époque. Nous avions calculé qu’il nous fallait 15 clients pour couvrir nos frais. Nous en avons convaincu 45."

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La marque Kris Van Assche propose un mélange audacieux pour l’époque de mode de créateur et de streetwear - des costumes portés avec des sneakers et des vêtements de travail. Une collection femme s’y ajoute en 2008.

"J’étais Judas, le traître"

2007

"En 2007, il y a eu des rumeurs selon lesquelles Hedi Slimane allait quitter Dior, car les négociations pour le renouvèlement de son contrat se passaient mal et j’ai été sollicité à plusieurs reprises pour des entretiens exploratoires. Cela peut paraître étrange, mais cela ne m’empêchait pas de dormir à l’époque. En 2004, j’étais parti en douce, sans tambour ni trompette. En 2007, je me suis dit: ‘Hum, on verra’. J’étais heureux avec ma propre marque. Je me voyais comme un de ces créateurs indépendants typiquement belges, mais qui vivait à Paris. Un beau jour, je reçois un appel: je pouvais commencer en tant que directeur artistique chez Dior."

Dans les ateliers tailleur de la maison dior travaillent les plus expertes des petites mains de Paris.
Dans les ateliers tailleur de la maison dior travaillent les plus expertes des petites mains de Paris.
© Virginia Arcaro

"Dior Homme était un succès. Et étant donné que j’avais contribué pendant des années à bâtir les fondations de la maison, LVMH a supposé que je pouvais continuer à la développer. De nos jours, chaque semaine, un créateur est remplacé quelque part. À l’époque, c’était plutôt exceptionnel. On ne touchait jamais à une success-story. On ne recrutait quelqu’un de nouveau que quand la marque ne se portait pas bien. De plus, j’étais l’ancien assistant. J’étais Judas, le traître. Heureusement, les réseaux sociaux n’existent pas encore. En ce sens, j’étais relativement protégé. Et l’équipe, à une ou deux exceptions près, a bien accueilli mon arrivée. J’avais toujours collaboré en bonne intelligence avec ces gens quand j’étais assistant."

"Dès la première semaine, j’ai accroché de grandes photos de Monsieur Dior dans tout le bâtiment, pour souligner le fait que Dior existait avant Hedi. Que Dior n’était pas seulement une maison, mais aussi une personne. Je me suis aussi plongé dans les archives pour trouver des points de référence avec son travail: depuis 1946, date de la création de Dior, jusqu’à sa mort, en 1957. Chose intéressante, il y avait déjà une silhouette spécifique. Le tailoring était devenu l’ADN de la griffe sous le règne d’Hedi. J’y ai ajouté des éléments couture. Et cela a été bien accueilli."

"En juin 2009, alors que mon premier contrat de trois ans touchait à sa fin, j’ai estimé qu’il était temps d’adopter une approche différente. C’était tout ou rien. Les premières années, j’étais dans une situation presque impossible. D’un côté, les fans hardcore ne voulaient pas que Dior Homme change. De l’autre, si je ne changeais rien, j’aurais été considéré comme un copycat. La silhouette ajustée et stricte de Dior était sacrée. J’ai commencé à déconstruire le costume et j’en ai fait ce que je voulais. Plus libre, plus confortable et avec une certaine sensualité. Mon partenaire Mauricio, qui s’occupait du stylisme, et moi-même avons alors décidé que nous étions prêts à risquer nos jobs pour ce défilé. Et ce fut un succès."

YSL, Dior, Berluti... Le créateur de mode Kris Van Assche est passé par les plus grandes maisons et a réalisé le livre "55 Collections" qui regroupe toute son oeuvre.
YSL, Dior, Berluti... Le créateur de mode Kris Van Assche est passé par les plus grandes maisons et a réalisé le livre "55 Collections" qui regroupe toute son oeuvre.

"Mettre fin à ma marque est ce que j’ai fait de plus difficile."

2015

"Il y avait un contraste énorme entre les moyens dont je disposais chez Dior et ceux de ma marque. Le défilé de l’été 2011 pour Kris Van Assche était très symbolique: quatre hommes gantés de blanc déroulaient un rouleau de papier blanc pour en faire une sorte de tapis, comme la traîne d’une robe de mariée ou le tapis rouge du Festival de Cannes. Une idée de luxe, mais avec le rouleau de papier le moins cher que nous avions trouvé. Les noms de mes collections étaient également très parlants: ‘Illusion’, ‘Resistance’. Mes défilés pour Kris Van Assche avaient toujours lieu le vendredi à 15 heures, et ceux pour Dior, le lendemain à la même heure. Deux défilés en 24 heures, souvent chroniqués en une seule fois, alors qu’ils avaient été créés dans des contextes totalement différents, c’était difficile. Au début, j’aimais jouer avec les différences d’échelle entre Kris Van Assche et Dior, mais plus le temps passait, plus cela devenait schizophrénique et frustrant."

"C’est aussi la raison pour laquelle j’ai arrêté ma marque. Cela ne me procurait plus aucune joie. Nous avons tenu bon pendant 11 ans. Les premières saisons sont souvent incertaines, c’est normal. Mais quand, après vingt saisons, la situation est toujours aussi précaire... Il y avait toujours suffisamment d’argent pour ne pas couler, mais jamais davantage. À la fin, nous étions une dizaine."

En 2018, Kris Van Assche devient directeur artistique chez Berluti.
En 2018, Kris Van Assche devient directeur artistique chez Berluti.

"Quitter Kris Van Assche a été la chose la plus difficile de ma vie. Avec le recul, je retiens surtout les bons moments: habiller Justin Timberlake pour un magazine américain, les collaborations avec des marques comme Eastpak, Adidas et Lee à une époque où les collabs étaient rares, la campagne avec l’artiste Jeff Burton. Tant que l’énergie est bonne, on peut réaliser de grandes choses, même avec une petite équipe."

Van Assche met fin à sa marque en mai 2015. "Chaque jour, je reçois trois messages via les réseaux sociaux, envoyés par des gens qui me demandent: ‘Eh bien, pourquoi ne pas relancer votre label?’ Comme si je n’y avais pas pensé! Lorsqu’on décide d’arrêter après autant d’années, ce n’est pas à la légère. Et on ne redémarre pas à la légère non plus. Je suis éventuellement prêt à le faire, mais pas de la même manière qu’à l’époque. Je ne peux pas ignorer que j’ai travaillé pendant 20 ans."

"Je savais que je n’allais pas rester éternellement chez Dior."

2018

"En 2018, j’ai quitté Dior, après 11 ans. Un nouveau CEO est arrivé. On sait tous qu’un nouveau CEO choisit presque toujours un nouveau créateur. Lequel veut apposer son sceau sur une marque aussi prestigieuse. La mode, c’est le changement, par définition. Un jour ou l’autre, vous avez fait votre temps. Cela n’a rien à voir avec la qualité de votre travail. D’ailleurs, les ventes étaient toujours excellentes. Je savais que je n’allais pas rester éternellement chez Dior et pourtant, je suis parti le cœur lourd. Je m’y sentais bien, mais en réalité, la boucle était bouclée."

"Il m’a fallu dix ans pour oser m’attaquer à la ‘veste bar’, la silhouette en sablier emblématique de Christian Dior. J’avais déjà utilisé tout l’héritage de Monsieur Dior comme source d’inspiration: ses tissus, ses porte-bonheurs, ses fleurs, ses imprimés. Mais je n’avais pas encore touché à la ‘veste bar’, précisément parce que le costume classique pour homme de Dior était si crucial pour l’entreprise. J’aurais pu continuer dix ans de plus, mais j’avais déjà raconté mon histoire. Et maintenant, six ans plus tard, on voit cette silhouette en sablier encore partout."

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Van Assche a été remplacé chez Dior par Kim Jones, qui était jusqu’alors créateur des collections homme chez Louis Vuitton, où a travaillé Virgil Abloh. Van Assche a rejoint la prestigieuse marque homme Berluti, où il a remplacé Haider Ackermann. Ce fut le plus important jeu de chaises musicales de l’histoire du groupe de luxe LVMH.

En 2018, Kris Van Assche quitte Dior, après 11 ans.
En 2018, Kris Van Assche quitte Dior, après 11 ans.
© Mathieu Ridelle

"J’ai pensé qu’il serait libérateur de créer un nouvel homme"

2019-2021

"LVMH voulait me garder. J’avais eu rendez-vous avec Antoine Arnault, CEO de Berluti, avant même de quitter Dior. J’ai refusé le poste à plusieurs reprises, pensant que je n’étais pas la bonne personne pour ce label. Finalement, Antoine a réussi à me convaincre. Il voulait que je fasse pour Berluti ce que j’avais fait pour Dior, à ma manière. C’était un énorme défi."

"À l’origine, Berluti est une marque d’accessoires et elle n’avait donc pas encore d’ADN en tant que marque de vêtements. J’ai pensé qu’il serait libérateur de créer une nouvelle silhouette, un nouvel homme. J’ai adoré le faire. Quand on regarde la qualité, les matériaux, la technique, je trouve que mes collections pour Berluti sont les plus fortes que j’aie réalisées. J’en suis fier. Et puis la pandémie est arrivée et tout s’est arrêté. C’était une période étrange, personne ne savait combien de temps cette situation allait durer. LVMH s’est concentré sur les grandes marques, plus lucratives, et Berluti n’était plus une priorité parce que, d’une certaine manière, c’était encore une start-up. C’était dommage, car nous avions obtenu d’excellents résultats en un an et demi. Berluti marchait du tonnerre en Corée du Sud et en Chine."

Il démissionne en avril 2021 et n’a pas été remplacé depuis en tant que directeur artistique de Berluti. La marque se concentre désormais principalement sur les accessoires, et ne fait plus de défilés.

"J’ai encore un rendez-vous ce soir"

2023

"J’aime travailler, confie-t-il. J’aimerais beaucoup me lancer dans un nouveau projet passionnant. Trouver quelque chose de similaire, compte tenu de mon parcours, c’est peut-être chercher une aiguille dans une botte de foin. Quelque chose de complètement différent me conviendrait également, tant que cela reste créatif et que la stratégie est claire."

"J’ai encadré des étudiants à l’école Polimoda à Florence pendant deux ans, avec An Vandevorst, la directrice du département mode. J’y ai pris beaucoup de plaisir, mais deux ans, ça m’a suffi. J’en avais tiré tout ce qui était possible et j’avais donné tout ce que je pouvais."

"Pendant cette période d’autoévaluation, j’ai trouvé intéressant de me confronter à une nouvelle génération, ce qui fut assez stimulant. Aujourd’hui, je suis prêt à relever un nouveau défi et je l’attends avec une certaine impatience. Je rencontre beaucoup de gens. J’ai encore un rendez-vous ce soir. J’ai déjà refusé pas mal d’offres. Je sens très vite si un projet est bancal, si l’équilibre entre l’aspect créatif et l’aspect commercial n’est pas bon. Travailler sur mon livre m’a permis de bien comprendre ce que je veux et ce que je ne veux pas. Je n’avais jamais passé mon travail en revue de cette manière et cela m’a semblé un bon exercice, comme une psychanalyse créative."

"Kris Van Assche, 55 Collections"

  • Rédaction: Grace Johnston
  • Conception graphique: M/M (Paris)
  • Aux éditions Lannoo | 79,99 euros.